Conflits autour du paiement du prix de vente - La Semaine Vétérinaire n° 2039 du 21/06/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2039 du 21/06/2024

Droit

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Céline Peccavy

Par une clause de réserve de propriété, le vendeur peu conditionner le transfert de propriété de l'animal au paiement intégral du prix de vente. Pour autant, des conflits peuvent surgir, la vente n'est pas un long fleuve tranquille. Décryptage des situations problématiques qui peuvent survenir.

L’article 1583 du Code civil pose le principe suivant concernant la vente : « Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé. » En application de cet article, un acheteur pourrait tout à fait partir de l’élevage avec un animal sans l’avoir payé mais en en étant bien son propriétaire légal. Le vendeur finalement floué en serait réduit à la seule possibilité d’une action judiciaire en paiement. Pour éviter un tel conflit, la loi a prévu une parade : celle de la dérogation possible à l’article 1583 du Code civil. Par l’insertion dans le contrat de vente d’une clause écrite dite clause de réserve de propriété, le vendeur va pouvoir conditionner le transfert de propriété au paiement intégral du prix de vente et revendiquer l’animal si le prix n’est au final pas soldé.

Acompte n'est pas arrhes

Si certains éleveurs utilisent cette clause, d’autres ont fait le choix de se prémunir en amont contre les impayés : pas de départ de l’élevage si le prix n’est pas intégralement réglé. Toutes les sources de conflit sont-elles pour autant éliminées ? À vrai dire non. Les problèmes qui en découlent seront en lien direct avec les paiements effectués avant le jour de remise de l’animal. Classiquement, pour valider une réservation, un éleveur demande le versement d’une première somme d’argent. S’il est bien informé, il va qualifier cette somme d’arrhes. S’il ne l’est pas, il collera l’étiquette d’acompte. La différence ? L’acompte fige la transaction et oblige en théorie les parties à aller jusqu’au bout de la vente. Pas de changement d’avis possible. Les arrhes au contraire laissent une certaine souplesse car selon l’article 1590 du Code Civil « Si la promesse de vendre a été faite avec des arrhes chacun des contractants est maître de s'en départir. Celui qui les a données, en les perdant, Et celui qui les a reçues, en restituant le double. ». Si l’acheteur change d’avis, tant pis pour lui : le vendeur peut conserver valablement la somme d’argent versée et s’atteler à trouver un nouvel acheteur.

Quand l'acheteur change d'avis ...

Les choses se corsent réellement lorsque l’acheteur a versé la somme prévue au contrat à titre d’arrhes et qu’il fait ensuite des versements complémentaires afin de s’avancer sur le paiement du solde. Quel est le sort réservé à ces sommes complémentaires ? La solution semble dépendre du statut de notre acheteur. En effet et par application de l’article L214-1 du code de la consommation : « Sauf stipulation contraire, pour tout contrat de vente ou de prestation de services conclu entre un professionnel et un consommateur, les sommes versées d'avance sont des arrhes, au sens de l'article 1590 du Code civil. Dans ce cas, chacun des contractants peut revenir sur son engagement, le consommateur en perdant les arrhes, le professionnel en les restituant au double. ». Si l'acheteur est donc un consommateur et verse plus que la somme indiquée pour les arrhes dans le contrat de réservation, le complément sera également considéré comme des arrhes. La conséquence : ces sommes seront aussi perdues en cas de changement d’avis avant la délivrance.

Un flou juridique

Et si l'acheteur est également un professionnel ? Le régime des arrhes lui est bien applicable pour la somme mentionnée dans l’acte de réservation. En revanche, les sommes complémentaires ne peuvent plus recevoir la qualification présumée d’arrhes. On rentre ici dans un véritable flou juridique. Le vendeur aura naturellement tendance à ne vouloir rien rembourser et un bras de fer va s’instaurer. La jurisprudence ne donne a priori pas de réponses sur le sujet. La logique du droit voudrait que le vendeur rembourse les sommes complémentaires versées qui ne ressortent pas du régime légal des arrhes. Mais la logique n’est pas toujours du goût de tous.