Approches pratiques de la gestion de la douleur chez les bovins (1/2) - La Semaine Vétérinaire n° 2039 du 21/06/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2039 du 21/06/2024

Bien-être animal

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Ségolène Minster 

Article rédigé d’après une conférence de Raphaël Guatteo, professeur en médecine bovine et gestion de la santé bovine à Oniris, le 26 mars 2024.

Par analogie avec la définition donnée par l'association internationale pour l'étude de la douleur1 en médecine humaine, la douleur est définie comme une expérience sensorielle désagréable qui permet à l’animal de prendre conscience d’un dommage ou d’une menace pour l’intégrité de ses tissus. Elle influe le comportement ou la physiologie de l’animal afin qu’il réduise ou évite les dommages, sa récurrence, et favorise la guérison.

Une douleur non fonctionnelle (non utile) survient lorsque sa durée ou son intensité n’est pas appropriée par rapport aux dommages (particulièrement s’il n’y en a pas) et quand les réponses physiologiques et comportementales ne parviennent pas à la soulager (Molony et Kent, 1997).

C’est le cas lors d’hyperalgésie (douleur augmentée lors de stimulus nociceptif répété) et d’allodynie (douleur perçue lors d’un stimulus normalement non douloureux, par exemple, douleur erratique d’une vache en boiterie chronique). À ce stade, les solutions thérapeutiques sont souvent décevantes.

Détecter la douleur 

Contrairement à ce qu’on dit, les bovins ne sont pas stoïques et expriment la douleur. Ces expressions sont d’ordre comportementales, physiologiques et zootechniques, bien que ce dernier critère soit tardif. L’éleveur reste la première sentinelle, il connaît l’animal et son comportement habituel. Au prix d’un peu de temps, l’observation apporte beaucoup d’informations. Il convient d’observer les interactions de l’animal avec son environnement et son comportement individuel, notamment suite à une sollicitation, les activités et postures anormales (membre, queue, tête, cou), les changements de démarche et boiteries, la réponse à une perturbation (une réaction réduite peut révéler une douleur). Les signes suivants révèlent également la douleur : mauvais état de la peau, du pelage, du corps, plaies, fréquence respiratoire augmentée, halètement, respiration bouche ouverte, sudation, tremblements, muscles tendus, pupilles dilatées, yeux écarquillés, dépression, et agression de l’observateur (en réponse à un contact).

Différentes grilles d’évaluation de la douleur existent (boiterie, césarienne…) et permettent de déterminer sa sévérité et un seuil d’utilisation des analgésiques.

Dans une étude2 pilotée par le Dr Guatteo, une douzaine d’experts de la santé des bovins, de profils variés, ont été consultés pour établir des grilles de douleur spécifiques de certaines maladies, simples à mettre en œuvre. Un consensus sur quatre à cinq signes de douleur a été atteint pour plusieurs maladies (voir tableaux). La majorité des experts considère que la présence d’un seul signe devrait conduire à traiter la douleur. Et en cas de doute, il devrait bénéficier à l’animal.

  • 1. International Association for Study of Pain.
  • 2. Guatteo R., Morin M., Gisbert P., Timist E., Remmy, D., Touzot-Jourde G. 2023. A delphi study to build pain scoring grid in cattle. European Buiatics Congress. Berlin.