Microbiote
FORMATION CANINE
Auteur(s) : Audrey Chevassu Conférenciers JUAN HERNANDEZ (A 99), diplômé de l’American College of Veterinary Internal Medicine (ACVIM), professeur à Oniris-Nantes (Loire-Atlantique). CLAUDE FAIVRE, responsable scientifique Wamine Article rédigé d’après la conférence en ligne « Probiotiques, pas uniquement une solution antidiarrhéique », organisée par Wamine le 26 octobre 2023.
Les données sur le microbiote intestinal ont été considérablement complétées ces dernières années grâce aux apports de techniques moléculaires. Contrairement aux cultures qui ne mettent en évidence que 30 % des bactéries, ces nouvelles techniques permettent de connaître toutes les bactéries présentes dans un environnement donné par l’étude de leur ADN (métagénomique) ou de leur ARN (métatranscriptomique). Elles apportent également des données supplémentaires, telles que le rôle de ces bactéries et leurs interactions avec l’organisme.
Diversité du microbiote intestinal
Le microbiote intestinal fait en particulier l’objet d’études. Il est composé de bactéries, mais aussi de virus (bactériophages), de protozoaires et d’archées. L’importance du microbiote est telle qu’il est désormais admis qu’un individu ne peut vivre sans ses microbiotes de sorte que le terme d’holobionte s’étend aujourd’hui à l’association de l’organisme et de ses microbiotes.
Le microbiote intestinal est composé à 60-80 % des Firmicutes (Clostridium, Lactobacillus et Enterococcus). Viennent ensuite les actinobactéries (dont Bifidobacterium), les protéobactéries (dont Enterobacteriaceae) et les bacteroidetes (dont Bacteroides, Prevotella).
Rôles du microbiote intestinal
Les bactéries intestinales interviennent à plusieurs niveaux. En premier lieu, dans la digestion (lyse de l’amidon résistant, des fibres, production d’énergie) et la synthèse de vitamines (B12, vitamine K). Mais leur action ne s’arrête pas là. Ces bactéries jouent aussi un rôle immunitaire (par la maturation du système immunitaire et par leur action pro ou anti-inflammatoire) et métabolique (par exemple dans la gestion de la cholestérolémie). Elles pèsent aussi lors de certaines maladies comme le diabète sucré et dans les mécanismes de l’inflammation (en convertissant des acides biliaires primaires pro-inflammatoires en secondaires qui, eux, sont anti-inflammatoires). Enfin, et c’est plus complexe, elles affectent parfois le système nerveux (lien entre microbiote digestif et anxiété ou dépression, par exemple).
Comment reconnaître un microbiote sain
Un microbiote sain doit être diversifié, équilibré et assurer un certain nombre de fonctions indispensables comme la production d’acides gras à courte chaîne (anti-inflammatoires) et la conversion des sels biliaires primaires en sels biliaires secondaires. À l’inverse, un microbiote malade se reconnaît par une diminution de la diversité microbienne, un déséquilibre du microbiote et une altération de ses fonctions, soit une diminution du métabolisme des acides gras, une diminution des sels biliaires secondaires et une augmentation des primaires par défaut de conversion.
Différents facteurs influencent le microbiote. L’alimentation, qui doit être riche en fibres et pauvre en graisses animales, favorise ainsi un microbiote sain. La prise de certains médicaments, tels que l’oméprazole, les antibiotiques, a au contraire une incidence négative sur celui-ci. Enfin, il existe des facteurs environnementaux plus difficiles à déterminer.
Un index de dysbiose, qui permet d’étudier les proportions de 7 groupes de bactéries clés, existe (commercialisé par Idexx). Il est peu utilisé en pratique pour deux raisons : la nécessité de congeler les selles, augmentant le coût de l’analyse, et sa réalisation aux États-Unis. Il est légitime de s’intéresser au dosage de la vitamine B12 et des folates. Cependant, la fiabilité de ces tests est remise en cause à ce jour dans le diagnostic des dysbioses. Un taux bas de vitamine B12 peut en effet refléter une dysbiose comme une anomalie de la paroi de l’iléon ou une insuffisance pancréatique exocrine. Un taux de vitamine B12 normal ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas de dysbiose. Il convient pour cela de se fier aux symptômes et d’utiliser les données connues sur le lien entre certaines maladies et la probable dysbiose. Une absence d’hyperfolatémie n’exclut pas non plus une dysbiose. Au final, le dosage de la vitamine B12 permet surtout de savoir si un animal doit être complémenté ou de rechercher des anomalies du pancréas ou de l’iléon.
