Maillage vétérinaire : des plans d’action se multiplient sur les territoires - La Semaine Vétérinaire n° 2029 du 12/04/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2029 du 12/04/2024

Désertification rurale

ANALYSE MIXTE

Auteur(s) : Par Ségolène Minster et Marine Neveux

Des actions concrètes se développent en région pour reconstruire et consolider un maillage territorial dégradé. Focus sur le département des Alpes-Maritimes qui a conduit son dispositif propre et sur l’Île-de-France qui a bénéficié d’un financement de l’État.

Où en est le maillage vétérinaire rural deux ans après l’appel à manifestation d’intérêt lancé par le Conseil national de l’ordre des vétérinaires et le ministère de l’Agriculture ? Le principe était de permettre aux territoires volontaires de bénéficier d’un diagnostic de leur situation (évaluation sur le plan qualitatif et quantitatif de l’offre vétérinaire et de la demande des élevages) et de coconstruire un plan d’action adapté à leurs besoins. Parmi les 23 territoires qui avaient candidaté, 11 avaient été retenus.

Un rapport public avait été remis au ministre de l’Agriculture en avril 2023. En exergue : la pertinence d’avoir un diagnostic de terrain et d’intervenir de manière précoce. Les différents partenaires lors des diagnostics de territoires ont mis en place une cellule de surveillance et de maintien du maillage vétérinaire avec les organismes agricoles et professionnels vétérinaires, un collège avec des représentants de l’administration et un autre de collectivités territoriales. L’idée étant de disposer d’un comité national pour réaliser un suivi des plans d’action et permettre la prospective sur les territoires potentiellement en difficulté.

Matthieu Mourou, conseiller national de l’Ordre des vétérinaires, pointe la nécessité d’une approche collective et locale pour trouver des solutions adaptées au terrain afin de lutter contre la désertification rurale à l’occasion d’une interview donnée lors du récent Salon international de l’agriculture à Paris.

Retrouvez la vidéo de Matthieu Mourou sur https://www.youtube.com/watch?v=l9f7wh-AUEA&t=3s

Véronique Luddeni, Vétérinaire mixte dans le département des AlpeMaritimes

« En montagne, le seuil de rentabilité d’une clinique est difficilement atteint »

Comment avez-vous été impliquée dans le dispositif d’aides du département des Alpes-Maritimes pour lutter contre la désertification vétérinaire en zone rurale ?

Les Alpes-Maritimes sont le fer de lance des dispositifs pour les vétérinaires de montagne depuis plusieurs dizaines d’années. Malgré tout, cela ne suffisait plus pour pérenniser la présence vétérinaire et le maintien du maillage sanitaire. La loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE, nov. 2020) a donné un cadre : en collaboration avec l’ingénieure territoriale (Murielle Pastor) en charge de l’aménagement du territoire et du pastoralisme, les vétérinaires ont analysé les spécificités du territoire et les leviers d’attractivité.

Le dispositif des Alpes-Maritimes propose avant tout des incitations financières, est-ce là un point d’achoppement ?

En montagne, le seuil de rentabilité d’une clinique est difficilement atteint. Les territoires sont peu denses (80 % du territoire montagnard abrite 20 % des habitants pour le département 06). Les distances à parcourir prennent du temps. Dans mon cas, l’activité rurale représente 30 % de mon temps pour 12 % de chiffre d’affaires. L’indemnité fixe de 1 400 €/ mois et les indemnités pour les visites de soins aux animaux de montagne (52 € pour les 100 premières visites puis 55 €/visite au-delà) aident à atteindre l’équilibre nécessaire au maintien d’une activité en rurale. Les éleveurs sont aussi gagnants.

Qui peut en bénéficier ?

Dans notre département, nous sommes 4 à 5 vétérinaires de montagne éligibles. Il s’agit d’être un vétérinaire sanitaire, faire au moins 30 visites en rurale par an, assurer les gardes, habiter dans un village de montagne… tout cela est contrôlé.

Quels sont les objectifs visés ?

L’objectif serait de doubler le nombre de vétérinaires de montagne de manière à pouvoir créer des binômes. La prime à l’installation de 10 000 € a déjà permis l’installation d’une jeune consœur dans la zone peu dense des Préalpes d’Azur. Je conseille aux représentants syndicaux des départements ruraux de se rapprocher des conseils généraux pour valoriser davantage le dispositif DDADUE. Le métier de vétérinaire rural en montagne, bien que contraignant, touche aux questions d’animation du territoire, du sens du service, du pastoralisme, de l’écologie, … et est donc riche de sens.

Charles Ange Ginésy

Président du département des Alpes-Maritimes

« Pas de qualité de vie pour tous sans vétérinaire »

Nous avons utilisé la phrase ci-dessus pour présenter notre dispositif d’aide à destination des praticiens et des étudiants vétérinaires, afin de les inciter à s’installer dans les Alpes-Maritimes. Car oui, la collectivité a besoin d’eux. Mais si tous les animaux ont le droit d’être soignés (y compris les animaux de la ferme), le vétérinaire rural doit pouvoir continuer de vivre décemment de son exercice ! Car il est évident que soigner des animaux de compagnie dans un cabinet (un peu à la cadence d’un médecin de ville avec ses patients) est plus rémunérateur que d’aller ausculter une vache ou un mouton dans une exploitation de pleine montagne. C’est pour cela que le département met tout en œuvre pour soutenir les « petits » cabinets encore indépendants et les praticiens qui, en dépit d’un manque à gagner, continuent de soigner les animaux d’élevage en montagne. C’est important, car la santé de l’humain passe par celle des animaux et de l’environnement. Enfin, sans élevage dans nos montagnes, non seulement l’autonomie alimentaire du département serait encore plus réduite mais, surtout, la forêt regagnerait du terrain. Ce qui rendrait quasiment inaccessibles nombre d’espaces de randonnée. Alors, oui, c’est dit : Vétérinaires, nos montagnes (*) –  et vous aussi –  avez la Côte !

