Pathologie respiratoire
FORMATION CANINE
Auteur(s) : Mylène Panizo Conférenciers ISABELLE TESTAULT (N 92), diplômée du DESV de médecine interne, spécialiste en médecine interne au Centre hospitalier vétérinaire (CHV) Atlantia (Nantes, Loire-Atlantique). JULIEN BRUNE (N 09), praticien en imagerie médicale au CHV Atlantia. Article rédigé d’après la webconférence intitulée « Les rhinites chroniques chez le chien », organisée par le CHV Atlantia, en partenariat avec SantéVet, le 26 mars 2024.
Une rhinite est une inflammation des cavités nasales. Elle est dite chronique lorsqu’elle évolue depuis au moins quatre semaines (de manière intermittente ou continue). Les causes principales des rhinites chroniques sont les néoplasies, les rhinites lymphoplasmocytaires et les aspergilloses. Plus rarement, un corps étranger, une fistule oronasale, une parodontopathie, un polype nasopharyngé, une malformation congénitale ou la présence de parasites peuvent en être la cause. Les surinfections bactériennes sont fréquentes, mais elles ne sont jamais à l’origine d’une rhinite chronique.
Présentation épidémioclinique
Les symptômes d’une rhinite chronique sont variés. On peut observer :
– Des éternuements provenant d’une stimulation chimique ou mécanique des récepteurs des cavités nasales, des sinus ou du nasopharynx.
– Un jetage séreux, muqueux, mucopurulent ou sérohémorragique. Sa caractérisation ne présage pas de l’origine de la rhinite. Un jetage unilatéral, notamment en début d’évolution, peut faire suspecter une tumeur, une aspergillose, un corps étranger ou une fistule oronasale. Lors de rhinites lymphoplasmocytaires, les lésions sont généralement bilatérales, mais le jetage peut être unilatéral.
– Un reverse sneezing (éternuement inverse), qui caractérise une irritation des parties distales des cavités nasales et/ou du nasopharynx.
D’autres symptômes peuvent faire suspecter une tumeur : déformation du chanfrein, saignements, douleurs, convulsions. Les néoplasies sont le plus souvent observées chez des chiens à long nez, l’âge médian d’apparition étant 10 ans.
Des dépigmentations ou ulcérations, une épistaxis, une douleur et une atteinte de l’état général (fièvre, abattement, anorexie, amaigrissement) orientent vers une aspergillose. Cette affection fongique s’observe chez des chiens à long nez. L’âge médian d’apparition étant 6 ans.
Une rhinite lymphoplasmocytaire est une inflammation de la cavité nasale dont l’origine est inconnue (des causes allergiques, infectieuses ou dysimmunitaires sont suspectées). Elle peut toucher tous les chiens, mais les brachycéphales sont moins atteints que les autres races. Il n’y a généralement pas d’altération de l’état général.
Examens complémentaires
Une approche multimodale est nécessaire pour diagnostiquer la cause de la rhinite chronique.
La radiographie peut apporter des informations, surtout si la lésion est sévère. Le chien doit être anesthésié. Trois vues sont nécessaires pour explorer les cavités nasales :
– Une vue de profil, qui permet d’évaluer les contours osseux de la cavité nasale, le palais dur, le palais mou et le nasopharynx.
– Une vue rostro-caudale (la tête du chien est placée perpendiculairement à la table), qui permet de visualiser les sinus frontaux et l’os frontal.
– Une vue de face (ventro-dorsale) en ouvrant la gueule du chien pour ne pas superposer la mandibule et le nez. Cette vue permet de comparer les cavités nasales et d’évaluer les cornets nasaux et le septum nasal. Une augmentation de l’opacité d’une cavité nasale, la lyse des cornets nasaux, et une déviation du septum nasal sont des éléments en faveur d’une tumeur. À l’inverse, une diminution de l’opacité d’une cavité nasale évoquera plutôt une aspergillose.
Cependant, la radiographie manque de sensibilité et de spécificité, son interprétation est difficile sans expérience dans le domaine, et l’extension des lésions est peu visible avec cet examen.
Le scanner est l’examen d’imagerie médicale de choix pour explorer l’ensemble des cavités nasales. Sa sensibilité et sa spécificité sont évaluées entre 80 et 100 %. Il se réalise sous anesthésie générale, l’animal étant en position sternale. Des coupes transversales en filtre osseux et en filtre tissus mous sont effectuées, avant et après l’injection de produit de contraste.
Le scanner permet de caractériser la lésion, d’évaluer son extension, et constitue une aide précieuse pour la réalisation éventuelle de prélèvements à la rhinoscopie.
La démarche d’interprétation des images est la suivante :
– Présence d’une masse : il s’agit généralement d’une tumeur, mais d’autres causes sont possibles (granulome fongique, tumeur bénigne telle qu’un polype, un kyste, ou un abcès).
