Management
ENTREPRISE
Auteur(s) : Par Jean-Paul Delhom
Comment innover dans son entreprise et initier le changement ? Existe-t-il une nouvelle finalité pour les structures, une nouvelle manière d’entreprendre avec plus de sens et autant d’efficience ? Ces questions ont été abordées lors de l'atelier organisé par l'association Ergone, en mai dernier. En fil rouge : « Reconstruire pour s’améliorer ».
Cet événement organisé par Ergone a été animé par Jean-Marc Bertolino, révélateur de talents, accompagnateur EFC, le 23 mai dernier, à Paris. Il fait suite au premier atelier de réflexion intitulé « Déconstruire pour s’améliorer »*.
5 grandes ruptures
Dans un monde qui change, on considère cinq grandes ruptures. La rupture écologique qui voit le passage d’une logique d’abondance à une logique de pénurie. À l'opposé, ce qui était rare (savoirs, informations, compétences, travail) devient abondant. La rupture technologique est un passage des technologies mécaniques aux technologies numériques. La rupture organique signifie le passage de modèles hiérarchiques aux modèles complexes. La rupture économique se traduit par un passage d’une économie de masse et de prix à une économie d’intelligence de valeur. La rupture philosophique qui voit le passage de réussir dans la vie à réussir sa vie traduit la question de la finalité et du sens dans tout ce qui est entrepris.
Réévaluer les prises de décision
L’obligation d’adaptation au monde qui nous entoure implique un changement dans nos comportements. Orientées par nos émotions, nos actions ne sont pas toujours guidées par une réflexion approfondie. On doit comprendre l’importance du facteur humain puis identifier le comportement qu’il faut faire évoluer. Des biais cognitifs peuvent altérer la pensée nous faisant porter des jugements ou des décisions hâtives. Dans un système de prise de décision, les critères seront explicités, la contradiction recherchée, les désaccords exprimés (encourager les débats), les incertitudes discutées (imaginer les raisons d’échouer).
Repenser le travail comme une relation de service
L’importance du travail est centrale dans notre construction psychique, c’est l’espace du rapport à l’autre, qui nous permet de nous construire une place.
La question du modèle économique est toujours à croiser avec celle de la reconnaissance au travail. « L’économie de la fonctionnalité et de la coopération veut redonner un espace d’émancipation. Elle considère le travail comme une relation de service et propose de construire un autre rapport dont on va rémunérer la valeur créée. Le service est une coproduction qui implique le bénéficiaire. Il n’y a pas de stock possible contrairement au produit et tout se joue dans l’instant avec des arbitrages en situation. Le service est une prestation doublée d’une relation. Plus on développe la relation, plus on est pertinent, on gagne du temps et augmente la valeur du service. C’est la dimension stratégique des ressources immatérielles. Aujourd’hui, on ne met pas assez en avant cette relation. On est dans un système qui n’en reconnaît pas la valeur » détaille Jean-Marc Bertolino.
Investir dans l’humain
« Il faut donc investir dans l’humain et développer ses ressources immatérielles. Pour cela, il faut identifier ses valeurs et les traduire dans ses actions, connaître ses talents, forces, vertus, sa capacité de résilience et sa juste place dans la société. Ainsi votre raison d’être et celle de votre entreprise seront définies, explique-t-il aux vétérinaires. En d’autres termes, il s’agit de trouver l’activité qui peut me permettre d’exprimer tout mon talent au service d’une mission qui me tient à cœur et me permet de gagner suffisamment d’argent pour vivre comme j’en ai envie. »
Redéfinir son rôle social
« Les deux jours les plus importants de votre vie sont le jour où vous êtes né et celui ou vous découvrez pourquoi », déclarait l'écrivain américain Mark Twain. La raison d’être relative à la loi Pacte sur la transformation de l’entreprise et la demande de transparence plébiscitée par les citoyens mettent en lumière le mouvement à l’œuvre visant à questionner la finalité de l’entreprise, redéfinir son rôle social pour en faire une force d’innovation et de différenciation.
