Borréliose de Lyme : regards croisés  - La Semaine Vétérinaire n° 2036 du 31/05/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2036 du 31/05/2024

Parasitologie

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Mylène Panizo

CONFÉRENCIERS

ELISABETH ROBIN (A 12), diplômée de l’European College of Veterinary Internal Medecine (ECVIM), spécialiste en médecine interne des animaux de compagnie au centre hospitalier vétérinaire Frégis, à Gentilly (Val-de-Marne).

ANTOINE GRILLON, maître de conférences et praticien hospitalier au centre hospitalier universitaire de Strasbourg (Bas-Rhin).

Article rédigé d’après la webconférence intitulée « Maladie de Lyme : regards croisés médecines humaine et vétérinaire », organisée par le CHV Frégis, en partenariat avec le laboratoire Zoetis, le 26 mars 2024.

La borréliose de Lyme est une maladie due à l’infection d’une bactérie, Borrelia burgdorferi, au sens large, transmise par des tiques dures du genre Ixodes. Cette affection a connu récemment une médiatisation importante en médecine humaine. Quels sont les points communs et les différences dans l’expression et le diagnostic de la maladie de Lyme chez les chiens et chez les humains ? Telle était la question centrale abordée lors d’un webinaire coanimé par Elisabeth Robin et Antoine Grillon, bactériologiste médical.

Caractéristiques épidémiologiques

Représentative du concept « One Health », la borréliose de Lyme touche aussi bien les êtres humains que les chiens (ainsi que les ruminants et les chevaux), par l’exposition au même vecteur, Ixodes ricinus. Cette tique est présente partout en France, tant en milieu rural qu’en milieu urbain (en particulier dans les environnements humides tels que les forêts, les parcs et les sols sablonneux). Un pic d’activité de cette tique est observé au printemps et à l’automne. Sa détection peut être difficile, car le parasite est relativement petit au stade nymphal (1,5 mm) contre 11 mm après un repas sanguin.

Il faut que la tique soit fixée sur son hôte au minimum 24 à 48 heures pour que l’on puisse observer la transmission de l’agent pathogène : la bactérie spirochète Borrelia burgdorferi sl. Chez l’humain, une vingtaine d’espèces appartiennent au groupe « Lyme », mais seulement une dizaine peuvent entraîner la maladie. La majorité des infections humaines en Europe sont dues à B. afzelii, B. garinii, et B. burgdorferi ss. Chez le chien, il s’agit de B.burgdorferi sl.

En médecine humaine, il existe des programmes de sensibilisation aux maladies transmises par les tiques. Les citoyens sont encouragés à participer à la recherche, notamment en collectant des tiques dans l’environnement, qui seront analysées par des scientifiques1. Un réseau sentinelle, composé de plus de 1 200 généralistes et 128 pédiatres répartis sur l’ensemble du territoire, a également été créé. Ces professionnels rapportent les cas d’érythème migrant constaté chez leurs patients, et des photographies sont envoyées à un comité d’experts (pour vérification). « Grâce à ce réseau sentinelle, nous possédons des données importantes ; l’incidence annuelle est en moyenne de 30 à 90 pour 100 000 habitants, le nombre de cas est relativement stable depuis une dizaine d’années. Certaines régions sont plus touchées, telles que l’Alsace et l’Auvergne », précise Antoine Grillon.

En médecine vétérinaire, il n’existe encore que peu de données de terrain concernant l’épidémiologie de la bactérie.

Symptomatologie

Chez les chiens comme chez les humains, après piqûre d’une tique, le pourcentage de transmission bactérienne est faible. Antoine Grillon rappelle que « dans les zones les plus endémiques, seulement 10 à 20 % des tiques Ixodes ricinus sont infectées par Borrelia ». De plus, dans 90 % des cas d’infection chez  l’humain (95 % chez le chien), le système immunitaire est efficace, ou le repas sanguin de la tique n’est pas complet, entraînant une infection asymptomatique ou avortée.

Les chiens symptomatiques présentent principalement un syndrome fébrile, une mono ou polyarthrite et/ou une atteinte rénale (glomérulonéphrite). Il n’y a pas de description d’érythème migrant dans l’espèce canine, à la différence de l’être humain.

En médecine humaine, la maladie est classée en différents stades dès lors qu’elle est symptomatique (10 % des cas d’infection) :

- la phase précoce localisée : un érythème migrant est observé dans plus de 90 % des cas. Il survient entre 3 et 30 jours après la piqûre ;

- en l’absence de traitement, et dans 10 % des cas seulement, la maladie progresse vers la phase précoce disséminée. Cette phase est caractérisée par des atteintes variables : forme neurologique (neuroborréliose), articulaire (arthrite), cutanée (lymphocytome) et dans de très rares cas, des formes cardiaques ou oculaires ;

- toujours en l’absence de traitement, une phase tardive peut se développer avec des atteintes neurologiques (neuroborréliose tardive), articulaires ou cutanées (acrodermatite chronique atrophiante), des mois voire des années après la piqûre.

