L’institut de l’élevage livre son analyse économique de la filière bovins viande - La Semaine Vétérinaire n° 2033 du 03/05/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2033 du 03/05/2024

Économie de l’élevage

ANALYSE MIXTE

Auteur(s) : Ségolène Minster

Décapitalisation des élevages, épizooties, concurrence de l’import... Le bilan 2023 publié en janvier par l’Idele dans son dossier annuel sur l’économie de l’élevage de bovins viande révèle un recul de la production française depuis plusieurs années. Une tendance qui devrait se poursuivre.

En 2023, la baisse de la consommation de viande bovine (- 3,7 %) en France est significative et la production est également en repli. Les exportations de broutard (- 7 %) et la production de veau continuent de diminuer (- 6 %). En 2024, l’Idele prévoit « de la résistance mais pas de rupture des tendances ». Le maintien de la demande et les conséquences de la décapitalisation des élevages devraient conduire à un « probable rebond des importations ».

Les faits marquants en 2023

Les naissances de veaux de mère allaitante ont connu une forte baisse au printemps 2023 (- 10 % par rapport à 2022 en mars). À la suite de cette baisse déjà observée en 2022, un manque de jeunes bovins finis a été constaté en Italie. En Allemagne, les jeunes bovins ont connu une chute des prix suite à la baisse du pouvoir d’achat et de la demande. Les premiers cas de maladie hémorragique épizootique (MHE) détectés dans le Sud-Ouest en septembre 2023 ont conduit, entre autres, à la fermeture du marché de broutards français en Algérie, trois semaines après son ouverture. Aux Pays-Bas, une plateforme de demande de rachat volontaire d’élevage par l’État a été lancée. Cette démarche vise les élevages les plus polluants, afin de réduire les rejets azotés dans l’environnement.

Des développements ont aussi eu lieu dans les échanges intercontinentaux : en mai l’Union européenne et l’Australie ont échangé une offre commerciale, prévoyant notamment l’ouverture progressive du marché européen pour 24 000 tonnes équivalent carcasse (TEC) de viande bovine australienne. L’UE et la Nouvelle-Zélande ont signé définitivement l’accord de libre-échange le 9 juillet, ouvrant droit à un nouveau contingent de viande bovine à droit réduit. L’accord UE-Mercosur n’a pas pu être finalisé en décembre.

Le marché des gros bovins en recul

La décapitalisation des cheptels s’est poursuivie comme les années précédentes et touche presque tous les départements. Ainsi en sept ans, les cheptels laitier et allaitant ont perdu près de 1 million de têtes. La baisse est modérée dans les bassins traditionnels allaitants ; les Landes, la Gironde et le Gers subissent les pertes de cheptels les plus importantes (autour de - 6 %). En bovin laitier, la décapitalisation est marquée dans le Grand Ouest ; seul le Doubs a enregistré une légère hausse des effectifs. À noter que la part de veaux croisés lait-viande augmente, représentant 25 % des naissances issues de mères laitières.

La baisse des exportations de viande bovine est estimée à 12 %. L’Italie reste la première destination européenne pour la viande française malgré un recul de 7 %, devant l’Allemagne et la Grèce.

Le rapport souligne les changements des habitudes de consommation des Français, notamment celle de la viande bovine qui a baissé en 2023. Depuis la période covid, le secteur de la restauration hors domicile est dynamique, et c’est le principal point d’entrée des viandes d’import. Le niveau d’inflation a provoqué pour les ménages une descente en gamme des achats de viande.

Le marché des broutards en recul faute de disponibilités

La baisse des naissances et le maintien de l’engraissement en France ont réduit la disponibilité des broutards exportables (- 7 % par rapport à 2022). Leur exportation a atteint le niveau le plus bas depuis dix ans. L’export vers l’Italie a souffert du manque de disponibilité, de l’inflation et de la concurrence de la viande importée. L’export vers l’Algérie a lui drastiquement baissé en raison de la fermeture du marché après l’émergence des cas de MHE. Les exports vers l’Espagne ont par contre connu une forte hausse (+ 26 % par rapport à 2022). L’Espagne avait été touchée en 2022 par une sécheresse intense, qui a entraîné de nombreuses décapitalisations et la baisse de disponibilité fourragère pour engraisser les animaux.

Chute des abattages de veaux

Comme dans les autres ateliers, le rapport Idele note une baisse de la production française de veaux (- 6,2 %) imputé aux départs à la retraite d’éleveurs, à la difficulté pour les repreneurs d’investir, et au contexte économique de déconsommation lié à l’inflation.

Poursuite de la baisse de production en 2024

La réduction continue du cheptel bovin depuis plusieurs années limite le nombre de bovins disponibles pour la production de viande. Le rapport prévoit une baisse de la production et de l’abattage dans tous les ateliers, sauf pour les taurillons (+ 2 % attendus en 2024) : cela est dû à l’engraissement en France de broutards initialement destinés à l’export. En raison de tendances similaires de baisse de production en Allemagne, en Italie et en Pologne, et de la hausse de production de jeunes bovins, les exportations de viande pourraient augmenter de nouveau légèrement (+ 2 % par rapport à 2023, et - 12 % en 2023 par rapport à 2022). En France, ces tendances générales devraient conduire à un rebond des importations (+ 3 %) pour répondre à la demande du marché.