Le cheval, c’est l’avenir ! - La Semaine Vétérinaire n° 2037 du 07/06/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2037 du 07/06/2024

Journées internationales de l’IFCE

EXPRESSION

Auteur(s) : Par Marine Neveux

À quelques semaines des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, deux journées de rencontres internationales ont été organisées les 14 et 15 mai 2024 à Versailles pour mettre en exergue la filière équine. Un succès, comme en témoigne la présence de 88 pays avec des intervenants de qualité.

Ces journées ont été organisées par l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE), Business France, l’association Filière cheval et le pôle Hippolia à Versailles, où se dérouleront les épreuves d’équitation. La filière équine française est riche de sa diversité et de son haut niveau d’excellence dans bien des domaines comme l’ont montré les intervenants. Un espace d’exposition a aussi été structuré autour de trois univers : institutionnel, entreprise et networking.

Pourquoi cet événement ? « La filière équine est coordonnée par l’IFCE et maintenant l’association Filière Cheval. Il manquait une réunion internationale et l’on poussait le projet depuis plusieurs années. Les Jeux olympiques et paralympiques ont été un catalyseur, en particulier grâce au partenariat avec Business France, qui nous avait fait part du sommet Choose France à Versailles en mai 2024. Nous avons alors décidé de nous inscrire dans la continuité de ce sommet », explique Jean-Roch Gaillet (Liège 85), le directeur général de l’IFCE. Cette opération est une première.

« Le cheval, c’est l’avenir »

Florence Mellor, la présidente de l’Office de tourisme de Versailles, note l’histoire à la fois très ancienne et incroyablement moderne de la ville avec l’accueil des épreuves équestres des JOP. « La tradition du cheval remontre à Louis XIV qui a transformé Versailles en un centre équestre prestigieux. »

Comme le rappelle Jean-Roch Gaillet, l’IFCE intervient au niveau local, régional, national, européen et international. L’institution a développé des partenariats et des collaborations dans diverses missions : traçabilité sanitaire, identification des chevaux, recherche, performance sportive, formation, équitation de tradition française, etc. Et de citer l’écrivain Jean-Louis Gouraud : « Le cheval : c’est l’avenir. »

Faire rayonner la filière

Olivier de Seyssel, le président de Filière Cheval, motive le choix effectué de l’unité pour faire rayonner le plus largement la filière d’excellence française. Cette dernière compte plus de 1,1 million d’équidés et 30 000 éleveurs, elle assure plus de 60 000 emplois directs. L’équitation est le troisième sport pratiqué en France. « Notre filière se distingue par une extraordinaire diversité. Nous devons donc investir davantage pour garantir sa pérennité et son développement. » Une orientation poursuivie par Philippe Emmanuel, député et président du groupe cheval à l’Assemblée nationale. « Nous formons un groupe de parlementaires dont la mission est d’être à l’écoute de la filière et de participer étroitement à son développement. »

Le sport à l’honneur

« L’investissement de l’IFCE est déterminant dans la préparation des JOP », poursuit Fabienne Bourdais, la directrice des sports et déléguée ministérielle à la lutte contre les violences dans le sport. L’IFCE est un établissement public sous la double tutelle du ministère de l’Agriculture et du ministère des Sports, « c’est aussi une expertise qui permet la mise à disposition de ses forces vives, des expertises techniques, dont les vétérinaires, et une logistique ». « Comment les Jeux peuvent-ils encourager davantage de nos concitoyens à pratiquer le sport ? », interroge la directrice. Elle souligne le rôle de la formation dans les activités équestres et l’évolution des métiers comme vecteurs d’emploi et de développement sur les territoires. « Pour un sport vertueux et soucieux du bien-être animal, tant par les réglements que par l’aménagement des lieux. Le Cadre noir fêtera ses 200 ans l’année prochaine. Nous célébrons ainsi l’alliance de la tradition et de la culture avec le développement. »

Une dynamique économique

La première table ronde portait sur le fonctionnement économique, les acteurs et les flux financiers. Frédéric Bouix, le secrétaire général de la Fédération française d’équitation (FFE) met en avant le modèle partagé unique en France de l’équidé, qui compte 700 000 licenciés, 9 500 clubs de poneys et d’écoles d’équitation. « La particularité et la force de notre modèle sont de pouvoir pratiquer sans être soi-même propriétaire du cheval. C’est aussi de pouvoir s’appuyer sur une progression pédagogique. Enfin, l’équitation en France, c’est aussi la force de son réseau. »

Éric Touron, le vice-président des pays de la Loire, témoigne de la place des équidés dans la dynamique des territoires : « Le cheval est important dans le développement économique et touristique. Avoir un cheval est un atout. Pour le monde des élus, le cheval est fédérateur, c’est un sujet d’avenir. » Avec un point de vigilance sur le tourisme, « il nous faudra à terme un label français ou européen ».

