DROIT
ENTREPRISE
Auteur(s) : Par Françoise Sigot
Méconnue, cette proposition permet à un employeur et à un salarié de devancer un litige en négociant les modalités de rupture d’un contrat de travail devant un juge.
Lorsque la séparation devient inéluctable, la plupart des employeurs et des salariés pensent immédiatement à la rupture conventionnelle ou aux protocoles transactionnels. En cas de tension ou de difficultés économiques, le licenciement s’invite aussi à la table des possibilités permettant de mettre fin à une relation de travail. Dans bien des cas, la transaction ou la rupture conventionnelle permettent de se séparer en bons termes, en limitant le risque de conflit, mais parfois les négociations ne se déroulent pas dans un climat serein et l’intervention d’un tiers devient nécessaire pour apaiser les choses. La conciliation prud’homale est alors un outil qui peut être intéressant pour éviter un procès, souvent long et destructeur pour les deux parties. En cela, elle dédramatise aussi la procédure prud’homale souvent perçue comme un arbitrage de dernier recours en cas d’opposition majeure.
Première étape de la procédure prud’homale
Certes, pour ouvrir la conciliation, la saisine du conseil de prud’hommes est indispensable. Permise par la loi du 6 août 2015, cette conciliation est en effet la première étape d’une telle procédure. Animée par un conseiller prud’homme du collège des employeurs et par un conseiller prud’homme du collège des salariés, elle permet aux deux parties en proie à un différend de confronter leurs analyses et leurs arguments. L’objectif est de s’expliquer et de trouver un terrain d’entente pour éviter d’aller jusqu’au procès. La présence de conseillers issus des rangs des employeurs comme des salariés offre un éclairage complet sur la situation, et les ressources du conseil de prud’hommes amènent les éléments de droit et de jurisprudence permettant à chacun d’apprécier ses chances de succès ou d’échec en cas de contentieux prud’homal. Cette première étape est préparée en amont par les conseillers qui ne découvrent pas le dossier le jour J, mais ont accès à l’ensemble des pièces versées par les deux parties. Un atout pour bien analyser les tenants et les aboutissants de l’affaire.
Accord total ou partiel
À l’issue de la conciliation, employeur et salarié peuvent se quitter sur plusieurs modalités. La première prend la forme d’un accord qui donne lieu à l’établissement d’un procès-verbal de conciliation. Celui-ci précise les conditions sur lesquelles les deux parties se sont accordées. Seconde modalité, la conciliation aboutit à un règlement partiel du litige. C’est alors un procès-verbal de conciliation partielle qui sera rédigé. Chaque partie l’accepte par sa signature et le litige est clos. L’accord de conciliation prévoit le versement d’une indemnité forfaitaire de conciliation dont le montant est défini par la loi en tenant compte de l’ancienneté du salarié. Il va de deux mois de salaire pour un salarié ayant moins d’un an d’ancienneté à 24 mois de salaire pour ceux qui ont plus de 30 ans de présence. Enfin, si aucun terrain d’entente n’est trouvé malgré la médiation des deux conseillers juges, un procès-verbal de non conciliation ferme cette étape. Lorsqu’il n’a pas été possible d’aboutir à une conciliation totale, le bureau de conciliation et d’orientation renvoie le dossier devant le bureau de jugement prévu par la loi pour traiter le différend entre employeur et salarié. Le parcours « classique » d’un conflit prud’homal s’engage alors.
La valeur ajoutée de la conciliation
Une conciliation réussie permet donc d’éviter un procès, une étape toujours redoutée, longue et porteuse de stigmates pour les deux parties. Elle est aussi en général plus rapide. La plupart des conseils de prud’hommes sont en mesure de proposer une conciliation sous un à deux mois, là où l’attente d’un procès peut durer une bonne année, voire plus selon les juridictions. Enfin, sur le fond, des éléments financiers sont à prendre en compte. Avec une conciliation, l’employeur peut bénéficier d’une exonération de charges sociales patronales (dans la limite de 87 984 euros et en prenant en compte des autres indemnités dues au salarié comme l’indemnité de licenciement notamment). Un élément à mettre en regard de la rupture conventionnelle qui est désormais soumise à une taxe de 30 % qui incombe à l’employeur. La conciliation n’est pas non plus dénuée d’intérêt pour le salarié. Si l’indemnité forfaitaire de conciliation est respectueuse du barème, elle entraîne une absence de délai de carence à France Travail (ex-Pôle emploi) pour le règlement des indemnités chômage, ce qui n’est pas le cas si un salarié perçoit une indemnité de rupture supérieure au minimum légal. Enfin, l’indemnité de conciliation échappe à l’impôt sur le revenu tant qu’elle est comprise dans le barème prévu par le législateur. L’ensemble de ces paramètres doit bien évidemment être apprécié en fonction de la situation des deux parties afin d’en mesurer les avantages et les inconvénients. Les conseillers prud’homaux sont aussi là pour éclairer les deux personnes en litige sur ces points, car l’incidence sur la situation financière de l’une et l’autre des parties est à prendre en considération.
Au-delà de la dimension pécunière, la conciliation est un moyen de se quitter en de bons termes et sur des bases saines. En effet, l’intervention des conseillers prud’homaux permet de régler le litige en s’appuyant sur le droit, alors que les négociations sans intervention de tiers éclairés laissent parfois un sentiment de frustration, voire débouchent sur de l’animosité. Autant de facteurs qui plaident en faveur de la conciliation prud’homale. Pourtant, cette procédure suscite de la méfiance, parfois de la peur, en général parce qu’elle implique de passer par la case saisine du conseil de prud’hommes et qu’elle est encore mal connue. Malheureusement, car dans plus de la majorité des cas, elle se solde par un accord.