En l’absence de masse, le caractère érosif ou non de la lésion est évalué. Une rhinite érosive est définie par la visualisation d’une lyse des cornets nasaux. Il peut s’agir d’une aspergillose, d’une inflammation chronique d’origine dysimmunitaire, de la présence d’un corps étranger chronique ou d’une origine dentaire.
En l’absence de lyse, la rhinite est dite non érosive. C’est le cas pour certaines rhinites dysimmunitaires, infectieuses ou en présence récente d’un corps étranger.
La localisation des lésions aide également à formuler des hypothèses diagnostiques (lésion focale ou multifocale, unilatérale ou bilatérale). Par exemple, les lésions constatées lors de rhinites lymphoplasmocytaires sont souvent bilatérales.
La rhinoscopie est complémentaire au scanner. Elle permet de visualiser des lésions, d’effectuer des prélèvements et parfois de traiter l’affection (retrait d’un corps étranger par exemple). L’animal doit être anesthésié. Elle s’effectue toujours en deux temps : d’abord de manière rétrograde (du nez vers les cavités nasales) puis antérograde (en arrière du voile du palais voire derrière les choanes).
La visualisation d’agrégats blanchâtres sous forme de plaques est pathognomonique d’une aspergillose. Ces placards fongiques sont observables dans 87 % des cas d’aspergillose. La réalisation d’une culture est néanmoins indispensable pour confirmer le diagnostic. Lors de rhinite lymphoplasmocytaire, les lésions observables sont peu spécifiques (inflammation, œdème des cornets nasaux). La réalisation d’une biopsie pour l’examen anatomopathologique et pour la culture fongique est toujours recommandée. En effet, le diagnostic d’une rhinite lymphoplasmocytaire est essentiellement un diagnostic d’exclusion (voir encadré).
Traitements
La prise en charge thérapeutique d’une aspergillose dépend de sa sévérité. Si les sinus ne sont pas atteints, une balnéation des cavités nasales avec un antifongique (clotrimazole) pendant 30 minutes (à l’aide d’une sonde de Foley) est généralement effectuée. Il est également possible d’injecter (à l’aide d’un trocart) un gel de clotrimazole dans les sinus (les sinus servent de réservoir et le gel se diffusera ainsi progressivement dans les cavités nasales).
Lors d’une aspergillose sinusale, il convient de cureter et de trépaner les sinus. En cas d’atteinte sinusale sévère, le chirurgien peut être amené à réaliser une sinusectomie. Il faut toujours prévenir le propriétaire que le résultat est impressionnant (ouverture au niveau de la face, laissée à l’air pendant plusieurs semaines sur la face). L’administration d’antifongiques oraux est également nécessaire dans la plupart des cas d’aspergillose sévère.
S’il s’agit d’une tumeur, le traitement dépend de sa nature. En cas de carcinome transitionnel nasal, une radiothérapie associée ou non à une chirurgie permet d’obtenir une médiane de survie de six à huit mois.
La prise en charge des rhinites lymphoplasmocytaires constitue un véritable challenge thérapeutique.
Des traitements locaux peuvent être initiés : irrigation des cavités nasales à l’aide de sérum physiologique (dans le nez ou dans les yeux), nébulisations, utilisation de corticoïdes locaux (fluticasone). Lors d’atteinte plus importante, des traitements per os peuvent être associés : corticothérapie et/ou anti-inflammatoires non stéroïdiens. Une étude* a présenté de bons résultats en alternant trois semaines de prednisone et trois semaines de méloxicam. Une antibiothérapie est prescrite en cas de surinfection.
Syndrome aérodigestif
Des publications récentes1,2 ont démontré l’existence d’un syndrome aérodigestif chez les chiens (auparavant connu uniquement chez les brachycéphales), qui pourrait expliquer certaines rhinites lymphoplasmocytaires réfractaires aux traitements. Des troubles digestifs pourraient causer l’apparition d’une rhinite chronique. Une rémission ou une amélioration des rhinites lymphoplasmocytaires ont été constatées en réalisant un traitement uniquement digestif.
En l’absence d’anomalie spécifique au scanner et à la rhinoscopie, il est recommandé de poursuivre les explorations en réalisant une fibroscopie digestive. Le traitement de la rhinite passe par celui de l’atteinte digestive : alimentation adaptée, prescription d’un plâtre digestif, d’antiacides, de prokinétiques et, éventuellement, de corticoïdes en cas de gastrite dysimmunitaire marquée.
1. Megan Grobman , Carol Reinero. A One Health review of aerodigestive disease in dogs. J Vet Intern Med. 2023 May-Jun;37(3):817-834. https://tinyurl.com/k3yf9r29
2. Paola Gianella, Silvia Roncone, Ugo Ala , et al. Upper digestive tract abnormalities in dogs with chronic idiopathic lymphoplasmacytic rhinitis. J Vet Intern Med. 2020 Sep;34(5):1845-1852. https://tinyurl.com/yf2zbv7n