Emmanuelle Malecaze-Doublet (PMU France) a évoqué la dynamique économique des paris qui atteignent 10 milliards d’euros ! « Le PMU finance toute une filière, il joue aussi un rôle important dans les territoires, avec 14 000 bars PMU en France, notamment en zone rurale et dans les campagnes. En tant que GIE, on reverse 835 millions d’euros à toute la filière via nos sociétés mères (trot et galop). Une grande partie de ces fonds est allouée aux primes de course. » Il y a des courses toutes les 17 minutes en France dans les 240 hippodromes. « Nous pouvons couvrir plusieurs fuseaux horaires, étant présents dans plus de 120 pays. Nous nous exportons, nous établissons des partenariats à travers le monde ».

La préoccupation de l’animal

Sylvie Robert, la présidente de GL events equestrian sports France, la société qui organise les épreuves des JOP, déclare : « GL events, ce sont 5 650 collaborateurs directs et plus de 10 000 indirects. […] Nous avons mis en place un comité de bien-être équin avec la FEI (Fédération équestre internationale, NDLR) et créé un poste de horse welfare coordinator (coordinateur du bien-être équin, NDLR). » Ce poste sera assuré par Richard Corde (A 81) lors des JOP. Ce dernier s’appuiera sur le réseau des stewards des JOP et jouera un rôle de médiateur dans la communication. « Lors du printemps des sports équestres (en avril 2024, NDLR), avec Frédéric Bouix, nous avons tenu des réunions avec le Collectif pour les chevaux. Si nous voulons pouvoir continuer nos sports, il est important d’aller dans ce sens-là », explique Sylvie Robert.

Recherche et innovation

La filière équine représente aussi une dynamique dans les domaines de l’élevage, de la recherche vétérinaire et scientifique. Marie Delerue, ingénieure de recherche et développement à l’IFCE, témoigne des nombreux projets de l’institution, de la mise à disposition de moyens humains, des infrastructures et du matériel innovant. « Notre rôle est de faire en sorte que ces résultats soient utiles pour la filière et qu’elle puisse les intégrer pleinement. »

Ludovic Bailly-Chourribery dirige le laboratoire des courses hippiques qui célèbre ses 50 ans cette année. Le laboratoire s’appuie sur le financement du PMU et du parieur, avec une mission de service public pour l’ensemble des analyses réalisées. « Pour assurer la régularité des compétitions et des épreuves, préserver les chevaux, le parieur, mais aussi l’image des sports équestres. Les courses, c’est la sélection des chevaux par la performance, qui serait donc faussée s’il y avait un dopage. » Des dispositions internationales sont appliquées pour les courses hippiques. Une harmonisation des laboratoires permet de garantir que la compétition est juste quel que soit l’endroit où le cheval doit concourir.

Stéphane Pronost, le directeur du groupement d’intérêt scientifique (GIS) Centaure a montré la dynamique de la recherche. Une entité unique en Normandie qui regroupe différentes structures : le Cirale-EnvA, l’Anses et le campus de St Contest avec l’université de Caen Normandie, Labéo. « Nous disposons d’un terreau en Normandie, avec des structures qui nous pilotent et nous aident à traiter les sujets qui intéressent la filière, nous avons le soutien de l’IFCE, du fonds Eperon, nous effectuons un travail d’échange avec ces partenaires pour connaître les éléments d’intérêt dont a besoin la filière. Les humains voyagent avec leurs virus, il est aussi nécessaire aujourd’hui de surveiller les chevaux. » Fin septembre, le congrès mondial sur les maladies infectieuses se déroulera d’ailleurs à Deauville (Calvados).

Ann Cullinane, vétérinaire à l’Irish Equine Center a développé le sujet de la grippe équine. L’épizootie de rhinopneumonie, qui s’est déclarée en Espagne en 2021 lors d’une compétition internationale, montre l’importance de la biosécurité et les écueils à éviter. « Prévenir, détecter précocement, maintenir l’événement sans mettre en danger les chevaux. Pour cela, nous faisons en sorte d’harmoniser nos tests, de travailler ensemble en échangeant sur un rapport de confiance », explique t-elle.

Paul-Jacques Tanvez, le président de Normandie drainage France, explique que la qualité des sols est aussi une préoccupation. « Les méthodes de construction et les choix de matériaux ont évolué. L’empirisme l’a souvent emporté, il nous manquait la capacité d’évaluer les sols de la façon la plus objective possible. ». Aujourd’hui, il existe des programmes de recherche et des données qui permettent d’avoir un monitoring des pistes, notamment grâce à l’equine test track développé par Nathalie Crevier-Denoix, une professeure à l’école nationale vétérinaire d’Alfort. « Nous disposons d’un suivi quasi hebdomadaire de nos surfaces. Les outils mesurent le confort et la performance, l’homogénéité, la souplesse et la réponse du sol… cela nous permet d’affiner nos méthodes de conception du sol. »

Pour conclure la journée, Mark Wentein, le président de l’European Horse Network, a souligné à nouveau le respect du bien-être des équidés. Pour les races et leur sélection, l’un des enjeux est de bien cibler les besoins pour un cheval moderne. La filière équine, c’est « un suivi professionnel, scientifique, technique, et un soutien politique. Le cheval, c’est l’avenir ! »

« Les secteurs couverts par la médecine vétérinaire sont considérables »

Quels sont les objectifs de ces journées ?

