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ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Anne-Claire Gagnon
Le ministère de l’Agriculture a présenté son plan national qui vise l’amélioration du bien-être animal. Pour le mener à bien, un comité associant quatre ministères est mis en place afin de déterminer les mesures prioritaires à mettre en œuvre et leur calendrier.
Le gouvernement poursuit son action dans la lutte contre la maltraitance animale faisant suite à la loi du 30 novembre 2021. Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, a présenté le 22 mai dernier son plan national pour améliorer le bien-être des animaux de compagnie, qui s’appuie sur une coordination interministérielle ainsi que sur la participation de chacun, dans sa relation avec les animaux. Il vise à prévenir les abandons, à améliorer la gestion de l’errance canine et féline et à lutter contre la maltraitance. Pour ce faire, cinq axes ont été annoncés : comprendre la situation et identifier les leviers d’action ; informer, interroger et former ; faciliter les synergies entre les acteurs impliqués dans la protection animale ; rendre la réglementation plus protectrice ; renouveler les mécanismes de financement. Sur ce dernier point, l’État, « qui ne peut pas tout faire seul », selon les termes d’Hadrien Jaquet (L 15), conseiller au ministère de l’Agriculture, qui a dévoilé en avant-première ce plan à la presse, souhaite en effet que les initiatives viennent de la société civile, des associations, etc. De son côté, le gouvernement s’engagerait à les soutenir financièrement, comme il a pu le faire lors des assises de l’animal en ville organisé par 1Health (société dont fait partie La Semaine Vétérinaire)1. Quant aux autres axes abordés, la plupart repose sur l’annonce préalable de créations de missions.
De multiples acteurs pour la gouvernance
Le plan vise à coordonner autour d’une feuille de route partagée tous les acteurs publics ainsi que ceux de la société civile, avec le souhait de fédérer les parties prenantes que sont les associations de protection animale et les organisations vétérinaires2. Pour ce faire, une gouvernance interministérielle est mise en place, avec un comité de suivi national, présidé par le ministère de l’Agriculture (MASA) et associant les ministères de l’Intérieur et des Outre-mer (MIOM), de la Justice (MJ), de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires (MTECT), avec les acteurs de la société civile et des professionnels du secteur. Ce comité aura pour mission de fédérer les parties prenantes autour du bien-être des animaux de compagnie afin de suivre le déploiement du plan d’action national, de déterminer les mesures prioritaires à mettre en œuvre et leur calendrier, et d’analyser les remontées émanant des comités de pilotage départementaux mis en place depuis 2023 sous l’autorité du préfet.
Éduquer au respect de l’animal
Même si le ministère de l’Éducation nationale n’est pas associé pour l’instant au comité de suivi national, le MASA a prévu de collaborer avec lui pour renforcer la mise en œuvre de l’article L312-15 en vigueur depuis le 4 mars 2022, selon lequel « l’enseignement moral et civique sensibilise également, à l’école primaire, au collège et au lycée, les élèves au respect des animaux de compagnie. Il présente les animaux de compagnie comme sensibles et contribue à prévenir tout acte de maltraitance animale ».
Améliorer l’application de la loi et les formations
Une évaluation de l’impact de la loi sur la maltraitance animale du 30 novembre 2021 va être confiée au Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER) et à l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGED). Clairement, le « parcours d’acquisition responsable » prévu doit être mieux formalisé et mis en place pour améliorer le respect au quotidien des animaux de compagnie, notamment dans le cadre des achats en ligne. Le contrôle des organismes délivrant l’attestation de connaissances pour les animaux de compagnie d’espèce domestique (Acaced), permettant de travailler avec l’animal, est prévu. Cette attestation est par ailleurs identifiée comme insuffisante pour exercer comme éducateur. Une professionnalisation de ce métier est souhaitée, notamment par la promotion du brevet professionnel reconnu officiellement et qui met en avant des pratiques basées sur l’éducation positive, voire par la mise en place d’une labellisation.
Pour aborder la maltraitance, le MASA prévoit une formation désormais interministérielle de tous les agents concernés (actuellement faite par l’OCLAESP pour les agents du MIOM, sachant que tous les agents des DDPP ont déjà cette compétence dans leurs attributions et missions).
La plateforme « Ma sécurité », rattachée au MIOM, est reconnue par le MASA comme l’outil privilégié de signalement des maltraitances, tout en conservant les autres voies (APA, vétérinaires, avec notamment l’ouverture par le Conseil national de la protection animale (CNPA) de la ligne téléphonique « Maltraitance animale » attendue pour la mi-juin.
Comprendre les abandons et leur ampleur
Préalablement à l’élaboration du plan, l’identification des leviers d’action est nécessaire en s’appuyant sur l’expertise du Centre national de référence pour le bien-être animal et l’Observatoire de la protection des carnivores domestiques qui instruit une saisine en ce moment sur les malinois et les molossoïdes pour comprendre les raisons de leur abandon et des saisies pour maltraitance, ainsi qu’en créant une plateforme unique des données relatives à la maltraitance, l’abandon et l’errance des animaux de compagnie. Cette dernière était attendue depuis 2017, puisque jusqu’en 2016, ces données ainsi que celles sur le devenir des animaux de compagnie en sortie de fourrière étaient connues (opération protection animale vacances ou OPAV) et avaient montré combien les chats souffraient du passage en fourrière (euthanasies sanitaires) et ne retrouvaient que très rarement leurs propriétaires, contrairement aux chiens.
Financer la stérilisation des chats errants
Sur la question des chats errants, pour laquelle trois rapports ont déjà été établis, aucune stérilisation obligatoire n’est prévue ni aucun âge de stérilisation n’est préconisé pour l’instant. Un rapport du gouvernement sur l’errance féline est attendu prochainement. Le plan renouvelle les mécanismes de financement des campagnes de stérilisation (416 depuis 2020), avec une aide aux collectivités territoriales (les premières sollicitées avec les APA et la médecine solidaire vétérinaire sur cette question). Il prévoit également de créer un fonds en faveur de la protection animale intitulé France protection animale, alimenté par des dons émanant d’entreprises, qui aura vocation à financer en particulier, l’hébergement des animaux retirés et placés, la stérilisation des carnivores domestiques pour en limiter la prolifération, et la médecine vétérinaire solidaire.
L’association Solidarité peuple animal, forte de plus de 450 associations de protection animale, a déjà réagi : « Si le plan carnivores domestiques doit être salué comme une réelle prise de conscience de la détresse des animaux de compagnie dans notre pays, il manque encore l’essentiel : l’accompagnement financier pour les petites associations qui accueillent des dizaines de milliers d’animaux, avec des dépenses sans commune mesure avec celles, par exemple, de la SPA. »
Les propositions de la France pour la réglementation européenne
Dans le cadre du projet de texte européen, présenté le 7 décembre 2023, relatif au bien-être et à la traçabilité des chiens et des chats mis sur le marché européen, pour lutter notamment contre les trafics, la France porte des mesures en faveur du bien-être des animaux de compagnie telles que :
• l’interdiction de la caudectomie ;
• l’interdiction de l’usage des colliers électriques ;
• l’interdiction de l’usage prolongé de la muselière dans les lieux mêmes de détention des animaux ;
• l’interdiction du tatouage pour l’identification. En effet, la lutte contre l’abandon et les trafics suppose de renforcer et d’harmoniser la pratique de la puce électronique à l’échelle européenne.