Le rôle des vétérinaires dans la retraite des animaux de laboratoire - La Semaine Vétérinaire n° 2035 du 24/05/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2035 du 24/05/2024

Association

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : Par Brigitte Leblanc

Le groupement de réflexion et d’action pour l’animal est une association qui réhabilite les animaux issus des laboratoires. Des vétérinaires y œuvrent pour que la retraite de ces animaux se passe pour le mieux. Illustration avec l’inauguration d’une structure dédiée à des macaques en Bretagne.

Le 24 avril a eu lieu la journée mondiale des animaux de laboratoire. Cette année, en ce même jour symbolique, les Terres de Nataé1, un refuge animalier situé à Pont-Scorff (Morbihan), a inauguré une immense volière spécialement construite et dédiée à des macaques crabiers provenant de laboratoire et réhabilités par l’association le Groupement de réflexion et d’action pour l’animal(GRAAL). À chaque étape du processus de réhabilitation, la profession vétérinaire se trouve avoir un rôle à jouer.

Une collaboration fructueuse

Depuis 2005, le GRAAL travaille à la retraite des animaux de laboratoire afin de leur éviter l’euthanasie. Ainsi, plus de 7 500 animaux de toute sorte, chevaux, rats, lapins, cochons, souris… et primates se sont vu offrir une seconde vie. Cette retraite se fait à l’initiative du laboratoire, qui participe également à son financement, et le GRAAL est le garant de son anonymat vis-à-vis de la future structure d’accueil des animaux (refuges, SPA, parcs animaliers,etc.), étant dépositaire du dossier complet de ces animaux. L’expérimentation animale utilise encore des primates et, pour ces derniers, la réhabilitation est particulièrement complexe, peu de structures étant susceptibles de leur offrir un lieu de vie adéquat. En 2022, un tel partenariat a vu le jour entre le GRAAL et les Terres de Nataé, permettant à ce jour la réhabilitation de 9 macaques crabiers, une espèce classée en danger sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), et un macaque rhésus. Une vaste volière de 400 m² est devenue leur nouvelle maison, financée en partie par le GRAAL. Ce parc, situé près de Lorient, n’est pourtant à l’origine pas un refuge : son but premier est la préservation des espèces en danger, dans le cadre des programmes européens de conservation ex-situ, dédiés exclusivement au maintien des espèces menacées et à leur réintroduction lorsqu’elle s’avère réalisable, une fois leur milieu de vie naturel restauré et sécurisé. Néanmoins, l’accueil de ces macaques a été voulue en hommage à tout ce que ces animaux ont apporté aux hommes. Une démarche qui a touché Sébastien Musset, le directeur du parc, et toute son équipe.

Vétérinaires du parc, les particularités de la réhabilitation

Deux consœurs prennent soin des animaux de 140 espèces différentes : Johanne Ferri-Pisani (N 19), également directrice adjointe et responsable du bien-être animal, et Mathilde Bermond (N 21). Préserver les espèces en danger, n’assurer leur reproduction que dans le cadre de leur préservation ou de leur réintroduction, s’assurer de garder leur diversité génétique, tout cela constitue leur quotidien, en accord avec les programmes européens pour les espèces menacées (ou EEP)3. Ce travail sur site se double d’une collaboration avec 7 associations partenaires dans le monde, déjà engagées par un soutien financier, collaboration qui sera complétée prochainement par l’envoi d’équipes sur le terrain. L’accueil des macaques crabiers réhabilités ne correspond donc pas à l’orientation initiale du parc, ces animaux étant trop « imprégnés » par l’homme et stérilisés. Toutefois, leur histoire a amené à ce partenariat. S’occuper des primates réhabilités constitue une approche un peu différente : chacun a sa personnalité, son vécu, et un lien tout particulier avec l’homme. Le travail et les soins sont facilités par cette habituation à l’homme et, pour le moment, aucune phobie ou obsession ne se sont manifestées chez les  macaques malgré les procédures suivies dans les laboratoires. Le volet sanitaire préalable à la mise en retraite est quant à lui géré par les équipes du GRAAL qui font en sorte que toutes les demandes du parc et des directions départementales de la protection des populations (DDPP) soient satisfaites (dépistages, vaccins, stérilisation…) à la sortie du laboratoire, qui s’accompagne d’un certificat vétérinaire de bonne santé. Le travail de Johanne et Mathilde sera donc principalement d’assurer un suivi psychologique de l’animal et de son comportement : il faudra veiller à sa bonne intégration, à son équilibre au sein de son nouvel environnement et de son nouveau groupe, et en cela les informations relayées par l’association en provenance du laboratoire où il a vécu sont primordiales. Pour exemple, la réhabilitation d’un des macaques, dont le lien était fort avec l’humain, mais qui montrait des signes dépressifs constants a été délicate. Nos consœurs ont tâtonné à son arrivée, sa mise en relation avec une autre macaque réhabilitée n’ayant pas donné d’amélioration notable. Finalement, c’est son intégration au groupe masculin qui a levé sa dépression et permis son épanouissement.

