Jurisprudence
ENTREPRISE
Auteur(s) : Céline Peccavy
Ces dernières années, notamment avec la loi du 30 novembre 2021, la justice a renforcé son arsenal contre la maltraitance animale. En revanche, les tribunaux peinent parfois à s’accorder sur la qualification des faits. Retour sur un cas de jurisprudence.
Les faits, qui concernent trois équidés et trois chiens négligés par leurs propriétaires, se sont produits dans le sud de la France et la décision de justice rendue en appel, bien que sévère, a de quoi laisser un goût amer.
Les faits
Monsieur S et Mme T sont en couple et ont des enfants. Ils vivent dans une propriété avec jardin et sont propriétaires de nombreux animaux. En revanche, le bien-être élémentaire de leurs animaux est loin d’être leur fort. C’est ainsi que le 9 août 2020, les gendarmes découvrent sur le bord du canal une ponette blanche, qui présente de nombreuses blessures. Lors de leur déplacement au domicile du couple, identifié comme étant les propriétaires de l’animal, ils font plusieurs constats. Sur place, un cheval marron, nommé G, est dans un mauvais état de santé. Il souffre notamment d’un œdème et est très maigre. Une ponette marron déshydratée, tapie sous une bâche, présente, elle, des blessures importantes et profondes non soignées, surinfectées avec des asticots. Deux chiens malinois sont attachés à un arbre avec une chaîne d’un mètre, en plein soleil, sans eau ni nourriture. Ils sont dans un état de maigreur avancé et ont des cicatrices anciennes et récentes non soignées. L’écorce de l’arbre entamée par la chaîne et le sol pelé démontrent que la situation n’a rien d’exceptionnelle. Enfin, un berger belge, lui aussi maigre et mal soigné, est en liberté. Tous les animaux sont assoiffés, leur bac ou gamelle servant à les abreuver étant vides.
Première procédure
Suite à ces preuves recueillies par les forces de l’ordre, une première procédure a eu lieu à Montauban. C’est là qu’a commencé le va-et-vient des qualifications. Lors de l’audience du 5 novembre 2021, les deux époux ont comparu devant le tribunal pour délit d’abandon, qualification retenue par le ministère public. Oui mais le juge présent n’a pas appréhendé les faits de cette manière. En conséquence, il a invité les parties à s’exprimer sur la qualification de mauvais traitement qui ne relève, elle, que d’une contravention. Lorsqu’un magistrat agit ainsi, c’est rarement bon signe. Et ce fut le cas ! Le jugement fut rendu le 10 décembre 2021. Exit l’abandon. Chacun des époux en a été pour une amende de 500 euros prononcée pour mauvais traitements. Quant aux animaux, le tribunal a même décidé de leur en restituer certains, les autres étant confiés à une association de protection animale. Ce fut peut-être cette dernière mesure qui déplut au jeune couple, car ils ont relevé appel de la décision rendue, à l’exception, bien entendu, de la restitution des animaux. Dans la foulée, le ministère public a également relevé appel, mais sans inclure la restitution partielle.
Procédure en appel
L’appel a, lui, été jugé par la Cour de Toulouse, une cour qui aura très certainement fait regretter à M. et Mme T d’avoir contesté le jugement de Montauban. En effet, alors que la qualification était passée d’abandon à mauvais traitement, elle est repassée à l’abandon et donc au délit. Résultat : la sentence est passée de 500 euros d’amende à quatre mois de prison avec sursis probatoire de trois ans, assortis d’une interdiction de détenir un animal pendant une période de trois ans. Quant aux animaux, la première confiscation jugée a été confirmée et la restitution ordonnée aussi. Cette dernière disposition semble regrettable. Si le procureur en première instance en avait relevé appel, les animaux restitués ne l’auraient certainement pas été. Si d’un point de vue juridique leur restitution était légale, elle semble, d’un point de vue moral, incompatible avec l’interdiction de détenir des animaux prononcée en deuxième instance.