L’objectif est la rencontre de la filière internationale, le côté portage olympique et paralympique. L’IFCE étant un établissement public au service de la filière française, le but est la représentation française, avec des sujets très globaux d’organisation, de traçabilité, mais aussi avec des start-ups, des petites entreprises qui se montent dans la filière et qui avec ce meeting ont l’opportunité de rencontrer l’Asie, l’Afrique, le Moyen-Orient, les États-Unis.

Comment percevez-vous la place de la France en termes d’excellence ?

Malheureusement, cette excellence ne se retrouve pas partout. Par exemple, nous nous sommes beaucoup éloignés de la production de chevaux de dressage. Aujourd’hui, même pour l’IFCE à Saumur, on doit acheter des chevaux en Allemagne, en Hollande. En termes de chevaux de course, au trot comme au galop, nous avons une position de leader. Pour ce qui est des chevaux de sport, nous sommes aussi en très bonne position. Lors du meeting, nous avons évoqué les chevaux arabes. En France, nous n’avons pas une bonne connaissance des chevaux arabes de show mais nous en produisons et ils sont très bien valorisés. Nous pouvons conquérir des segments supplémentaires de la filière cheval à l’international.

Quels sont les points forts en recherche vétérinaire et scientifique équine ?

Avant d’être leader, nous sommes d’abord extrêmement respectés et considérés comme fiables. En premier lieu pour la vente de chevaux, en matière de garantie sanitaire et d’identification, de traçabilité, je pense que nous sommes les mieux placés, ce qui est rassurant pour les acteurs internationaux.

Les secteurs couverts par la médecine vétérinaire sont considérables, avec tout le domaine régalien, avec la DGAl, mais aussi tout ce qui se fait en matière de traitements médicamenteux ainsi que tous les apports, compléments alimentaires, coaching alimentaire, etc.

Quelle est l’implication de l’IFCE à ces JOP ?

Certains de nos agents disposent de compétences développées dans ces domaines et s’investissent, par exemple dans le montage de la piste du terrain de cross pour le concours complet d’équitation. En matière de recherche, l’équipe du plateau technique de Saumur intervient également auprès de l’équipe de France de dressage pour réaliser des accompagnements scientifiques à la performance. Sur le plan sportif, ces données sont importantes pour les couples cavalier-cheval, ainsi que pour le staff, tout en améliorant le confort du cheval.

Enfin, plusieurs agents de l’IFCE ont intégré le comité bien-être animal créé par GL Events en vue des Jeux compte tenu de leurs compétences. Il en va ainsi de Guillaume Blanc, le directeur de l’accompagnement à la filière équine, Vanina Deneux, ingénieure de recherche sociologue, et Alice Ruet, ingénieure de recherche éthologue.

Avec la garde républicaine et l’école militaire d’équitation, nous allons aussi fournir les chevaux pour le pentathlon moderne. C’est la dernière fois que cette discipline figurera aux JO. L’IFCE appuie et complète la formation des pentathloniens français en saut d’obstacles.

Évidemment, nous serons tous mobilisés pour nos excellentes cavalières, comme l’écuyer du Cadre noir, Pauline Basquin, en dressage, et les cavalières paralympiques, Chiara Zenati et Céline Gerny que nous accompagnons.

Quel message aimeriez-vous transmettre aux vétérinaires pour ces Jeux ?

Nous disposons d’une organisation de très bon niveau pour la partie olympique et paralympique. Les chevaux de ces compétitions voyagent tous avec au moins un vétérinaire de leur pays. Ces derniers ne sont pas tous autorisés à pratiquer sur le territoire s’ils n’ont pas demandé la dérogation d’exercice. Même s’ils ne peuvent pas réaliser d’actes, à chacun de bien les accueillir, d’échanger, d’écouter tout ce qui se dit.

À ce colloque, nous avions des vétérinaires de la Japan Racing Association, qui ont un haut niveau en matière de détection de dopage génique, considéré comme le dopage de demain. Il est indispensable pour nos vétérinaires français, lors d’une conférence comme celle-ci ou pendant les JO et les JOP, d’échanger en amont avec leurs confrères et consoeurs qui vont accompagner les délégations soit en tant que vétérinaires de chevaux de propriétaires soit en tant que vétérinaires de fédérations étrangères. Nous allons dans le bon sens.

Propos recueillis par Marine Neveux