Diagnostic 

Chez le chien comme chez l’humain, le diagnostic de la borréliose de Lyme est clinico-biologique. Il ne faut en aucun cas se baser uniquement sur une sérologie, car celle-ci ne démontre qu’un contact avec la bactérie, sans pronostic clinique.

L’identification directe de la bactérie par culture, cytologie, examen anatomopathologique ou par PCR n’est pas conseillée. En effet, les Borrelia sont peu présentes dans les fluides organiques, leur culture est difficile et lente, et les sensibilités et spécificités de ces méthodes sont très variables, tant en médecine humaine que vétérinaire.

En médecine humaine, la stratégie diagnostique se réalise en deux temps :

- en première intention, un test sérologique ELISA est effectué car c’est un test sensible, qui recherche les anticorps dirigés contre Borrelia ;

- si le test est positif ou douteux, la réalisation d’un test de confirmation est indispensable, en effectuant un Western Blot. Ce test détecte les anticorps de manière plus spécifique que le test ELISA.

Les immunoglobulines M apparaissent entre 3 et 6 semaines après l’infection et les immunoglobulines G entre 4 et 9 semaines post-infection. Il ne faut donc pas réaliser de sérologie au cours du mois suivant la piqûre de tique, car la séroconversion n’aura pas encore eu lieu.

La sérologie peut rester positive des mois, voire des années, après l’infection. On ne peut donc pas faire de suivi de traitement avec cette méthode.

En médecine vétérinaire, le diagnostic doit associer des signes cliniques compatibles, la présence d’un agent vectoriel dans l’environnement, un test sérologique positif et l’exclusion d’autres maladies.

Le consensus de l’Acvim2 déconseille la réalisation des tests ELISA, IFA (immunofluorescence indirecte) et Western Blot, car ils ne permettent pas de différencier une exposition d’une infection véritable et/ou sont peu disponibles.

Un test rapide, non quantitatif, à réaliser au chevet du patient, peut orienter le praticien car il s’agit d’un test sensible (entre 96,7 et 100% selon les tests disponibles). Les spécificités rapportées sont de 98,8 et 100% pour les tests SNAP 4dx Idexx ou le Vetscan Flex4 Zoetis. Ces tests exploitent l’expression d’une protéine de surface présente sur la bactérie après infection et participant à l’échappement au système immunitaire (peptide C6 de la protéine VISe, Variable major protein-like sequence expressed), et parfois l’expression d’autres protéines structurelles (flagelline). Ces tests peuvent être positifs de manière précoce, avant l’apparition de signes cliniques, et le rester très longtemps : pour l’un d’entre-eux, une positivité dès 3 à 5 semaines post-infection, et jusqu’à 69 semaines a été montrée. Il faut cependant garder toujours en tête qu’un résultat positif ne prouve pas la pathogénie de l’agent.

Traitement et prévention

Le consensus de l’ACVIM recommande, pour le traitement de la borréliose de Lyme chez le chien, l’administration de doxycycline à 10 mg/kg, une fois par jour, pendant un mois. L’utilisation de macrolide ou de céphalosporine est également possible dans des cas spécifiques.

Une prise en charge adaptée est ensuite nécessaire selon le type de symptôme, en particulier en cas de glomérulopathie (traitement de soutien, immunomodulateur, alimentation rénale, médicament anti-protéinurique, etc.). Il n’existe pas de consensus sur la prise en charge d’un animal asymptomatique.

En médecine humaine, la prise en charge dépend du stade de la maladie et des symptômes, mais la pierre angulaire du traitement reste, comme chez les chiens, l’antibiothérapie.

En prévention, il est conseillé de traiter son chien avec un antiparasitaire externe efficace contre les tiques, ainsi que de l’épouiller et de le brosser après chaque sortie dans une zone à risque. Les humains doivent également s’inspecter au retour de la balade. Si une tique est observée, il faut immédiatement l’enlever entièrement (s’assurer que la tête a bien été retirée).

Un vaccin existe pour les chiens, à la différence de la médecine humaine, et constitue une aide supplémentaire pour diminuer le risque de maladie clinique. Son utilisation est à discuter lors de l’établissement du protocole vaccinal du chien, notamment en cas de forte prévalence dans l’environnement proche. Néanmoins, la vaccination ne devra pas se substituer à la prévention contre l’agent vecteur par l’administration d’un antiparasitaire3.

Le chat peut-il contracter la maladie de Lyme ?

Des séroconversions sont observées naturellement et après une infection par Borrelia, mais la pathologie n’a pas été prouvée en laboratoire. Dans la majorité des cas, l’infection est asymptomatique. Les cas cliniques décrits sont extrêmement rares. Les chats atteints présentaient principalement des arythmies et une boiterie. Les tests de diagnostic rapides utilisés chez les chiens en clinique ne sont pas fiables chez le chat.

  • Sources