L’entraînement chez le chien de sport - La Semaine Vétérinaire n° 2035 du 24/05/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2035 du 24/05/2024

Cynophilie

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Gwenaël Outters

CONFÉRENCIER

DOMINIQUE GRANDJEAN, directeur de l’unité de médecine de l’élevage et du sport à l’ENVA

Article rédigé d’après une conférence présentée au congrès de l’Afvac, à Lille, en novembre 2023.

Les principes de base, indissociables, qui président à la performance sont la génétique, la motivation de l’animal, l’entraînement et la nutrition. Ils doivent être soutenus par des mesures de prévention et de traitement de problèmes spécifiques en matière de traumatologie, d’affection liées au stress, de diminution de performance ou de récupération.

La capacité de performance sportive est conditionnée par  la recherche de l’amélioration rythmique de la performance, le respect du principe de surcharge, les facteurs de condition physique et de coordination neuromusculaire (endurance, puissance, vitesse, mobilité), le respect des contraintes psychologiques et comportementales (particularisme, aspect ludique), et la prise en compte de la source d’énergie principale en relation avec l’effort demandé.

La production d’énergie

La source énergétique du muscle est l’adénosine tri phosphate ou ATP qui est resynthétisée par trois voies métaboliques dont l’intensité et la quantité d’énergie produite sont différentes. La voie anaérobie alactique dure quelques secondes mais permet un effort très intense (poussée ponctuelle, saut, attaque courte). La voie anaérobie lactique permet des efforts de quelques minutes d’intensité moindre (sprint de 100 m, course de lévriers, agility, concours en ring). La voie aérobie peut durer des heures chez le chien (pistage, troupeau, chasse, traineau). Contrairement à l’humain qui oxyde prioritairement des glucides, le chien oxyde très majoritairement des matières grasses ; il est capable d’une très grande endurance. Cette voie aérobie nécessite un gros apport d’oxygène et risque de créer un stress oxydatif, avec destruction des membranes cellulaires. Le vétérinaire doit répondre à cette problématique par l’entraînement physique qui augmente la production d’antioxydants intracellulaires (glutathion peroxydase, superoxyde dismutase et catalase) et l’ajout dans la ration d’antioxydants (ex : coenzyme Q10,  acides gras). 

Les effets positifs de l’entraînement

L’entraînement consiste à effectuer une première séance à l’origine d’une fatigue temporaire suivie d’une amélioration grâce à un phénomène de surcompensation ; en l’absence de travail, l’efficacité physique va revenir au niveau initial. L’animal doit donc travailler à son pic de performance physiologique, généralement situé entre 24 et 36 heures. Si les séances sont trop rapprochées ou trop espacées, les performances vont diminuer.

Le surentraînement (souvent le fait d’un propriétaire hyperactif) amène à un syndrome sympathomimétique basedow like ou au contraire parasympathomimétique (addison like) (voir tableau 1).

L’entraînement vise à améliorer les performances métaboliques par l’amélioration du rendement de la transformation de l’énergie, une meilleure réponse au stress oxydatif et une destruction rapide des lactates produits ou une amélioration de la tolérance de l’organisme aux lactates (les meilleurs chiens ont un organisme très tolérant aux lactates et une lactatémie post-effort élevée).

Il vise des objectifs cardiorespiratoires par une augmentation des flux sanguins, un épaississement du cœur, une augmentation de la production des globules rouges et une augmentation des flux respiratoires. Des modifications électrocardiographiques sont visibles en relation avec un épaississement du cœur (syndrome du « cœur d’athlète »).

Au niveau cellulaire, l’entraînement modifie la typologie des fibres musculaires, améliore l’énergétique cellulaire et augmente les teneurs en enzymes protectrices. Les fibres musculaires sont capables d’acquérir des mitochondries et de devenir des fibres lentes : il est possible de faire un sportif d’endurance avec un sprinteur, l’inverse est faux.

Enfin, au niveau musculo-tendineux, l’entraînement augmente les résistances et la déformabilité des tendons, et induit un élargissement des enveloppes musculaires.

Le rendement énergétique

Le rendement énergétique de transformation de l’énergie chimique en énergie mécanique sur un animal non entraîné est de l’ordre de 15 à 16 %. 85 % de l’énergie utilisée par les muscles part en chaleur, alors que le chien est très mal équipé pour thermoréguler :  c’est donc un animal très sensible au coup de chaleur.  L’entraînement va permettre d’augmenter le rendement jusqu’à 25-26 % chez des chiens parfaitement nourris et entraînés.

