Syndicalisme vétérinaire, entre défis et perspectives - La Semaine Vétérinaire n° 2022 du 23/02/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2022 du 23/02/2024

Vie de la profession

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : Par Chantal Céraud

En 2024, où en est-on du syndicalisme vétérinaire ? Trois de ses représentants, Laurent Perrin du SNVEL, Jean-Yves Gauchot de la FSVF et Caroline Dabas du SSEVIF livrent ici leurs visions de leur rôle et détaillent les défis à relever pour assurer l’avenir de la profession.

« Nos adhérents sont les praticiens libéraux, ils sont autour de 2 000, un nombre stable depuis quelques années », informe Laurent Perrin, président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL). Et d’ajouter : « Nos adhérents sont répartis dans environ 30 % des établissements de soins vétérinaires. Étant de par notre statut un syndicat représentatif des employeurs, les vétérinaires salariés ne peuvent adhérer à ce jour au SNVEL. Mais ils peuvent évidemment adhérer aux centrales syndicales classiques de salariés… Cependant, il faut bien comprendre que de nombreux sujets que nous portons concernent en fait tous les vétérinaires, quels que soient leur statut et leur domaine d’exercice. C’est pourquoi je considère qu’ils sont quand même concernés par l’action du SNVEL. » Les moyens financiers du SNVEL sont donc ceux que lui donnent ses adhérents. 

De multiples représentations syndicales

Il en va de même pour les autres principaux syndicats vétérinaires sont le SNISPV (Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire), le SNVSE (Syndicat national des vétérinaires salariés d’entreprise), la FSEEVF (Fédération des syndicats d’enseignants des Écoles vétérinaires françaises), le SNVECO (Syndicat national des vétérinaires conseil), le Syndicat des vétérinaires spécialistes (SpéVet). Est venu récemment s’ajouter à cette liste le Syndicat des structures et établissements vétérinaires indépendants français (SSEVIF), (voir encadré 1). Et, depuis 2021, le Syndicat des groupements d’établissements vétérinaires (SYNGEV).

LA FSVF : une organisation transversale

Enfin, les « chapeautant », la FSVF, la Fédération des syndicats vétérinaires de France. Son président, Jean-Yves Gauchot (T 90), souligne que « la FSVF est l’organisation syndicale représentative pour l’ensemble de la profession, dans les instances nationales (par exemple dans le cadre du dispositif CNOPSAV) et européennes (par exemple, au sein de la Fédération vétérinaire européenne). Elle est l’organisation la plus transversale, la seule à regrouper praticiens, fonctionnaires, contractuels de droit public et enseignants-chercheurs des écoles vétérinaires. C’est donc de ce fait un lieu d’échanges et de confrontations d’idées entre les différents syndicats. Et chaque fois que cela est possible, c’est aussi une organisation au service de la défense des intérêts de la profession. Enfin, elle fait également la promotion du rôle et de la place des vétérinaires au service du bien commun. »

Faut-il élargir la FSVF ?

« Actuellement, poursuit Jean-Yves Gauchot, nous réfléchissons à faire évoluer nos statuts pour mieux intégrer l’ensemble des parties prenantes de notre profession qui ne seraient donc plus seulement d’obédience syndicale, mais aussi d’obédiences techniques et autres (en intégrant, par exemple, en plus l’AVEF, l’AFVAC, la SNGTV). Car les organismes techniques jouent un rôle majeur sur certains sujets (par exemple concernant les archétypes canins, l’influenza, la lutte contre antibiorésistance, la promotion d’une seule santé, etc.). »

Contre une « archipélisation » des vétérinaires !

