Jurisprudence
ENTREPRISE
Auteur(s) : Céline Peccavy
Un cas de litige montre que lorsque la demande est mal fondée, et ce en dépit de nombreux arguments, celle-ci n'aura pas gain de cause devant un tribunal.
Les faits
Si on emprunte un certain raccourci, on peut aborder les faits sous un premier angle. Sous cet angle, il apparaît que la société V ayant pour activité principale l’« élevage et accessoirement le commerce d’animaux domestiques » a cédé le 7 janvier 2023 à Mme A un chiot de race Labrador âgé d’un peu plus de 2 mois pour un prix de 1 320 euros. Le certificat vétérinaire établi après examen de l’animal deux jours auparavant porte la mention « RAS » pour toutes les cases. Le chiot va pourtant décéder le 14 janvier 2023 malgré les soins prodigués. Dans cette version simplifiée, la rapidité prime incontestablement et le coupable semble tout trouvé. L’abord des faits sous un second angle, celui-là scientifique, amène cependant à revoir ses préjugés. À se pencher effectivement sur les éléments vétérinaires, on découvre que le 14 janvier 2023, le chiot est décédé en hospitalisation d’un arrêt respiratoire sur dyspnée très marquée et hyperthermie à 40 °C. La veille, le vétérinaire avait conclu à une suspicion de bronchopneumonie par fausse déglutition sur un chiot infecté par la giardiose et par le coronavirus.
Une procédure judiciaire malgré tout
Bien que la cause du décès soit accidentelle, Mme A va chercher judiciairement à obtenir une indemnisation en lançant avec son conjoint une procédure dès le mois de mai 2023. Les demandes sont conséquentes à titre principal : remboursement intégral du prix de vente, remboursement des frais vétérinaires pour 691,90 euros, paiement de la somme de 4 000 euros au titre de leur préjudice moral. À titre subsidiaire, la mise en place d’une expertise judiciaire est sollicitée.
Une évolution de l’argumentation en demande
Dans l’acte introductif d’instance, les demandeurs avaient tout misé sur la garantie de conformité du Code de la consommation et sur son article L 217-7 qui dispose que tous les défauts qui apparaissent dans un délai de 24 mois à compter de la délivrance sont, sauf preuve contraire, présumés exister au moment de la vente. À l’évidence, ils n’avaient pas connaissance du fait que cette garantie ne s’appliquait plus aux animaux depuis le 1er janvier 2022 et que, même du temps où elle était encore applicable, la présomption n’existait plus pour les ventes ou échanges d’animaux domestiques. Informés désormais de cette évolution législative notable par les conclusions du vendeur, les acheteurs auraient pu se désister de leur action. Il n’en a rien été. La procédure s’est poursuivie au visa de la délivrance non conforme et notamment de l’étrange choix de l’article 1616 du Code civil qui dispose : « Le vendeur est tenu de délivrer la contenance telle qu’elle est portée au contrat, sous les modifications ci-après exprimées. » À cela, il faut ajouter une affirmation étonnante des requérants selon laquelle « Si le défaut, apparaît dans les six mois suivant la vente du chiot, celui-ci est présumé être antérieur à la cession et il appartient à l’éleveur de faire la preuve que ce défaut n’existait pas le jour de la vente ». Enfin, l’accent est mis sur les deux virus : sans eux, le chien ne serait jamais décédé.
Un tri nécessaire
Le tribunal, face à cette multitude d’arguments, a dû remettre de l’ordre et rappeler dans un premier temps un principe essentiel du droit selon lequel « les dispositions spéciales dérogent aux dispositions générales en droit des contrats ». Les premières priment donc sur les secondes. Dans un second temps, et par application de cette règle, le Code rural a pris le dessus sur les dispositions générales du Code civil jugées de ce fait inapplicables au présent litige. Dans la liste des vices rédhibitoires, le magistrat n’a pas trouvé les affections mentionnées au dossier. Il a également relevé que l’action n’avait pas été engagée dans le délai de 30 jours prescrit par le Code rural. Conclusion de tout ceci : « les demandes mal fondées ne pourront qu’être rejetées. » Un nouvel échec donc pour la délivrance non conforme tentée comme remplaçant du défaut de conformité.