Epizootie
ANALYSE MIXTE
Auteur(s) : Par Tanit Halfon
Jusqu’à présent, cette saison épizootique n’aura totalisé que 10 foyers d’influenza aviaire hautement pathogène en élevage, contre près de 300 l’an dernier à la même époque. Une situation favorable en lien notamment avec la vaccination.
Le pire est-il derrière nous s’agissant de l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) ? Ce qui est sûr, c’est que, pour cette saison épizootique, la situation épidémiologique en élevage est plus que favorable. Au 18 février 2024, seulement 10 foyers ont été dénombrés en France1. L’an dernier, à la même époque, il y en avait eu près de 300. À l’échelle européenne, la tendance est la même : sur les 33 pays touchés cette saison (Russie inclue), 249 foyers en élevages commerciaux ont été confirmés, associés à 55 cas d’oiseaux captifs. Contre respectivement 836 foyers et 339 cas dans 31 pays l’an dernier (au 19 février 2023). « Pour cette saison épizootique, il n’y a pas eu de phénomène massif de diffusion, mais quasi uniquement des introductions ponctuelles via l’avifaune sauvage contaminée, explique Jean-Luc Guérin (T 95), professeur d'aviculture et de pathologie aviaire à l’École nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT). De plus, les foyers français concernent essentiellement des espèces autres que les palmipèdes. Seuls 3 élevages de canards en Vendée ont été touchés. » Ces trois élevages ont été détectés courant janvier. Pour le premier, les animaux avaient reçu un schéma complet de vaccination (2 doses) ; le deuxième était un foyer secondaire (même éleveur, deux sites différents) avec des animaux n’ayant reçu qu’une dose et donc non protégés ; et pour le troisième, les animaux reproducteurs n’étaient pas vaccinés. Ce troisième foyer dans un élevage de canards est le dernier foyer en élevage à avoir été rapporté en France. « Aujourd’hui, il n’y a plus aucune zone réglementée sur le territoire, la dernière zone de Vendée devait être levée le vendredi 16 février. La situation est calme », souligne Jean-Luc Guérin.
Un seul élevage vacciné infecté
Comment expliquer cette situation ? « La question est de savoir si cela est lié à la vaccination ou à la situation épidémiologique, souligne Jean-Luc Guérin. S’il est vrai que la dynamique de circulation de l’IAHP est moins marquée au sein du compartiment sauvage, il y a tout de même eu détection de plus de 500 cas en Europe, preuve que le risque d’introduction reste bien présent. Par ailleurs, en Hongrie, caractérisée par un contexte d’élevages comparable avec la France (troisième pays producteur de palmipèdes en Europe, NDLR), 76 foyers ont été dénombrés jusqu’à présent2, avec une sur-représentation des palmipèdes. » Dans ce contexte, « il y a donc sans doute un effet protecteur de la vaccination. On savait qu’elle permettait de réduire l’excrétion virale et donc la diffusion, mais on ne connaissait pas l’ampleur du blocage de l’introduction initiale. Ce premier retour d’expérience suggère que la vaccination a permis de réduire le niveau de réceptivité des palmipèdes, et donc le risque d’introduction du virus en élevage. D’ailleurs, malgré la forte pression de surveillance des élevages vaccinés, seuls des virus faiblement pathogènes ont été détectés, excepté le foyer en Vendée. Il n’y a pas eu de diffusion à bas bruit du virus dans les élevages de canards ».
Le retour d’expérience, la clé du succès
Et maintenant ? « On s’approche théoriquement de la fin de la période à risque même si aujourd’hui, cette notion est moins vraie, il faut encore rester très prudent », explique Jean-Luc Guérin. Les enjeux à venir sont multiples. Il s’agit déjà d’organiser la suite de la campagne vaccinale de ces prochains mois. Pour ce faire, un deuxième appel d’offres3 a été lancé pour avoir les doses manquantes de vaccin ; les résultats sont toujours attendus, précise Jean-Luc Guérin. Pour rappel, l’objectif visé est de vacciner 64 millions de canards en un an. Il s’agit aussi d’affiner, grâce aux données du terrain, les protocoles vaccinaux, comme cela avait été entamé en décembre dernier avec l’ajout d’une troisième dose pour les canards mulards4. « Nous avons encore des marges d’amélioration pour optimiser les programmes. Mais le bilan actuel reste très satisfaisant, notamment pour une première campagne. » De manière générale, il s’agira de faire un retour d’expérience pour mieux avancer. Car la vaccination ne s’arrêtera pas à la saison épizootique 2023-2024. « À court et moyen termes, la seule option est de poursuivre cette stratégie vaccinale. Actuellement, la pression épidémiologique est telle que la filière palmipèdes paraît trop vulnérable pour s’en passer. On se reposera la question suivant l’évolution du contexte épidémiologique ». Dans ce cadre, il y aura aussi à résoudre une question de taille : celle du modèle économique de la vaccination. Ailleurs, les yeux sont rivés sur la France. « Les derniers échanges avec nos homologues européens et d’Amérique du Nord montrent qu’ils suivent de près la situation française. Car c’est vraiment une première de la part d’un pays industrialisé exportateur. Mais à ce stade, à ma connaissance, aucun autre pays grand producteur de volailles n’a encore pris de décision d’enclencher une vaccination. »