Et Jean-Yves Gauchot de conclure : « Nos sociétés sont actuellement traversées de tensions profondes qui ont fait dire à Jérôme Fourquet* que la France est devenue un archipel d’îles s’ignorant les unes les autres. De même, il y a un risque " d’archipélisation " des vétérinaires. Certes, chaque organisme est légitime dans son domaine pour défendre efficacement l’intérêt de ses adhérents. Mais n’oublions pas que l’unité de la profession est un bien précieux ! Faire vivre entre eux un lieu d’échange et de dialogue : c’est le défi auquel s’attache la FSVF. »

* Sondeur, essayiste et analyste politique français, il est l'auteur de L’Archipel français. Naissance d’une nation multiple et divisée, aux éditions du Seuil.

Caroline Dabas (T 93)

Présidente du Syndicat des structures et établissements vétérinaires indépendants français (SSEVIF)

« Rester mobilisé est la priorité »

Nous avons créé en 2019 le SSEVIF afin de fédérer les vétérinaires indépendants libéraux pour mieux les informer sur l’avenir et les enjeux du maintien de notre indépendance capitalistique et sur l’importance du maillage vétérinaire territorial. Sur ces points précis, nous voulons être les interlocuteurs des élus, nationalement ou localement. Pour les autres sujets en revanche, il revient à chacun de se manifester… Personnellement, je trouve par exemple que les vétérinaires salariés sont assez peu représentés. En tout cas, pour notre compte, nous essayons de toucher aussi les jeunes. Car il faut que chacun ait bien conscience que les vétérinaires forment une « petite » profession, qui risquerait sans ses représentants d’être facilement « mise en danger », notamment par des décideurs politiques qui méconnaîtraient ses réalités. En définitive, je trouve que nos syndicats reflètent bien les vétérinaires dans leur pluralité. Pour moi, la priorité n’est donc pas tant de changer, mais plutôt de veiller à rester bien mobilisé !

Questions à Laurent Perrin (L 84)

Président du SNVEL

« Nous sommes à un moment charnière d’évolution »

Quel est le taux de syndicalisation de la profession ?

Le taux de syndicalisation des vétérinaires est d’un peu moins de 20 %. Il est donc inférieur à celui des médecins (25 %), mais il est supérieur à celui des salariés hors vétérinaires (qui s’établit autour de 10 %).

Conserver des adhérents est-il un défi ?

Oui, pour toutes nos organisations vétérinaires, le challenge est effectivement de trouver des forces vives pour agir efficacement. Cela implique d’accepter de donner de son temps, professionnel ou personnel, au service de l’intérêt commun. Et ceci à un moment charnière de l’évolution de notre profession. L’environnement est en effet très changeant, tant en rurale qu’en canine. Notamment avec la consolidation des structures vétérinaires, une très forte tension sur le maillage vétérinaire, une nécessité de la reconnaissance du vétérinaire dans ses missions auprès du public (garantie sanitaire des aliments, permanence et continuité des soins, etc.). Sans parler de la demande de délégations d’actes à des salariés non-vétérinaires de nos structures mais aussi par des paraprofessionnels, et c’est là que l’action syndicale est primordiale…

Mais qui fait quoi entre tous ces organismes représentatifs de la profession ?

La difficulté des organisations représentatives des vétérinaires est effectivement un risque d’atomisation de la parole… C’est un fait, la profession est à la fois diverse et, surtout, petite ! Donc, la multiplicité des structures ne peut rester efficace que si chacun reste dans son rôle pour être audible. Les organismes techniques pour un éclairage technique auprès des partenaires de la profession, l’Ordre pour ses missions réglementaires, le SNVEL pour un syndicalisme constructif de proposition. D’autres syndicats s’adressent à des sous-groupes de la profession et nous cherchons de notre côté à fédérer toutes ces composantes pour porter une voix plus forte, afin que chacune et chacun se sente – malgré la diversité – représenté. Le point critique de la représentation professionnelle est d’avoir un discours cohérent auprès du public, des partenaires, de l’État et des décideurs. Cette cohérence de discours est primordiale, même s’il doit tenir compte du prisme de tous, ce qui est parfois délicat…