Tarification des actes : Faut-il imposer des limites ? - La Semaine Vétérinaire n° 2029 du 12/04/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2029 du 12/04/2024

EXPRESSION

Auteur(s) : Propos recueillis par Farah Kesri

En France, les vétérinaires sont libres de pratiquer les tarifs de leur choix. Ils l’adaptent selon la taille de leur structure et du lieu d’exercice. Mais depuis l’inflation, le tarif des actes ne cesse de croître et la facture s’alourdit pour les propriétaires.

Virginie Delpont (N, 03)

Praticienne canine (Yvelines), membre du Conseil régional de l'Ordre IDF-DROM

La sous tarification est un danger

Cette année, nous avons tous augmenté nos tarifs d’au moins 7 % en raison de l’inflation. Si le serment de Bourgelat dit « Adapter nos prix aux conditions de nos clients », nous ne pouvons plus rogner sur notre rentabilité, nos sources de revenus ont baissé si on compare aux générations précédentes. Nous avons perdu le monopole de la vente des aliments, des accessoires et des médicaments. Si une limite haute était imposée, nous serions obligés d’abandonner la moitié de notre matériel et de ne plus recruter. En dessous d’un certain prix, nous ne pourrons plus assurer le sérieux et la qualité des actes, face à une demande plus exigeante. C’est la sous-tarification qui aujourd’hui met en danger les vétérinaires. Nous le voyons dans le secteur rural. Je suis choquée de voir les tarifs imposés par l’État sur des actes de prophylaxie. En imposant des tarifs bas, le secteur rural se précarise, ce n’est plus rentable, et une des raisons des difficultés de maillage territorial. Je ne souhaite pas voir la même situation en canine.

Christophe Bille (A, 03)

Praticien canin au Centre hospitalier vétérinaire des Cordeliers à Meaux (Seine-et-Marne)

Les Français n’ont aucune idée du coût réel des soins

L’Angleterre et les États-Unis sont des pays beaucoup plus chers que nous, quand les Français considèrent que les soins sont gratuits. Mais ils n’ont aucune idée du coût réel des soins. Seuls 5 % de nos patients sont assurés, ils considèrent que ce n’est pas rentable. Ceux qui accusent les CHV de pratiquer des tarifs plus élevés pour un même acte se trompent. Ce n’est pas le même acte. Les moyens humains et matériels pour soigner les animaux sont colossaux. Nous sommes 95 vétérinaires et ASV à travailler dans ce CHV, ouvert 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. La nuit et le dimanche, cinq personnes travaillent, soit l’équivalent d’une clinique vétérinaire. 60 % du tarif de l’acte est dédié au salaire des équipes. Nos IRM et scanners sont d’énormes consommateurs d’électricité et il n’y a pas que l’électricité qui a augmenté. Nos tarifs reflètent les moyens que nous mettons pour soigner les animaux. C’est un choix de travailler de cette manière et je le défends. C’est au vétérinaire de savoir définir une limite.

Laurent Perrin (L, 84)

Praticien mixte à Valençay (Indre), président du Snvel

Des garde-fous existent 

La limite basse est imposée par le coût de la structure vétérinaire. Nous ne pouvons pas descendre en dessous sans risquer de fermer. Pour la limite haute, nous avons suffisamment de garde-fous pour protéger le client d’éventuelles dérives. Nous sommes une profession libérale réglementée. La déontologie du vétérinaire nous impose d'établir une tarification avec tact et mesure. Au-delà de la liste des tarifs affichés, nous avons l’obligation de répondre à toute demande de devis pour les actes. En tant que praticien, je prends le temps d’exposer les options thérapeutiques, la différence de coûts, et je leur rappelle qu’ils sont maîtres de la décision. Ils peuvent se renseigner auprès d’un autre vétérinaire. Le temps de l’explication est très important pour obtenir le consentement éclairé. C’est une relation de confiance. Enfin, tant qu’il n’y aura pas de monopole de structures qui imposeraient des tarifs sur toute une région, le détenteur de l’animal restera libre du choix de son vétérinaire et donc du tarif. Une tarification élevée n’est pas forcément un gage de qualité.