Urgences
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Anne Couroucé D’après la conférence présentée par Anne Couroucé, professeure à Oniris Nantes, sur le thème « Urgences et catastrophes », lors de la journée européenne de l’Association vétérinaire équine française (AVEF), qui s’est tenue à Roissy, le 28 mars 2024.
L’hyperthermie signifie une augmentation de la température corporelle (régulée par l’hypothalamus). On parle d’hyperthermie lorsque la température rectale est supérieure à 38,5 °C.
Cela peut être dû à un coup de chaleur, à des troubles affectant l’hypothalamus et également à de la fièvre. La fièvre est la principale cause d’hyperthermie et peut être liée à l’augmentation du thermostat interne secondaire à la stimulation de l’hypothalamus par les interleukines de l’inflammation. Ses causes sont les maladies infectieuses, les tumeurs, les désordres immunitaires ainsi que les maladies inflammatoires non infectieuses. Dans un contexte d’urgence et de catastrophe, il sera question ici de maladies infectieuses et contagieuses touchant plusieurs chevaux.
Il est alors important de se poser la question de la maladie concernée mais aussi des conséquences cliniques qui peuvent être variables sur la discipline (fièvre isolée, fièvre et signes respiratoires, fièvre et signes neurologiques, fièvre et diarrhée, etc.). La fatigue et/ou la contre-performance, par exemple, n’a pas d’impact sur un cheval non sportif ou un cheval de loisir mais peut avoir un impact majeur chez des chevaux de course ou des chevaux de sport. Les signes cliniques sont aussi à prendre en compte, de même que les complications, voire les séquelles.
Étape 1 : établir le diagnostic de la fièvre
Il est important d’éduquer les propriétaires afin qu’ils prennent régulièrement la température de leur cheval : une fois par jour dans la mesure du possible et au moins avant de le monter. À l’avenir, les puces d’identification mesurant la température permettront d’avoir un accès rapide et aisé à ce paramètre.
Étape 2 : isoler le cheval
La question à se poser est la suivante : « existe-t-il des boxes d’isolement ? ». Si oui, il convient de vérifier que ces boxes sont à une distance minimale de 50 mètres par rapport aux autres. Si tel n'est pas le cas, il faudra improviser et trouver une solution pour isoler le cheval. Il est également possible de laisser le cheval dans son box et de faire du vide à côté de lui et en face de lui afin d’éviter toute contamination. La mise en place d’une signalétique est également pertinente. Des masques FFP21 (photo 1) existent et permettent de transférer des chevaux sans risque vers des boxes, paddocks ou prés d’isolement. Des vêtements spécifiques doivent également être mis à disposition pour éviter que le personnel n’approche le cheval avec ses propres vêtements (combinaisons jetables ou vêtements dédiés, gants, chaussures dédiées ou surchaussures, masque, capuche ou charlotte).
Étape 3 : réaliser un diagnostic de la maladie
Il convient de se demander quels prélèvements effectuer, quels chevaux prélever, quelles analyses effectuer et quelles techniques ou quels analyseurs utiliser ?
Les prélèvements peuvent être des écouvillons nasopharyngés (Photo 2) ou des prises de sang en fonction de la (des) maladie(s) suspectées. Il est possible d’effectuer un screening comme celui proposé par l’un des sous-réseaux du groupement d’épidémiosurveillance en pathologie équine (RESPE) ou d’effectuer une recherche ciblée en se demandant si on recherche un virus ou une bactérie. Il peut alors être important d’effectuer des examens complémentaires (numération formule et fibrinogène).
Quels chevaux prélever ? Il est indispensable de prélever les chevaux présentant de la fièvre mais également ceux présentant des signes cliniques. Lors de l’apparition de fièvre, il est important d’attendre 24h avant de faire les prélèvements, les chevaux pouvant être faiblement excréteurs au tout début de l'apparition de la maladie.
Concernant les analyses à effectuer, il est impératif de les faire dans un laboratoire de référence. Les analyseurs rapides peuvent être de bonnes solutions, car ils donnent des résultats au chevet du patient. Toutefois, il convient de les réaliser dans de bonnes conditions même si leur mode d’emploi peut paraître simple. L’idéal serait sans doute un laboratoire de référence qui puisse se déplacer auprès des chevaux comme c’est le cas depuis 2023 avec le LABÉO Truck (Photo 3).
Étape 4 : procéder à l'arrêt des mouvements et au zonage
La première règle est d’arrêter tous les mouvements des chevaux : cesser toute entrée et toute sortie de l’écurie. Dans la mesure du possible, il est souhaitable de séparer l’écurie en 3 zones : une zone rouge avec le cheval malade et les chevaux ayant été en contact direct avec lui, une zone orange avec les chevaux suspects ayant été en contact indirect avec le cheval malade, et une zone verte avec les chevaux sans signes cliniques et n’ayant pas eu de contact direct ou indirect avec le cheval malade. Il peut arriver qu’il n’y ait qu’une zone rouge si tous les chevaux ont eu des contacts avec le cheval malade.
Une fois ce zonage effectué, il conviendra de réaliser deux prises de température quotidienne de tous les chevaux et de passer en zone rouge tout cheval présentant une T > 38,5 °C. La signalisation est très importante tout comme la mise en place de pédiluves ou de rotorluves à l’entrée de l’écurie, par exemple pour les roues des voitures.
Étape 5 : effectuer la vaccination des chevaux sains
Il est important de vacciner ou revacciner les chevaux sains de la zone verte contre la grippe, EHV, West Nile,…
Dans les écuries où la présence de gourme est avérée, il peut être important de vacciner les chevaux sains contre la gourme en utilisant le vaccin Strangvac2. Ce vaccin est sûr d’utilisation et permet de distinguer les animaux infectés des animaux vaccinés (DIVA). Il permet également aux chevaux d’acquérir une immunité protectrice rapide contre la gourme sachant que ce vaccin est efficace de façon optimale deux semaines après une troisième injection.
Étape 6 : procéder à la sortie de quarantaine
Il est important d’attendre que les chevaux ne présentent plus de signes cliniques et de les tester avant de les sortir de quarantaine. Idéalement, il conviendrait d’effectuer trois tests à une semaine d’intervalle et d’attendre que ceux-ci soient négatifs afin de libérer les chevaux de la quarantaine et de lever les mesures d’isolement. Si cela n’est pas possible, pour des questions logistiques ou financières, il est possible de diminuer le nombre de tests et de les espacer.
Étape 7 : terminer par une désinfection
Le désinfectant idéal doit présenter les propriétés suivantes :
– large spectre : doit éradiquer une grande variété de germes
– action rapide
– non affecté par les facteurs environnementaux (doit rester actif en présence de souillures) /
– non toxique pour les personnes et les animaux
– compatibilité de surfaces : ne doit pas endommager les instruments ni détériorer le caoutchouc, le plastique,
– effet résiduel sur les surfaces traitées (rémanence)
– facile à utiliser
– économique
– solubilité (le pH de l’eau de dilution ne doit pas modifier ses propriétés)
– stabilité : concentré ou dilué, il doit rester stable
Les désinfectants fréquemment utilisés dans les écuries sont les ammoniums quaternaires et les dérivés phénoliques.
Étape 8 : communiquer (à tout moment)
La communication est fondamentale à chacune des étapes, afin de protéger le cheptel environnant. La France a la grande chance d’avoir le dispositif du RESPE qui permet de déclarer des cas suspects et de faire circuler l’information afin d’informer les vétérinaires et les propriétaires de chevaux. Déclarer, c’est protéger !