« Après des années de transition, développe Jean-Marc Bertolino, nous entrons désormais dans une nouvelle dimension où l’entreprise et ses parties prenantes partagent la même vision de la création de valeur partagée, de la contribution active de l’entreprise à la société. (...) Une mission met en lumière les atouts à préserver, mais aussi les dilemmes à explorer. La raison d’être est l’expression de la finalité d’un collectif dans laquelle les parties prenantes se reconnaissent. Elle permet d’organiser les actions et les prises de décision. Elle inspire en interne et elle oriente en externe. Déterminer sa raison d’être, c’est répondre à la question : quelle est ma raison d’être au plus haut niveau, pour laquelle j’ai les moyens d’action pour agir de manière significative dans l’espace où je me projette ? La raison d’être est un socle sur quoi tout se construit, différente de la mission ou de la vision. Elle peut s’enrichir au cours de notre cheminement. Elle doit toujours être exprimée du point de vue des bénéficiaires internes comme externes. (...) Les différents niveaux doivent être reliés les uns aux autres pour être cohérents, jusqu'à la raison d’être de plus haut niveau pour lequel l’entreprise a les moyens d’action pour agir de manière significative face aux enjeux sociétaux. »
On peut donner l'exemple suivant : je fais de la médecine vétérinaire, je soigne des animaux et apaise leur douleur, je réduis la souffrance des propriétaires, je gagne ma vie pour faciliter celle de ma famille et de mes collaborateurs, j’ai un rôle social et participe au bien-être animal.
Reconstruire, le choix des procédés
Pour aider dans sa reconstruction, il existe de nombreux modèles. La plupart proposent un temps pour rassembler des idées puis les consolider en concept et enfin les mettre en place.
Le modèle de l’optimisation découpe le temps imparti en trois séquences (les « boucles ») et contraint le gestionnaire de projets à apporter trois fois un résultat fini. Dans chaque « boucle », le résultat se base sur la précédente.
Le modèle de la performance de l’équipe d'Allan Drexler et David Sibbet (cofondateurs de la société de consulting d'entreprise Grove) définit sept phases différentes que traversent tous les participants d’un projet. Chacune est marquée d’une question fondamentale (« Qu’est-ce que je fais là ? », « Qui es-tu ? », « Qu’allons-nous faire ? », « Comment allons-nous faire ? », « Quelle mise en œuvre ? », « réussite ? », « Pourquoi continuer dans cette voie ? »). Les conflits ouverts permettent les remises en question. Ce modèle sert tout au plus à donner des orientations. Le leader doit être prêt à être le premier à faire des erreurs.
Dans la méthode des cercles de préoccupation de Stephen Covey, homme d'affaires et conférencier américain, on distingue trois cercles. Dans le premier, le cercle de contrôle, chacun liste ce qu'il peut contrôler, toutes les activités sur lesquelles il détient le pouvoir décisionnel. Dans le deuxième, le cercle d'influence, chacun regroupera les actions, les projets, les affaires qu'il peut directement influencer en activant son pouvoir de persuasion. Enfin, dans le troisième et dernier cercle, celui des préoccupations, se trouveront les points sur lesquels l'individu n'a ni le pouvoir décisionnel, ni la possibilité d'influencer. Cette constatation permettra aux équipes de mieux orienter leur énergie et d'être ainsi plus efficient.
Le modèle du gruyère utilisé en médecine et en aéronautique compare les différents niveaux d’erreur avec des tranches de gruyère comportant chacune plusieurs trous (les erreurs) répartis à différents endroits et différents moments. Lors de la traversée fictive du gruyère, si les trous se superposent, les erreurs s’accumulent dans le temps et peuvent entraîner des catastrophes. Il existe différentes sortes d’erreur (les vraies lors d’une mauvaise suite d’opérations, les ratés suite à des oublis, les dérapages lors de l’application erronée d’une mesure correcte), différents niveaux (compétences, règles, connaissances) et différents facteurs (personnes impliquées, conditions techniques, organisation, temps, situation économique, ambiance etc.).