Déserts vétérinaires ruraux : comment en venir à bout ? - La Semaine Vétérinaire n° 2033 du 03/05/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2033 du 03/05/2024

EXPRESSION

Auteur(s) : Propos recueillis par Chantal Béraud

Avec une communauté agricole en détresse qui peine à survivre économiquement, comment la pratique rurale peut-elle être attractive ? Sans changements conséquents, les déserts vétérinaires n'ont pas fini de s’étendre…

Caroline Dabas (T 93)

Présidente du Syndicat des structures et établissements vétérinaires indépendants français (SSEVIF)

Nos propositions aux politiques

Le maintien des vétérinaires ruraux nécessite que les éleveurs soient solides économiquement et confiants dans l’avenir. Car il est illusoire de vouloir maintenir des praticiens dans des territoires où les agriculteurs sont dans la misère. Sur le terrain, les praticiens ont également besoin d’une tutelle administrative de proximité au sein des DDETSPPP1, qui soit réactive et connaisseuse des enjeux des territoires ainsi que des contraintes des vétérinaires sanitaires. Il faut également obtenir la finalisation de la législation sur le suivi sanitaire permanent. Avec une valorisation financière du rôle du vétérinaire sanitaire, véritable sentinelle de la santé. Et ceci pas uniquement en cas de crise ou d’opérations de prophylaxie… Enfin, il faudrait un financement public des services de la PCS2, au moins égal au coût réel des astreintes de nuit, de dimanche et des jours fériés. Pour donner une reconnaissance légitime et une sécurité financière aux praticiens qui assument ce service indispensable au maillage territorial.

Michel Bouy (A 82)

Praticien fondateur d’une SCOP à Barbières (Drôme)

Créons des SCOP vétérinaires en rurale !

Nous sommes trois associés salariés vétérinaires associés de la SCOP3 Antikor. Ce choix de société fait que lorsqu’il se produit une rupture de travail, il y a dissolution du capital du partant qui se retrouve avec un montant identique à ce qu’il a investi au départ, sans réalisation de plus-value. Je ne compte donc pas sur la SCOP pour financer une partie de ma retraite ! De toute façon, en exercice rural pur, il n’est plus du tout évident de pouvoir revendre sa clientèle. En revanche, à l’inverse, fonder une SCOP peut créer de bonnes conditions pour que nos entreprises vétérinaires rurales soient reprenables par de nouveaux praticiens, puisqu’ils n’ont pas à racheter de capital à un prix faramineux… De plus, le statut spécifique de la SCOP qui impose que les associés salariés vétérinaires soient majoritaires permet de préserver leur indépendance. Même si l’on avait un groupement d’éleveurs comme partenaire extérieur non salarié de la SCOP, leur statut leur interdit d’être associé, ce que je regrette, car cela favoriserait la pérennité de la structure vétérinaire rurale. 

Charles Ange Ginésy

Président du département des Alpes-Maritimes

Les collectivités peuvent aider !

Cela fait plus de cinquante ans que notre département met en œuvre une action spécifique destinée à lutter contre la désertification vétérinaire en zone de montagne. Par exemple, le conventionnement consiste à indemniser des vétérinaires « perdant » parfois une journée de cabinet s’ils vont soigner une vache ou un mouton loin de leur lieu d’exercice. La loi DDADUE de 20204 et ses textes d’application sont venus appuyer juridiquement encore plus nos possibilités d’intervention. Une nouvelle politique départementale a donc été votée en juin 2023, période où nous avions cinq praticiens ruraux conventionnés (à Puget-Théniers, Saint-Martin-de-Vésubie, Menton, Saint-Jeannet et Fontan). Depuis ce vote, deux nouvelles vétérinaires ont été conventionnées et une jeune étudiante a bénéficié de nos aides pour le logement pendant son stage de dernière année. C’est positif, mais nous persévérons dans nos efforts, car il nous manque encore des praticiens ruraux, notamment dans l’ouest des Alpes-Maritimes. 

1. DDETSPP (ex-DDPP) : Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations.

2. PCS : Permanence et continuité des soins.

3. SCOP : Société coopérative de production.

4. DDADUE : Diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (loi du 3 décembre 2020).