Congrès
ANALYSE MIXTE
Auteur(s) : Morgane Rémond
Les 56es Journées de la recherche porcine ont été l’occasion pour les acteurs de cette filière de faire le point sur les sujets à fort impact sociétal et environnemental.
Environnement, ressources, bien-être animal… les journées de la recherche porcine, qui se sont tenues à Saint-Malo les 6 et 7 février derniers, ont montré la prise en considération par la filière de ces grands enjeux sociétaux, et la volonté d’avancer sur ces thématiques. Les questionnements autour de ces sujets font partie du quotidien des éleveurs au même titre que les incertitudes financières ou la question de la qualité du travail.
Des éleveurs conscients
Selon une étude présentée lors de la session consacrée aux questions sociologiques (Delanoue et al.), tous les éleveurs n’ont pas le même rapport au changement. Quatre grands profils se dessinent : les animaliers communicants, passionnés par le contact animal, enclins à faire découvrir leurs élevages mais qui présentent une incompréhension et un agacement face aux attentes sociétales. Les commerçants contraints qui ont une charge mentale liée à un métier chronophage mais trouvent du plaisir dans la vente directe qui donne du sens à leur métier. Les entrepreneurs flexibles, passionnés par la technique, l’optimisation, la nouveauté et la polyvalence de leur métier, passent beaucoup de temps à l’élevage mais ne le ressentent pas comme une charge mentale, communiquent auprès des différents publics. Et enfin les paysans citoyens, des jeunes installés qui défendent un système d’élevage plutôt alternatif qui répond aux attentes sociétales et environnementales, avec des circuits courts et un équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Cette diversité de profils montre bien l’importance d’avoir un accompagnement adapté pour faire face aux transitions.
Réduire les émissions de gaz à effet de serre
Pour la transition environnementale, la recherche s’intéresse à différentes approches pour optimiser l'équilibre entre performances de croissance et émissions de gaz à effet de serre. Première de ces approches : la réduction des consignes d’ambiance en engraissement. Avec des consignes à 18 °C voire 16 °C, est obtenue une réduction des émissions d’ammoniac de 36 à 42 %, et de 53 à 57 % pour le méthane en comparaison avec une salle avec une consigne de 22 °C (Guingand et al.), sans différence significative des performances de croissance. Une deuxième approche vise à incorporer de l’acide benzoïque à 0,5 % dans l’alimentation en engraissement (Lagadec et al.) ce qui permet une amélioration significative du gain moyen quotidien et de l’indice de consommation en comparativement à un groupe témoin, ainsi qu’une réduction des émissions d’ammoniac de 17 % en moyenne sur 3 bandes. Enfin, l’ensemencement des lisiers avec un complexe de micro-organismes naturellement sélectionnés (Lagadec et al.) limite significativement les émissions d’ammoniac durant la saison chaude et tend à améliorer les performances des porcs en croissance tout au long de l’année d’après le protocole expérimental appliqué.
Optimiser les ressources alimentaires
Répondre à l’enjeu environnemental passe aussi par une optimisation des ressources, notamment alimentaires. Les travaux de la session relative à l'alimentation, la plus riche du congrès (12 communications orales et 33 posters) ont témoigné d’une révision continuelle des valeurs nutritionnelles afin d’aller vers une alimentation de précision dont l’objectif est de valoriser au mieux les intrants alimentaires et limiter les excès. Pour ce faire, on vise un ajustement des apports en protéines et acides aminés spécifiques en fonction des stades. Sur les porcs à l’engrais, l’étude de Cappelaere et al. a par exemple montré qu’une baisse de 1,2 et 2,4 points de protéines brutes n’affectait pas de façon significative les performances de croissance des porcs (cette baisse pénalise toutefois la capacité de rétention d’eau de la viande). Au niveau environnemental, cette baisse s’accompagne d’une réduction de l’excrétion d’azote de 9,6 %. L’impact environnemental global reste variable en fonction des ressources utilisées. Les résultats de l’analyse du cycle de vie ne sont pas corrélés positivement à la baisse de la teneur en protéines. Concernant les truies, un travail mené par Cloutier et al. sur l’alimentation de précision a montré l’intérêt d’un régime de précision sur les truies gestantes adapté aux besoins des deux phases de la gestation. Ces régimes permettent une réduction de la teneur en lysine digestible (15 %), en protéines brutes (11 %) et en phosphore digestible (17 %) par rapport à un régime conventionnel. Ces formules améliorent certaines performances de productivité des truies (taux de pertes des porcelets sous les truies) mais nécessitent certains ajustements, car elles semblent favoriser une perte d’état plus importante en lactation à l’origine de réformes et de problèmes de reproduction plus nombreux.
L’optimisation des ressources passe aussi par une meilleure évaluation des quantités de phosphore et de calcium urinaires (Lemee et al.) afin d’ajuster le rapport phosphocalcique dans les rations et limiter les excrétions. L’utilisation des phosphates minéraux en agriculture est à l’origine d’un épuisement des gisements et de pollution environnementale par le phosphore. Utiliser des phytases afin d’améliorer la digestibilité du phosphore présent dans les végétaux est une solution pour laquelle des données continuent d’être produites (Guillou et al., De Oliveira et al., Brehelin et al., Leterme et al.)
Des axes d’amélioration du bien-être
En ce qui concerne la santé et le bien-être animal, de nombreuses recherches sont menées afin de répondre au mieux aux attentes de l’opinion publique. La session sur la santé a illustré la complexité de la gestion de certaines infections selon les systèmes d’élevage. Pour exemple, l’étude de Delsart et al., a mis en lumière l’importance, tant en prévalence qu’en diversité, du parasitisme en élevage alternatif. Cette étude montre la nécessité de prendre en compte cette problématique dans ces élevages sur paille ou plein air très plébiscités par l’opinion publique, au risque de pénaliser la santé et le bien-être des animaux. Pour ce qui est des élevages conventionnels, un retour terrain de Trombani et al. a montré l’importance des approches globales combinant des notions de conduite d’élevage, de biosécurité, de surveillance des animaux afin de gérer une grippe récurrente en post-sevrage ainsi qu’un certain nombre de co-infections (G. parasuis et colibacillose à E. coli F4).
Pour la session portant sur le bien-être, quelques problématiques fortes sont ressorties des communications orales. L’apport d’informations sur les cases de mise bas liberté au travers d’une enquête réalisée dans 29 élevages équipés de ce système a fait ressortir la satisfaction globale des éleveurs. Tout comme des points d’attention, valables pour les diverses cases observées, tels que la gestion de la double ambiance truie-porcelets (Villain et al.). Une recherche autour des matériaux manipulables (Poissonnet et al.) a montré l’intérêt du tasseau de bois fixé près du sol et de l’objet en caoutchouc naturel fixé face à la truie pour la phase de verraterie. L’étude a aussi mis en évidence l’importance de l’utilisation d’un bois tendre (pin sylvestre) pour une meilleure utilisation des matériaux en bois. Une étude (Gavaud et al.) a montré l’impact positif d’une socialisation de porcelets à 14 jours d’âge dans 4 élevages commerciaux. Les porcelets manifestaient plus de comportements exploratoires (14,6 vs 3,2 %) et d’interactions positives après mélange, et moins de stress et plus de comportements sociaux positifs après sevrage comparé au groupe témoin, sans pénaliser ni les performances des porcelets ni la truie. Ces éléments sont importants, car une enquête (Gerard et al.) témoigne de la nécessité d’apporter des connaissances, références et recommandations précises sur cette pratique tant pour les acteurs de la filière que pour les éleveurs.