Véronique Luddeni, Vétérinaire mixte dans le département des AlpeMaritimes

« En montagne, le seuil de rentabilité d’une clinique est difficilement atteint »

Comment avez-vous été impliquée dans le dispositif d’aides du département des Alpes-Maritimes pour lutter contre la désertification vétérinaire en zone rurale ?

Les Alpes-Maritimes sont le fer de lance des dispositifs pour les vétérinaires de montagne depuis plusieurs dizaines d’années. Malgré tout, cela ne suffisait plus pour pérenniser la présence vétérinaire et le maintien du maillage sanitaire. La loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE, nov. 2020) a donné un cadre : en collaboration avec l’ingénieure territoriale (Murielle Pastor) en charge de l’aménagement du territoire et du pastoralisme, les vétérinaires ont analysé les spécificités du territoire et les leviers d’attractivité.

Le dispositif des Alpes-Maritimes propose avant tout des incitations financières, est-ce là un point d’achoppement ?

En montagne, le seuil de rentabilité d’une clinique est difficilement atteint. Les territoires sont peu denses (80 % du territoire montagnard abrite 20 % des habitants pour le département 06). Les distances à parcourir prennent du temps. Dans mon cas, l’activité rurale représente 30 % de mon temps pour 12 % de chiffre d’affaires. L’indemnité fixe de 1 400 €/ mois et les indemnités pour les visites de soins aux animaux de montagne (52 € pour les 100 premières visites puis 55 €/visite au-delà) aident à atteindre l’équilibre nécessaire au maintien d’une activité en rurale. Les éleveurs sont aussi gagnants.

Qui peut en bénéficier ?

Dans notre département, nous sommes 4 à 5 vétérinaires de montagne éligibles. Il s’agit d’être un vétérinaire sanitaire, faire au moins 30 visites en rurale par an, assurer les gardes, habiter dans un village de montagne… tout cela est contrôlé.

Quels sont les objectifs visés ?

L’objectif serait de doubler le nombre de vétérinaires de montagne de manière à pouvoir créer des binômes. La prime à l’installation de 10 000 € a déjà permis l’installation d’une jeune consœur dans la zone peu dense des Préalpes d’Azur. Je conseille aux représentants syndicaux des départements ruraux de se rapprocher des conseils généraux pour valoriser davantage le dispositif DDADUE. Le métier de vétérinaire rural en montagne, bien que contraignant, touche aux questions d’animation du territoire, du sens du service, du pastoralisme, de l’écologie, … et est donc riche de sens.

Charles Ange Ginésy

Président du département des Alpes-Maritimes

« Pas de qualité de vie pour tous sans vétérinaire »

Nous avons utilisé la phrase ci-dessus pour présenter notre dispositif d’aide à destination des praticiens et des étudiants vétérinaires, afin de les inciter à s’installer dans les Alpes-Maritimes. Car oui, la collectivité a besoin d’eux. Mais si tous les animaux ont le droit d’être soignés (y compris les animaux de la ferme), le vétérinaire rural doit pouvoir continuer de vivre décemment de son exercice ! Car il est évident que soigner des animaux de compagnie dans un cabinet (un peu à la cadence d’un médecin de ville avec ses patients) est plus rémunérateur que d’aller ausculter une vache ou un mouton dans une exploitation de pleine montagne. C’est pour cela que le département met tout en œuvre pour soutenir les « petits » cabinets encore indépendants et les praticiens qui, en dépit d’un manque à gagner, continuent de soigner les animaux d’élevage en montagne. C’est important, car la santé de l’humain passe par celle des animaux et de l’environnement. Enfin, sans élevage dans nos montagnes, non seulement l’autonomie alimentaire du département serait encore plus réduite mais, surtout, la forêt regagnerait du terrain. Ce qui rendrait quasiment inaccessibles nombre d’espaces de randonnée. Alors, oui, c’est dit : Vétérinaires, nos montagnes (*) –  et vous aussi –  avez la Côte !

Les particularités de la rurale en Île-de-France

À l’occasion du récent Salon international de l’agriculture à Paris, nous avons rencontré Marine Denis, ingénieure de recherche et praticienne hospitalière pour les animaux de production à l’EnvA, et Margaux Gelin, chargée de mission au maillage vétérinaire à la chambre d’agriculture de la Région Île-de-France. Elles témoignent de leur expérience*.

Perçue comme très urbanisée, la Région Île-de-France est en réalité à 70 % rurale ou périurbaine ! Une croissance des détenteurs de petits ruminants, de volailles et de ruches est notamment constatée. En outre, seule une minorité des détenteurs de bovins et de petits ruminants sont des éleveurs professionnels. Ils sont éparpillés en Île-de-France soit en termes de distance, soit de temps de parcours. Ce constat implique une demande particulière en matière de soins vétérinaires. Le rôle du vétérinaire est donc indispensable tant pour répondre à une demande sociétale que pour garantir un niveau de veille sanitaire.

Le préfet de région a financé la mise en place des axes d’action, dont celui de renforcer les capacités de déplacement de l’école nationale vétérinaire d’Alfort (Val-de-Marne). Comme l’explique Marine Denis, l’école accueille des animaux et réalise également des visites à l’extérieur. Un véhicule dédié à l’activité rurale vétérinaire a été acquis. En 2024, l’achat d’une bétaillère est prévu.

M.N.

Retrouvez la vidéo de Margaux Gélin et Marine Denis sur https://www.lepointveterinaire.fr/actualites/actualites-professionnelles/maillage-veterinaire-en-rurale-en-ile-de-france.html