Mieux se soigner en étant vétérinaire ? - La Semaine Vétérinaire n° 2036 du 31/05/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2036 du 31/05/2024

EXPRESSION

Auteur(s) : Propos recueillis par Chantal Béraud

Les vétérinaires et leurs assistants manquent parfois de temps pour se soigner. Ils ont du mal à s’organiser pour se déplacer et consulter. Les praticiennes seraient les plus concernées. Alors, comment mieux se prémunir ?

Annick Jacquement (Liège 86)

Praticienne retraitée, actuelle sénatrice du Doubs

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Apprendre à se préserver

Étant coautrice d’un rapport sur la santé des femmes au travail1, il apparaît qu’elles ont parfois des problèmes différents des hommes. Mais tant au niveau de la sécurité sociale que de la direction du travail, les données spécifiques qui les concernent ne sont malheureusement pas encore exploitées. On sait par exemple que les femmes ont plus de troubles musculosquelettiques, qu’elles ont des cancers du sein, surtout si elles travaillent de nuit, etc. Et les vétérinaires ont un métier physique particulièrement exposé ! Nous sommes déjà sensibilisés à manipuler avec précaution les instruments tranchants, mais dans ma génération en tout cas, rien ne nous était enseigné en matière de prévention. Par exemple, c’est mon fils qui m’a un jour fait remarquer que, pour préserver mon dos, je n’adoptais pas la meilleure posture quand je soulevais des charges lourdes (gros chien…). Et j’étais revenue couverte de bleus de ma première campagne de prophylaxie ! Certaines choses devraient donc être enseignées à tous dès la primaire, et les écoles vétérinaires ont aussi un rôle spécifique à jouer.

Annick Valentin-Smith (A 78)

Consultante et présidente de Vet IN Tech

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Libérer la parole et mieux informer

Cette année, je travaille sur le sujet de la santé au travail des praticiens et des assistantes spécialisées vétérinaires. En m’intéressant en particulier aux femmes. C’est un métier où l’on souffre souvent en silence, à serrer les dents en attendant que ça passe… Notamment parce qu’en agissant ainsi, on préserve l’équilibre de la structure, on reste au service des clients. Et on passe pour être une femme (ou un homme) fort(e) ! C’est pour cette raison qu'une enquête Vigie Véto2, qui sera dévoilée en mai, a été réalisée auprès de 2 000 vétérinaires et ASV sur les problèmes les plus fréquents et leurs répercussions les plus importantes sur la qualité de vie au travail. Puis, dans un second temps, des informations et des mesures de prévention adaptées aux contraintes des structures vétérinaires seront proposées. Ceci pour améliorer les conditions de travail, en libérant la parole et en informant mieux praticiens et praticiennes. Sans évidemment prétendre remplacer une consultation médicale indispensable. 

William Addey (A 03)

Praticien mixte à Buchy (Seine-Maritime)

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Une chose à la fois

Le modèle d’exercice dominant est encore trop « viril » pour moi. Car pour répondre au manque de vétérinaires et aux nouvelles capacités techniques, ce modèle nous pousse à travailler trop et à consacrer toujours plus de ressources à suivre des « gold standards » plutôt que des soins primaires contextualisés. Nous sommes peu préparés à l’engagement émotionnel qu’il nécessite. Et c’est encore pire pour les praticiennes qui subissent en plus une « child penalty » (pénalisées en raison de la maternité, NDLR). C’est pourquoi j’exerce dorénavant à mi-temps, ce qui me permet, grâce à une meilleure hygiène de vie, de gérer avec plus d’aisance les hauts et les bas de chaque journée/nuit ! Pour éviter les erreurs, je préfère autant que possible me focaliser sur une tâche à la fois en instaurant, si nécessaire, une bulle de calme quand j’ai besoin de lien ou de concentration. Quand vient une émotion forte, j’essaie de m’arrêter pour prendre un temps pour respirer et mieux écouter. Conscient que le manque de sommeil diminue mes compétences psychosociales et mon analyse des situations, sieste et balade sont devenues prioritaires chaque jour !