L’ultra perfectionnisme, ce fardeau invisible - La Semaine Vétérinaire n° 2030 du 19/04/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2030 du 19/04/2024

Santé mentale

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Marie-Alice Paragon

Dans le monde exigeant de la médecine vétérinaire, l’ultra perfectionnisme peut avoir des conséquences dévastatrices sur la santé mentale et le bien-être des praticiens. Comprendre les origines de cette tendance, ses implications, et les stratégies pour la dépasser est essentiel pour promouvoir un environnement de travail sain et équilibré.

Les origines de l'ultra perfectionnisme sont souvent à rechercher dans l'éducation. Ne pas se contenter d’une deuxième place, devoir être le meilleur, obtenir de très bons résultats à l'école qui seront malgré tout jugés insuffisants, de quoi forger un penchant naturel pour l’excellence. Le problème c’est que l’excellence n’est pas facile à vivre, et s'accompagne souvent de l’incapacité au lâcher-prise.

La crainte d’être jugé incompétent, le sentiment d’infériorité, la peur de décevoir sont autant de perceptions qui incitent à donner le meilleur de soi-même. Mais cette recherche incessante de perfection peut également engendrer une peur irrationnelle de l’échec. Pourtant, l’échec fait clairement partie de la vie. Accepter que l’échec n’est pas une fin mais plutôt un passage vers le succès, libère des chaînes du perfectionnisme.

Les causes

Les causes de l’ultra perfectionnisme chez les vétérinaires peuvent être multiples et complexes. Elles ont diverses sources, chacune ayant un impact significatif sur la formation de ce écomportement exigeant.

Attentes élevées des clients : les propriétaires d’animaux attendent généralement des soins de qualité exceptionnelle pour leurs compagnons. Cette pression pour répondre à des normes élevées peut pousser les vétérinaires à viser la perfection dans chaque aspect de leur pratique, des diagnostics aux traitements.

Pression professionnelle : le secteur vétérinaire est intrinsèquement lié à des décisions qui impliquent des questions de vie ou de mort pour les animaux. Les vétérinaires ressentent souvent une pression intense pour prendre les bonnes décisions rapidement et efficacement, ce qui peut conduire à un perfectionnisme extrême pour éviter les erreurs potentielles.

Désir de fournir le meilleur service : ils sont souvent motivés par un profond engagement envers le bien-être des animaux. Ils veulent offrir les meilleurs soins possibles et sauver autant de vies que possible, ce qui peut les pousser à rechercher constamment la perfection dans leur pratique.

Culture compétitive : dans de nombreuses cliniques vétérinaires, il existe une culture de compétition où les vétérinaires sont constamment évalués par leurs pairs et leurs supérieurs. Cette dynamique peut favoriser un environnement où seuls les excellents résultats sont valorisés, alimentant ainsi le perfectionnisme.

Autocritique excessive : ils ont tendance à être très critiques envers eux-mêmes, cherchant constamment à s’améliorer et à atteindre des standards toujours plus élevés. Cette autocritique peut devenir excessive et mener à un perfectionnisme débilitant, où même les réalisations remarquables sont minimisées.

Les conséquences

Les conséquences de l’ultra perfectionnisme peuvent être dévastatrices, tant sur le plan professionnel que personnel.

Stress chronique : l’obsession pour la perfection entraîne un stress constant. Les vétérinaires perfectionnistes se fixent des normes élevées et maintiennent une pression pour les atteindre, ce qui peut conduire à un niveau élevé de stress chronique.

Épuisement professionnel : la poursuite incessante de la perfection peut conduire à un épuisement professionnel. Ils ont tendance à s’investir émotionnellement et physiquement dans leur travail, ce qui peut les épuiser rapidement.

Difficulté à déléguer : ils peuvent avoir de la difficulté à déléguer des tâches, car ils ont du mal à faire confiance aux autres pour accomplir le travail aussi bien qu’eux-mêmes. Ce qui peut entraîner une surcharge de travail et une diminution de l’efficacité globale.

Prise de décision difficile : l’ultra perfectionnisme peut rendre la prise de décision difficile. Ils sont souvent paralysés par la peur de prendre la mauvaise décision, ce qui peut entraîner des retards et des erreurs évitables.

Équilibre vie professionnelle et personnelle : ils peinent à trouver un équilibre entre leur vie professionnelle et personnelle. Ils peuvent sacrifier leur bien-être personnel pour se consacrer à leur travail, ce qui peut entraîner des tensions relationnelles et des conflits familiaux.

Baisse de l’estime de soi : l’incapacité à atteindre les normes perfectionnistes peut engendrer une baisse de l’estime de soi. Ils peuvent se sentir inadéquats ou insuffisants, même en cas de réussite professionnelle.

Sentiments de frustration et de désespoir : lorsque les attentes irréalistes ne sont pas atteintes, il peut en résulter un sentiment de frustration et de désespoir. Ils peuvent se sentir impuissants et découragés, ce qui peut affecter leur bien-être émotionnel et mental.

Difficultés relationnelles : l’ultra perfectionnisme peut également avoir un impact sur les relations personnelles. Ils peuvent être distants ou critiques envers leurs proches, provoquant des tensions et des conflits dans leurs relations.

Surmonter l’ultra perfectionnisme

Heureusement, il existe des stratégies pour surmonter l’ultra perfectionnisme et cultiver un état d’esprit plus sain et équilibré. Tout d’abord, il est important de reconnaître et d’accepter que la perfection est souvent inatteignable et qu’il est normal de commettre des erreurs. Apprendre à se féliciter pour les réalisations, même modestes, peut aider à contrer les tendances perfectionnistes.

La pratique de la pleine conscience et des techniques de gestion du stress, telles que la respiration profonde et la relaxation musculaire progressive, peut également être bénéfique pour calmer l’esprit et réduire l’anxiété liée à la performance. De plus, apprendre à déléguer efficacement les tâches et à se fixer des limites claires peut aider à réduire la charge mentale et émotionnelle associée au travail.

Enfin, chercher un soutien professionnel, que ce soit par le biais d’un mentor, d’un coach ou d’un thérapeute, peut offrir un espace sûr pour explorer les racines de l’ultra perfectionnisme et développer des stratégies d’adaptation plus saines.

Les humains sont tous parfaitement imparfaits, et c’est tant mieux ! Chacun dispose d'une personnalité complexe et unique et d’un mélange équilibré de qualités et de défauts. Apprendre à tirer le meilleur parti de soi-même, sans jamais exiger la perfection ultime fait de nous des humains, ni plus ni moins.

Nous sommes doués de sensibilité, doués d’une extraordinaire diversité, et c’est de ces différences que nous nous nourrissons.

Rien ne sert de vouloir ressembler aux autres, rien ne sert de se comparer. Encore moins de se conformer à des diktats de réussite, imposés par des normes qui ne sont pas forcément les nôtres.

Et c’est dans cette liberté de choix, de désirs, de croyances que nous pouvons puiser l’énergie pour trouver notre équilibre. Sans s’enfermer dans une dure vie de travail, certes génératrice de fierté mais surtout de frustrations. L’équilibre entre notre vie personnelle et notre vie professionnelle est la clé de notre bonheur, il ne faut jamais l’oublier.

L’ultra perfectionnisme peut donc être un obstacle significatif dans la vie des vétérinaires mais avec une prise de conscience et des efforts délibérés pour changer les schémas de pensée et de comportement, il est possible de surmonter cette tendance et de mener une vie plus épanouissante et équilibrée.