Droit
ENTREPRISE
Auteur(s) : Par Holly Jessopp
Encadré par une multitude de textes éthiques, le bien-être équin passe aussi par les vétérinaires eux-mêmes. Quel rôle peuvent-ils jouer dans ce domaine, en particulier lors des compétitions de haut niveau ?
Le bien-être animal occupe régulièrement la scène médiatique, et celui des chevaux au même titre que celui des autres espèces. C’est pourquoi, en novembre 2022, la Fédération équestre internationale (FEI) a mené une étude sur cette question dans les sports équestres1,2. 87 % des vétérinaires interrogés s'y déclaraient inquiets du bien-être des chevaux de sport en compétition. Pourtant, depuis quelques années, les institutions nationales et internationales de sports équestres et de courses hippiques se sont saisies de cette notion et l'intègrent désormais dans leurs pratiques à travers le soft law3.
Ainsi, en 2023, le Comité éthique de la FEI4 a ajouté au règlement général de la FEI une charte équestre5, en vertu de laquelle toutes les personnes impliquées dans les sports équestres adhèrent au Code de conduite pour le bien-être du cheval de la FEI, en prennent connaissance et acceptent qu’à tout moment le bien-être du cheval doit être primordial. Les institutions sportives nationales, notamment la Fédération française d’équitation (FFE), France Galop et la Société-mère des courses au trot, se reposent, elles, principalement sur la Charte pour le bien-être équin signée en 2016.
En tout état de cause, les institutions s’accordent sur la responsabilisation des acteurs et personnes impliquées dans les sports équestres au sujet du bien-être équin.
Nul doute que, de par ses compétences et sa conscience déontologique, le vétérinaire est nécessairement un acteur de premier plan dans ce domaine lors des compétitions. Se pose toutefois la question, légitime, du rôle que ces institutions équestres et hippiques sont prêtes à lui attribuer, que ce soit en matière de lutte antidopage, de protection ou de sanction.
Il va sans dire que la fonction traditionnelle du vétérinaire auprès des chevaux de compétition est amenée à évoluer. Les institutions appellent d'ailleurs ce changement de leurs vœux.
Les attributions du vétérinaire
Sur le plan national, le vétérinaire agréé par l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) joue un rôle majeur dans la lutte contre le dopage équin, puisqu’il est chargé de mettre en œuvre les procédures prévues par le règlement des compétitions de la FFE7.
Au niveau des courses hippiques, l’intervention du vétérinaire agréé est plus élaborée notamment du fait de procédures de contrôle et de prévention antidopage plus complexes et d'une fréquence plus importante des contrôles. Chaque code des courses annexe le Code de pratique des traitements administrés aux chevaux à l’élevage et à l’entraînement, lequel reprend les principes de la Charte du bien-être équin signée 2016.
Le rôle du vétérinaire dans le cadre de la lutte antidopage en courses hippiques est en conséquence très étendu puisqu’il n’est pas limité uniquement aux chevaux pendant les courses hippiques, mais s’applique également aux chevaux d’élevage et d’entraînement.
Sur le plan international, de telles dispositions existent aussi, notamment dans le règlement antidopage de la FEI8, lequel doit être combiné avec le règlement vétérinaire de la FEI9. Il y est rappelé que seul le département vétérinaire est responsable pour la surveillance et la mise en œuvre des opérations anti-dopage10.
L’attention accrue portée au bien-être équin entraîne nécessairement une évolution des attributions des acteurs de la discipline, notamment celles des vétérinaires.
Une évolution à plusieurs vitesses
Force est de constater une différence fondamentale entre l’implication des vétérinaires dans les mécanismes sportifs de bien-être équin au niveau national et international.
Ainsi, il semblerait que les institutions nationales peinent à faire évoluer le rôle du vétérinaire, à le sortir de la simple lutte antidopage. Ainsi, la Charte éthique et déontologie de l’équitation de la FFE liste les « devoirs des acteurs du sport »11 et omet d'y citer le vétérinaire.
Pourtant, les chiffres issus de l’étude menée par la FEI en novembre 2021 et évoqués en préambule démontrent que les vétérinaires sont les premiers concernés par le bien-être des chevaux en compétition et les premiers à pouvoir reconnaître les signes de mal-être et de maltraitance.
La FEI montre cependant une progression plus rapide et avant-gardiste sur le sujet. Ainsi, il est expressément indiqué en préambule du règlement vétérinaire que « la considération pour le bien-être de l’Equidé, conformément au Code de conduite FEI pour le bien-être de l’équidé » est le principe directeur et doit être appliqué à tout événement équestre12.
En outre, ce Code de conduite FEI va bien plus loin que la lutte antidopage puisqu’il introduit cinq axes du bien-être du cheval devant être garantis par les vétérinaires en compétition internationale : le bien-être général du cheval, la forme suffisante du cheval pour concourir, les manifestations équines ne devant pas porter atteinte au cheval (surfaces, météo, hébergement, etc.), le traitement du cheval et l’éducation des personnes responsables.
Au-delà de l’extension du champ d’activité du vétérinaire, il semblerait même que la FEI lui accorde un rôle de sanction puisque l’article 1000 du règlement vétérinaire FEI indique expressément que le vétérinaire intervient directement sur la santé et le bien-être de l’équidé en compétition et l’évitement de toute menace au jeu sportif résultant de l’interaction entre « l’athlète cheval » et « l’athlète ».
L’examen du rôle du vétérinaire dans le maintien du bien-être équin démontre une différence d’approche selon l’institution. L’approche internationale en sports équestres ainsi que celle des courses hippiques a tendance à impliquer davantage le vétérinaire, là où l’approche nationale de la FFE reste timide.
En guise de conclusion, nous rappelons qu’un Comité pour le bien-être équin ainsi qu’un Horse Welfare Officer ont été spécialement créés pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris sous l’impulsion du groupe d’études parlementaire « Condition animale » présidé à l'époque par Loïc Dombreval. C'est le Dr Richard Corde qui a été désigné pour veiller au bien-être des chevaux pendant la compétition et qui appliquera la réglementation de la FEI.