De nombreuses maladies associées à une dysbiose
Le lien entre dysbiose et un grand nombre de maladies est bien connu : entérites aiguës ou chroniques, atopie, certaines maladies comportementales (dépression), obésité, diabète sucré, maladie rénale chronique. Les probiotiques ont toute leur place dans leur prise en charge.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) en a donné une définition assez large : les probiotiques sont des « micro-organismes vivants [bactéries ou levures, N.D.L.R.] qui, lorsqu’ils sont consommés en quantités adéquates, produisent un bénéfice pour la santé de l'hôte », au-delà des effets nutritionnels traditionnels. Ils modifient l’écosystème dans le but d’atteindre un nouvel équilibre ou eubiose et corrigent les fonctionnalités défaillantes remplies normalement par les bactéries non présentes.
Le rôle de certains micro-organismes du microbiote intestinal sur des affections digestives commencent à se préciser. Ainsi, Saccharomyces boulardii (levure) permet de diminuer les signes digestifs induits par l’administration d’antibiotiques. Un probiotique multi-souche contenant des Bifidobacterium et des Lactobacillus permet de diminuer la durée d’une parvovirose et améliore les signes associés à une maladie chronique de l’intestin. Un probiotique contenant Enterococcus faecium permet de limiter les troubles digestifs consécutifs à un séjour dans un chenil.
Dans le cas de l’anxiété, certaines bactéries du microbiote sain possèdent une enzyme, la tryptophanase, qui permet la synthèse de précurseurs de la sérotonine à partir du tryptophane. Ainsi, une étude a montré que le fait d’apporter des Bifidobacterium longum 999 chez le chat diminue les manifestations d’anxiété s’il est soumis au stress d’une infection herpétique*.
En médecine humaine, le lien entre microbiote et hypercholestérolémie est bien connu (rôle de certaines bactéries du microbiote dans le métabolisme des acides gras).
Les différents types de probiotiques en médecine
Le VSL3#Vivomixx est un probiotique multi-souche utilisé en médecine humaine et règulièrement en médecine vétérinaire. Il contient 8 souches de bactéries bien précisées et identifiées. En médecine vétérinaire, plusieurs probiotiques existent contenant un nombre variable de souches. La recommandation actuelle est de choisir le produit contenant le plus grand nombre de souches.
Les probiotiques peuvent être donnés associés à des prébiotiques qui ont eux un effet trophique sur le microbiote. Il s’agit principalement de fibres de type FOS (fructo-oligosaccharides) qui favorisent le développement de bactéries qui fabriquent des acides gras à courte chaîne (AGCC). L’ensemble pré et probiotiques forme ce que l’on appelle un symbiotique. Les aliments riches en fibres peuvent faire office de prébiotiques.
Quand supplémenter
La complémentation s’envisage en cas de maladies pour lesquelles le lien avec le microbiote est établi, qu’elles soient aiguës ou chroniques, et pour lesquelles une supplémentation en continu peut être envisagée. Il convient d’être vigilant lors des 6 premiers mois de vie d’un animal. Lorsqu’il n’a pas de problème de santé, l’apport de probiotiques peut perturber l’installation du microbiote définitif. Ceci n’est toutefois plus vrai lorsque la naissance a lieu par césarienne ou qu’il n’y a pas eu d’allaitement. Dans ce cas, la supplémentation dès les premiers jours de vie est conseillée pour au moins un mois.
Le futur des probiotiques
De plus en plus étudiés, les probiotiques auront pour but à terme de corriger de manière ciblée les fonctions défaillantes du microbiote en apportant le cocktail de bactéries nécessaires pour restaurer celles-ci (il est question ici de « biothérapies vivantes »). Cela nécessitera d’étudier encore davantage les bactéries du microbiote ainsi que leurs fonctions précises. D’autres microbiotes mériteraient davantage d’études, comme celui de l’appareil respiratoire, de la bouche ou de la vessie, afin d’aider dans le traitement des maladies touchant ces organes.
008* Davis H, Franco P, Gagné J, et al. Effect of Bifidobacterium longum 999 supplementation on stress associated findings in cats with feline herpesvirus 1 infection. ACVIM Forum 2021 Proceedings.