STATUT JURIDIQUE
ANALYSE GENERALE
Auteur(s) : PAR CHANTAL BÉRAUD
Lors d’une web conférence, Nicolas Picoulet, le directeur de l’Union régionale des SCOP de Poitou-Charentes, a partagé son expertise sur ce mode d’exercice encore ultra-minoritaire.
« Aujourd’hui, je suis membre fondateur d’une société coopérative de production (SCOP) vétérinaire avec deux autres associés salariés. Nous exerçons dans la Drôme en rurale dans le cadre d’un groupement conventionné, sans assistante vétérinaire », présente Michel Bouy (A 82). Et de préciser : « La SELARL d’origine a donc été transformée dès 2015 en une SCOP, car je souhaitais pour des raisons idéologiques m’inscrire dans ce mouvement fondé en 1884 pour mettre en œuvre le principe économique selon lequel l’outil de travail appartient à ceux qui y exercent. » Une SCOP peut donc comprendre des associés salariés (qui prennent part au capital de l’entreprise) et des salariés qui préfèrent ne pas participer au capital.
Un associé, une voix
Autre principe égalitaire de base régissant toute SCOP : lors d’une Assemblée générale (AG), quel que soit le nombre de parts détenues, la règle est qu’un associé salarié compte toujours pour une et une seule voix lors des votes. « L’Assemblée générale, précise Nicolas Picoulet, directeur de l’Union régionale des SCOP de Poitou-Charentes, a pour vocation de définir les grandes orientations stratégiques de l’entreprise (choix des investissements, répartition des résultats…). Cette AG est souveraine, elle peut donc à tout moment élire mais aussi révoquer l’élu qui exerce la gérance (gérance exercée pour une durée maximale de quatre ans). »
Des règles propres à la profession
Toute SCOP vétérinaire doit en outre suivre plusieurs règles spécifiques à la profession. Notamment, les vétérinaires en exercice dans la SCOP doivent directement détenir plus de la moitié du capital social et seuls les vétérinaires associés et salariés en exercice dans la société peuvent être des mandataires sociaux, c’est-à-dire en détenir la gérance. En fait, une SCOP vétérinaire est régie à la fois par le Code du commerce (loi de 1978 sur les SCOP), par plusieurs articles du Code rural et de la pêche maritime (dont les articles L241-17, R241-102-1, R-242-40, R-242-52 et R-242-63) et par quelques règles spécifiques propres au métier de vétérinaire. Plus de la moitié des droits de vote, soit les deux-tiers, (sur la base d’un associé = une voix) doivent être détenus par des associés qui sont titulaires d’un contrat de travail dans l’entreprise vétérinaire.
Un statut qui exclut les non vétérinaires
« Concrètement, reprend Nicolas Picoulet, cela veut donc par exemple dire que l’on peut constituer une SCOP vétérinaire avec dix salariés associés comprenant dix praticiens et quatre assistantes vétérinaires. Ensuite, on peut choisir le statut d’une SARL, d’une SA, d’une SAS. Mais, dans tous les cas de figure, la détention, directe ou indirecte, de parts d’actions ou d’actions du capital social de la SCOP vétérinaire est interdite : premièrement, aux personnes physiques ou morales qui n’exercent pas la profession de vétérinaire, qui fournissent des services, produits ou matériels utilisés à l’occasion de l’exercice professionnel vétérinaire. Deuxièmement, leur détention est également interdite aux personnes physiques ou morales exerçant à titre professionnel ou conformément à leur objet social, une activité d’élevage, de production ou de cession, à titre gratuit ou onéreux, d’animaux ou de transformation des produits animaux. » Un point que regrette Michel Bouy, car pour lui, il en résulte notamment que l’association d’éleveurs conventionnés avec laquelle il travaille ne peut pas devenir partenaire de sa SCOP vétérinaire. Ce qui, plus globalement parlant, présenterait pourtant, selon lui, le grand intérêt d’aider à conforter l’assise financière d’un cabinet à vocation rurale.
Pour quel écart de salaire ?
S’il n’existe pas de règle concernant l’écart de salaires en SCOP, l’observation de la vie du réseau (soit actuellement environ 4 000 entreprises, tous genres d’activités confondues, pour 80 000 salariés) montre que cet écart se situe en moyenne dans une fourchette allant de un à quatre. Quant aux bénéfices réalisés (qui doivent suivre des fourchettes imposées de répartition), ils sont, dans ce même réseau, en moyenne répartis pour 45 % en réserve d’entreprise, 40 % sont redistribués aux salariés, le reste étant reversé sous forme de dividendes aux associés. « Pour notre part, commente Michel Bouy, voici notre propre répartition interne : les associés ayant fait le choix de ne pas toucher de dividendes, 84 % sont répartis entre les salariés, et 16 % partent aux réserves. »
Pas de plus-value de sortie !
Dans une SCOP, les entrées comme les sorties sont facilitées, mais sans réalisation de plus-value. En effet, la rupture du contrat de travail entraîne la dissolution du capital du partant. Le sortant récupère uniquement la valeur à l’identique de sa part investie au départ. « Je n’ai malgré cela jamais peiné à trouver des associés, constate Michel Bouy. Le praticien cotise au régime des salariés avec le statut de cadre. Et nous avons contracté en plus une mutuelle et une prévoyance santé. » Résultat : si le choix d’une SCOP était à refaire, il le referait…
Une « citoyenneté » d’entreprise
Christine Richard (N 99), associée salariée gérante SCOP Altantic Vétérinaires (Ancenis, Loire-Atlantique)
Nous sommes actuellement sept vétérinaires, tous associés et salariés d’une SCOP de conseil en production animale, avec un nombre de parts au capital social à peu près équivalent. Le fonctionnement très égalitaire de la SCOP nous convient parfaitement. Par exemple, nous partageons entre les salariés un quart des bénéfices, au prorata de leur activité. En application de ce principe, l’an passé, deux vétérinaires salariés non associés ont touché la même somme que celle versée à l’un des vétérinaires associé salarié. De plus, seuls 5 % du bénéfice est redistribué sous forme de dividendes aux seuls vétérinaires salariés associés. Nous assumons volontiers ce relatif petit « côté communiste sympa », même si nous veillons évidemment à gagner correctement notre vie ! Notre premier moteur d’action est notre envie commune d’accompagner au mieux les filières d’éleveurs, dans le cadre d’une gestion de société que je trouve simple et sécurisante, puisque nous dépendons du régime des salariés.
Peut-on rompre son contrat de travail mais rester associé au capital ?
« Quand un associé salarié part de la SCOP, il quitte l’entreprise mais il peut en rester un associé non salarié dit extérieur, informe Nicolas Picoulet. Globalement, la procédure est qu’il sorte de la SCOP puis qu’il fasse une nouvelle demande d’admission. La rupture du contrat de travail (démission, rupture conventionnelle de contrat…) entraîne une perte de la qualité d’associé sauf s’il y a un licenciement pour inaptitude ou pour motif économique. »
La web conférence du 23 janvier 2024 à revoir en replay
C’est en présence du Dre Sophie Latapie qui a entrepris elle aussi la création d’une SCOP vétérinaire (avec l’aide de Nicolas Picoulet), qu’une web conférence a eu lieu sur ce thème, avec l’assistance d’EcoVeto et de Vétos-Entraide.
Lien vers le replay : bitly.ws/3igIY