DROIT
ENTREPRISE
Auteur(s) : Par Céline Peccavy
Quelle compétence juridictionnelle en cas de litige ? Si les clauses contractuelles mentionnent souvent un tribunal, elles ne sont pas pour autant toujours légales. Décryptage de la question en droit français.
Si je vous parle de « compétence », qu’est-ce que cela évoque pour vous ? Je suis certaine qu’instinctivement, vous pensez à une capacité, à une aptitude spécifique. Instinctivement, car vous êtes vétérinaire. L’avocat va réagir autrement. Spontanément, il va penser au type de tribunal et à la localisation géographique. Un procès ne se tient pas devant n’importe quel type de tribunal ni n’importe où. Si le type de tribunal est rarement lieu à contentieux, beaucoup plus nombreux sont les cas de discordes territoriales.
En droit interne
Les clauses contractuelles désignant un tribunal en cas de litige futur se retrouvent aujourd’hui dans la plupart des contrats que nous signons. Mais ces clauses si répandues sont-elles pour autant légales ? La réponse en droit français se trouve dans l’article 48 du Code de procédure civile qui dispose que non, ces clauses ne sont pas légales, sauf si elles concernent « des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant ». Ainsi, toutes les clauses de ce type signées par un particulier/consommateur ne sont pas valables. Pour connaître le tribunal géographiquement compétent, on en revient donc aux bonnes vieilles règles des articles 42 et suivants du Code de procédure civile, à savoir principalement le tribunal du défendeur. Voilà pour le droit français. C’est au final assez simple et, disons-le, d’un enjeu limité eu égard à la taille de notre pays.
Entre deux pays
En revanche, les choses se compliquent dès lors que les parties au contrat sont domiciliées dans des pays différents. Prenons l’exemple concret d’un particulier belge qui va faire le déplacement en France pour y acquérir un chien. Si l’animal présente, postérieurement à la vente, un souci de santé, et qu’un tribunal doit être saisi faute d’accord entre les parties, des questions fondamentales vont devoir trouver réponse : quel va être le tribunal compétent ? Le belge ou le français ? et quelle loi va être applicable ? La loi belge ou la loi française ? Vous pourriez penser que si les tribunaux belges sont compétents, ils vont forcément appliquer la loi belge. Vous auriez tort.
Revenons à nos clauses d’attribution de compétence. Illégales la plupart du temps en droit interne, en est-il de même en droit international ? Absolument pas. Ici les parties ont le droit de déterminer valablement dans le contrat à la fois le pays compétent et la loi applicable. Cela, même si l’acheteur est un consommateur. Notre vendeur français a donc tout intérêt à insérer une telle clause dans ses documents contractuels. Pourquoi est-ce si important ? Très simplement, si en France la garantie de conformité a été supprimée pour toutes les ventes d’animaux domestiques depuis le 1er janvier 2022, il n’en est pas de même en Belgique. De la loi applicable dépend donc que le litige soit soumis ou non à la garantie de conformité, qui, rappelons-le, est contraignante pour les éleveurs.
Anticiper la question
Et si rien n’est prévu dans le contrat ? Pour déterminer alors le pays compétent, on applique l’article 18 du Règlement Bruxelles I bis : « juridiction du lieu où le consommateur est domicilié ». Application à notre exemple : les tribunaux belges. Quant à la loi applicable, il faut se tourner vers l’article 6 du Règlement Rome I qui dispose qu’un contrat entre un consommateur et un professionnel « est régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, à condition que le professionnel : exerce son activité professionnelle dans le pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle ou par tout moyen, dirige cette activité vers ce pays ou vers plusieurs pays, dont celui-ci, et que le contrat rentre dans le cadre de cette activité ». Toujours dans notre même exemple, si l’éleveur a son élevage en France et qu’il ne livre pas ses chiots en Belgique, c’est la loi française qui sera applicable.
En conclusion : quand un « où » peut faire basculer un procès, mieux vaut anticiper.