Le plan de préparation physique

Les éléments à prendre en compte pour la création d’un plan d’entraînement sont l’endurance (le temps de course), la résistance (l’intensité du travail), la force (le travail tracté), la motivation, l’explosivité (les sauts), la proprioception, la vitesse et le respect de la biologie.

La puissance anaérobie est l’intensité du travail développé en l’absence d’oxygène, elle permet de travailler la vitesse et la rapidité d’accès à la vitesse maximale (voir encadré). L’anaérobiose alactique est travaillée sur des périodes très courtes, de 15-20 secondes avec un repos de 2-4 minutes. L’anaérobie lactique se travaille sur des périodes de 30 à 60 secondes pour 3 à 4 minutes de repos. Une récupération active suit l’exercice (voir encadré).

La résistance est travaillée à la nage, sur terrain plat avec des jeux d’aller-retour, sur tapis roulant à pente à vitesse rapide (2 minutes de course – 2 minutes de repos et augmentation progressive de la vitesse et de la pente), ou sur des butes (voir encadré).

L’endurance est travaillée par des longues distances à vitesse modérée à rapide ; l’activité peut être pratiquée à vélo accompagné de son animal (14-16km/h) ou sur tapis roulant. La course dans le lit d’une rivière ou sur des surfaces aléatoires travaille la proprioception.

L’alimentation adaptée à l’effort

Schématiquement, un effort bref nécessite peu de lipides, autant d’extractif non azoté (ENA) que de protéines ; un effort long nécessite beaucoup et en quantité équivalente de lipides et de protéines et peu d’ENA.

L’aliment s’adapte ensuite au stress oxydatif et à l’inflammation : ils sont concurrents mais évoluent de façon concomitante (voir tableau 2). Pour prévenir les inflammations aiguës post-effort, les acides aminés branchés ou AAB (leucine, isoleucine, valine) induisent une diminution de tous les paramètres de l’inflammation et de l’impact lésionnel. Ils se trouvent dans les compléments alimentaires des bodybuilders (dose : 300 mg/chien). À l’heure actuelle, un exemple de barre qui contient de la maltodextrine est le Dentastix (1 barre adaptée au format du chien). Les acides gras à courte chaîne sont rapidement assimilés, sans transporteurs (ex : graisse de coco, coprah, palmiste). La L-carnitine sert à faire tourner l’oxydation lipidique (attention, la D-carnitine est antinomique de la forme L et produit l’effet inverse) (voir tableau 3).

Le suivi de l’entraînement

Pour suivre l’évolution de l’entraînement, il est possible de créer une épreuve standard à réaliser tous les mois : l’amélioration du rendement énergétique peut être mesurée par la prise de température avant et après effort, l’augmentation devra être moindre avec le temps. Le poids et la note d’état corporel sont surveillés et doivent être stables. L’entraînement physique doit être permanent pour tirer profit des effets positifs induits. Il est nécessaire de vérifier que l’échauffement est effectif avant et après l’effort. Après l’effort, des étirements à la croquette sont conseillés, ou des massages (plutôt que des étirements passifs).

Il n’existe pas de plan d’entraînement type, il est adapté à l’objectif du propriétaire ; le vétérinaire est cependant garant de la biologie et de la santé de l’animal.

Exemples de travail de la puissance anaérobie

Travail sur un terrain de foot.

Jeux en aller-retour avec un jouet – 2 minutes de récupération entre chaque trajet.

Augmentation progressive du nombre de répétitions pour atteindre 5 répétitions de 10 exercices et 5 minutes de repos actif entre chaque répétition.

Récupération active – passive

La récupération active consiste à faire marcher le chien après l’effort pour faire oxyder les lactates par l’organisme.

En récupération passive, le chien est laissé inactif en hyperlactatémie : elle améliore la résistance aux lactates.

Exemples de travail de la résistance

Jeu en aller-retour avec des jouets.

15 secondes de récupération passive entre chaque trajet.

Augmenter progressivement le nombre de répétitions, atteindre 5 répétitions de 10 exercices. 2 minutes de repos passif entre chaque répétition.