Médicaments vétérinaires
PHARMACIE
Auteur(s) : Michaella Igoho-Moradel
Comme l’a rappelé un expert lors d’une récente séance par l’Académie vétérinaire de France, les demandes d’AMM de médicaments vétérinaires comprennent un volet sécurité pour l’utilisateur qui fait l’objet d’une étude approfondie.
Les médicaments ne sont pas des produits comme les autres. En santé humaine comme en santé animale, ce principe fondamental est martelé lors de l’évaluation des dossiers de demande de mise sur le marché. Lors d’une séance1 de l’Académie vétérinaire de France, Benoit Courty, chef de l’unité expertise de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV), a détaillé les particularités de ce processus visant à garantir la sécurité des utilisateurs. L’évaluation de l’agence s’appuie sur deux lignes directrices européennes qui permettent d’estimer l’exposition au médicament, d’identifier et caractériser l’effet indésirable potentiel, d’évaluer le risque et, enfin, de fixer des mesures de gestion et de communication.
Des modèles mathématiques d’évaluation
La première ligne2 directrice de référence, publiée en 2010 par l’Agence européenne du médicament (EMA), s’intéresse à l’évaluation du risque pour l’utilisateur des médicaments vétérinaires. Ce texte général couvre tout type de médicament vétérinaire et toute espèce, et concerne l’identification et la caractérisation des dangers potentiels (identifier les propriétés intrinsèques de la substance active, définir les doses sans effet ou valeurs toxicologiques de référence). « L’exercice est réalisé pour chaque substance active contenue dans le médicament et si nécessaire pour les excipients. Cette évaluation est basée sur les données fournies dans la partie III, intitulée « Sécurité », du dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché », explique Benoit Courty. L’agence évalue l’exposition théorique de l’utilisateur aux médicaments vétérinaires, grâce à des modèles mathématiques à différentes étapes (exposition ou ingestion accidentelles avant ou pendant l’utilisation du traitement, exposition cutanée et orale par contact avec un animal traité après l’administration du médicament). Il est possible d’affiner cette estimation avec des données expérimentales. La dernière étape du principe de l’évaluation des risques permet de comparer les niveaux d’exposition estimés dans les différents scénarios à la dose sans effet identifiée. La marge d’exposition fait ensuite l’objet d’une analyse d’acceptabilité. Le risque peut être considéré comme acceptable ou inacceptable pour l’utilisateur.
Des mesures qui doivent être applicables
« Au terme de cette évaluation des risques, nous communiquons sur des mesures de gestion du risque via le résumé des caractéristiques du produit (RCP). Par exemple, pendant l’application, il est conseillé de porter des gants (parfois cela est obligatoire), ne pas ouvrir la pipette à proximité ou en direction du visage, éviter tout contact entre les mains et la bouche. En post-application, il peut être déconseillé de manipuler les animaux traités ou encore recommandé de se laver les mains après l’utilisation. Ces mesures doivent être applicables », détaille l’expert de l’ANMV. En 2018, une autre ligne directrice3 sur la sécurité des utilisateurs de médicaments vétérinaires administrés par voie topique (pipette, spot on, spray…) a été publiée par l’EMA. Celle-ci fait suite à des cas de pharmacovigilance concernant des colliers antiparasitaires, déclarés en 2009. Ce texte a apporté plusieurs changements dans les modèles mathématiques utilisés par évaluer les risques (identification potentielle de nouveaux risques après application et recours au test « gants de coton »). Cette ligne directrice a généré des discussions sur sa mise en application concernant des médicaments génériques. Que faire si un nouveau risque est identifié ? Est-il nécessaire de recourir au test de « gants de coton » ? Pour quelle mesure de gestion faudrait-il opter ? Quid de l’applicabilité du texte ? Portées par la France, des discussions et un projet de révision de cette ligne directrice sont en cours.
Que désigne le terme utilisateur ?
L’évaluation de la sécurité du médicament vétérinaire pour son utilisateur est une exigence introduite en 1992 dans des dossiers d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Le syndicat de l’industrie du médicament et du diagnostic vétérinaires (SIMV) rappelle que l’utilisateur est toute personne susceptible d’être en contact avec le médicament vétérinaire, qu’il s’agisse d’un professionnel ou d’un particulier, d’un adulte ou d’un enfant, parfois seulement au contact de l’animal traité.