FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Jean-Paul Delhom
CONFÉRENCIER
RAPHAËL GUATTÉO (N 01), professeur en médecine bovine et gestion de la santé bovine à Oniris, à Nantes (Loire-Atlantique),
Article rédigé d’après la conférence « Anesthésie locale des bovins : procaïne, lidocaïne ou les deux ? », organisée le jeudi 7 mars 2024 par CAP Douleur.
La lidocaïne a la particularité de produire chez les ruminants un métabolite, la 2,6 xylidine, reconnu comme génotoxique et cancérigène impliquant la prescription d’un temps d’attente (TA) autrefois recommandé et désormais obligatoire. Il est de 28 jours pour la viande et de 15 jours pour le lait. Depuis 2018, le Procamidor (procaïne 2 %) et, depuis 2023, Pronestesic (procaïne 4 % + épinéphrine) disposent tous les deux d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) chez les bovins avec un TA lait de 0 heure et un TA viande de 0 jour.
Y a-t-il encore des raisons de ne pas utiliser la lidocaïne et de privilégier la procaïne ?
Les puissances anesthésiques sont similaires pour la procaïne à 4 % et la lidocaïne à 2 %. Le délai d'action est à peu près 2 fois supérieur pour la procaïne par rapport à la lidocaïne (de 10 à 15 minutes pour la première vs 5 à 10 minutes pour la seconde). La durée d’action s'étale de 45 à 60 minutes pour la procaïne (sans épinéphrine qui, elle, prolonge cette durée d’action) et de 60 à 120 minutes pour la lidocaïne. Ces durées d’action varient en fonction des voies d’administration. Le dosage maximal sans effet délétère est quasiment identique pour les 2 produits. La stabilité est reconnue supérieure pour la lidocaïne. Les effets indésirables de ces anesthésiques sont les mêmes (chocs, vasodilatations). La vasodilatation est plus importante pour la procaïne, d’où l’intérêt des solutions additionnées d’adrénaline.
Quelles doses doit-on utiliser ?
Elles varient du simple au double en fonction des études consultées ou des Résumé des caractéristiques du produit (RCP). Il est donc difficile de faire une synthèse et il est important de considérer les usages en pratique courante.
En moyenne pour une péridurale caudale haute d’un veau de 60 kg, la dose utilisée est de 0,1 à 0,6 ml/kg de lidocaïne 2 %, 0,25 ml/kg de procaïne 2 % ou 0,15 ml/kg de procaïne 4 %.
En pratique, la dose nécessaire de lidocaïne à 2 % est d'environ 1 ml/ 100 kg pour une péridurale caudale basse, d'environ 5 à 8 ml/100 kg pour une péridurale caudale haute. Elle est d'environ 1 ml/10 kg pour une rachianesthésie du veau (souvent additionnée de xylazine à 0,1 ml /10 kg), d'environ 15 à 25 ml pour chacun des 3 sites lors d’une anesthésie paravertébrale proximale, environ 50 à 60 ml en différents points pour une anesthésie par infiltration comme une traçante.
Pour des péridurales caudales basses avec de la procaïne 2 %, une dose de 10 ml est nécessaire, en accord avec les RCP (le double de la lidocaïne à 2 %).
Pour la procaïne 4 %, les premiers retours montrent que lors de césarienne une dose de 35 ml à 40 ml provoque peu de saignements (présence de l’épinéphrine) et une durée d’action de l’ordre de 1 heure. Pour les anesthésies paravertébrales, les doses sont identiques à celles pratiquées avec la lidocaïne 2 % (15 à 20 ml par site). Pour les péridurales, de faibles doses suffisent, mais avec une faible migration.
Pour la rachianesthésie, les doses de procaïne 4 % sont de 0,7 à 1 ml/10 kg pour une efficacité comparable aux protocoles habituels. Des études complémentaires sur les effets secondaires potentiels de l’épinéphrine pour les injections intrathécales ou intraveineuses sont nécessaires. Les ébourgeonnages nécessitent entre 7 à 10 ml avec moins de saignements mais ces doses demandent à être quantifiées plus précisément.
Au final, les doses à utiliser semblent similaires entre lidocaïne à 2 % et procaïne à 4 % alors que les doses en procaïne à 2 % semblent devoir être doublées.
Une étude* publiée en 2016 montre que, dans le cadre de péridurale caudale haute, il convient, pour tous les produits de prendre en compte le poids, mais aussi la note d’état corporel des bovins, les doses étant légèrement plus élevées pour les animaux très maigres ou très gras.
Le vétérinaire prescripteur doit tenir compte de l’avis du Comité des médicaments à usage vétérinaire (CVMP) de 2015 pour utiliser la lidocaïne (TA lait 15 jours TA viande 28 jours) uniquement dans le cas où il considère que la procaïne n’est pas adaptée. Lors de l’utilisation de procaïne 2 %, il convient de doubler les doses que l’on utiliserait avec la lidocaïne 2 %. Pour la procaïne 4 %, les doses sont identiques à celles de la lidocaïne 2 %.