Pays-Bas
ANALYSE GENERALE
Auteur(s) : Par Bénédicte Iturria
La Chambre des représentants néerlandaise demande des mesures contre les tarifs vétérinaires élevés et la pénurie de praticiens.
Pour de nombreux propriétaires néerlandais, il est de plus en plus difficile de faire soigner leurs fidèles compagnons en raison de tarifs des soins vétérinaires beaucoup trop élevés. Cela en conduit certains à faire euthanasier leurs animaux ou à les abandonner dans des refuges qui subissent de ce fait une hausse des frais vétérinaires. Les associations de protection animale, parmi lesquelles Dierenlot et Sophia-Vereeniging, tirent la sonnette d’alarme depuis déjà quelque temps. En cause notamment selon elles, la disparition des petits cabinets vétérinaires, rachetés par de grandes chaînes.
Vers des prix plafonds ?
Pour enrailler cette situation, trois députés, Sandra Beckerman (SP), Dion Graus (PVV) et Ines Kostić (PvdD), ont élaboré des motions. Trois ont été adoptées à la majorité à la Chambre des représentants le 6 février 2024.
La première vise à introduire des mesures et/ou une législation concernant le montant des soins. Elle est ainsi rédigée : « la Chambre des représentants, après avoir entendu le délibéré, constate que les coûts des traitements vétérinaires demeurent problématiquement élevés ; considérant que les chaînes reprennent des cliniques et font augmenter les coûts ; que des prix maximaux existaient jusqu'en 1998 ; considérant que de nombreux pays européens et États américains ont introduit des législations et des mesures visant à limiter la hausse des prix et l'influence des investisseurs privés (...) demande au gouvernement de proposer d’ici la mi-2024 des mesures et/ou des lois qui ont fait leurs preuves ici et à l’étranger ».
La deuxième motion demande au gouvernement d'étudier la possibilité de fixer des prix plafonds pour les traitements jugés indispensables.
Une pénurie de vétérinaires
La dernière concerne la charge de travail des vétérinaires et vise à permettre à davantage d’entre eux de continuer à pratiquer leur métier : « la Chambre des représentants, après avoir entendu le délibéré, constate que des centaines de cliniques vétérinaires ont été rachetées par des investisseurs privés au cours des dernières années ; considérant que la lourde charge de travail incite de nombreux vétérinaires à vendre leur cabinet ou à cesser eux-mêmes d'exercer la profession ; notant qu'en raison de la pénurie croissante de vétérinaires, les propriétaires d'animaux de compagnie doivent de plus en plus s’orienter vers des cliniques chères ou recourir à des soins d'urgences éloignés ; considérant qu'il est crucial de disposer d'un nombre suffisant de vétérinaires pour garantir le bien-être animal aux Pays-Bas ; demande au gouvernement d'étudier les possibilités de réduire la charge de travail des vétérinaires et d'attirer et de retenir davantage de vétérinaires dans la profession ».
Une étude sur l'évolution des tarifs
En réponse à ces motions, le ministre sortant de l'Agriculture, de la Nature et de la Qualité des aliments, Piet Adema, a reconnu qu'il y avait des « signaux » indiquant une hausse des prix des soins vétérinaires. Il a annoncé, à la demande de la Chambre des représentants, une étude sur l'évolution de ces tarifs. Les premiers résultats sont attendus en milieu d’année. La KNMvD, l’ordre des vétérinaires néerlandais, les attend avec impatience car, selon elle, il n'existe actuellement aucune donnée permettant de déterminer le lien entre ces tarifs et l'évolution globale des prix et de l'inflation aux Pays-Bas. De plus, pour la KNMvD, « il est important que les vétérinaires puissent effectuer leur travail de manière autonome. Cela signifie qu'ils choisissent de manière autonome et indépendante – en consultation avec un propriétaire – le traitement approprié pour l'animal, et ne sont pas guidés par les assureurs et le monde des affaires. Le gouvernement doit créer le cadre juridique qui permet à la profession de s'auto-réglementer dans l'intérêt des personnes, des animaux et de la société ». Interrogée par De Telegraaf, la députée Sandra Beckerman se réjouit d’un examen attentif des prix excessifs du marché, mais elle regarde aussi du côté des vétérinaires. Il y aura une étude sur la pression exercée sur les praticiens. Elle a ainsi déclaré « nous devons intervenir politiquement. Les propriétaires d’animaux s’endettent pour donner le meilleur à leurs animaux, et cet argent ne va apparemment pas aux vétérinaires mais disparaît dans les poches des chaînes ».
Des prix sources d'agressivité
Le 17 février 2024, la KNMvD a publié un communiqué intitulé « augmentation de l'agressivité dans la pratique vétérinaire en raison des discussions sur les prix »*. Elle y révèle les résultats d’un sondage auquel ont participé 429 vétérinaires canins, soit environ 10 % des professionnels, suite à la publication régulière d'articles ou de reportages dans les médias sur les tarifs des soins vétérinaires. Cette étude d'opinion montre que les discussions sur les honoraires entraînent un stress supplémentaire pour 70 % des vétérinaires et qu'1 vétérinaire sur 3 envisage même d'arrêter son métier pour cette raison. Pour les praticiens, cette attention des médias provoque la colère des clients et entraîne parfois des comportements agressifs devant le comptoir. Selon la KNMvD, bien que les motions récemment présentées et adoptées à la Chambre des représentants soient bien intentionnées, elles engendrent de nouvelles inquiétudes chez les vétérinaires.
Ce sondage a été relayé dans la foulée par De Telegraaf qui a révélé dans son édition du samedi que non seulement les détenteurs d’animaux s’inquiètent du coût des soins vétérinaires mais que les praticiens aussi se sentent stressés par la situation. Environ 200 d’entre eux ont ainsi fait savoir au média qu’ils n’en pouvaient plus d’être traités de voleurs.