Toutes deux, enthousiastes et impliquées, assurent aussi un travail d’information, tant pour les espèces menacées que pour celles réhabilitées, dédiabolisant par exemple les laboratoires auprès du grand public. Elles tiennent également à ce que celui-ci reconnaisse le rôle de leur parc, qui n’est pas un zoo dans l’ancienne acception du terme, car il ne s’agit pas là de la présentation d’animaux sauvages pour le divertissement. L’établissement est destiné à agir pour la conservation, la recherche, et l’éducation afin d’informer sur l’impact négatif que l’homme peut avoir sur les animaux et leur environnement, et sur la nécessaire action de préservation de ces espèces et de leur habitat, enjeux qui nécessitent d’être soutenus financièrement et par la contribution de bénévoles.

Le « pôle vétérinaire » du GRAAL

La réhabilitation est un processus précis et complexe, mais maîtrisé par le GRAAL tant au niveau législatif que sanitaire. La profession vétérinaire, déjà impliquée dans le respect des 3R4 dans sa participation aux C2EAet aux SBEA6 l’est également dans la réalisation de ce quatrième R, pour Retraite ou Réhabilitation, qui commence à devenir une réalité. Des vétérinaires bénévoles fonctionnent de concert avec les pôles juridique, administratif et de réhabilitation, eu égard au code de déontologie. De profils différents, ces vétérinaires se complètent quant à leurs connaissances des espèces réhabilitées et répondent aux questions diverses selon leur disponibilité et leurs spécialités. Ils interviennent ainsi dans la mise en place du dossier administratif de réhabilitation de l’animal : rapports avec les DDPP et le centre de gestion du fichier national d’identification des carnivores domestiques (ICAD), normes de transport, conseils sur les dépistages obligatoires… Leur rôle est également de donner des conseils quant aux impératifs que devront présenter les structures d’accueil : surfaces, enrichissements, protection contre les dégâts ou les fugues, mais aussi sur la sociabilisation des différents animaux (un impératif à respecter par le laboratoire qui initie ce travail avant la retraite de l’animal). L’équipe s’est enrichie dernièrement de l’arrivée d’une éthologue. Une fois l’animal arrivé dans sa structure d’accueil, voire adopté via une association de protection animale, le contact reste effectif. Des conseils peuvent être donnés dans des situations particulières, le dossier médical restant disponible dans le cas où une pathologie pourrait faire suspecter un rapport avec une procédure expérimentale subie par l’animal. Enfin, l’équipe vétérinaire participe à l’écriture des guides de réhabilitation disponibles sur le site du GRAAL.

Concernant les primates arrivés à Terres de Nataé, le lien entre l’équipe du GRAAL et celle du parc animalier est constant à tous les niveaux, notamment vétérinaire, et ce pour œuvrer de concert à offrir une seconde vie idéale à ces magnifiques macaques.

  • 3. Programme européen pour les espèces menacées
  • 4. Remplacement, Réduction et Raffinement
  • 5. Comités d’éthique en expérimentation animale
  • 6. Structures chargées du bien-être des animaux