Identifier et traiter les anomalies du bec chez les oiseaux - La Semaine Vétérinaire n° 2039 du 21/06/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2039 du 21/06/2024

Médecine aviaire

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Mylène Panizo

Conférencier

David Guillier (A 14), diplômé de l’European College of Zoological Medicine (Small Mammals), spécialiste en médecine des nouveaux animaux de compagnie à la Clinique Ric et Rac, au Cannet (Alpes-Maritimes).

Article rédigé d’après la conférence : « Anomalies du bec », présentée au congrès de l’AFVAC le 1er décembre 2023, à Lille.

Le bec, nommé aussi rhamphothèque, est une structure cutanée formée par un épiderme kératinisé qui recouvre les mâchoires supérieure et inférieure. Ses anomalies sont fréquentes, notamment chez le jeune oiseau. Elles ont des origines variées (congénitale, iatrogène, traumatique, métabolique, infectieuse) et nécessitent une prise en charge précoce avant que des lésions irréversibles ne s’installent. De nombreuses malformations étant dues à des causes iatrogènes, le rôle du vétérinaire est central pour les prévenir.

Les malformations congénitales

– Le prognathisme mandibulaire : cette malformation atteint principalement les jeunes cacatoès, âgés de 1 à 2 semaines. Elle peut être d’origine génétique, acquise (luxation, nutrition parentérale) ou environnementale (paramètres d’incubation incorrects : température, humidité, ventilation, retournement de l’œuf).

– Les déviations du bec ou « bec en ciseaux » : il s’agit d’une courbure et d’une déviation latérale de la rhinothèque (partie supérieure du bec) et/ou de l’os maxillaire, associée à une déviation de la gnathothèque (partie inférieure du bec) du côté opposé. Cela entraîne une croissance asymétrique du bec. Cette malformation est majoritairement iatrogène et touche principalement les aras. Le nourrissage à la main, toujours du même côté de l’oiseau, provoque une déformation du bec, qui peut être irréversible si cela persiste pendant plusieurs semaines. Les autres causes de déviations du bec sont infectieuses (rhinite), métaboliques (malnutrition) ou dues à un traumatisme de la plaque de croissance ou à une luxation de l’os frontal.

– Les compressions du bec : ces déformations de la rhinothèque ou de la gnathothèque par compression sont dues au nourrissage à la main (par pression du doigt ou de la seringue sur le bec), à une maladie métabolique et/ou à de la malnutrition. Les aras sont les plus affectés, jusqu’à l’âge de 5 semaines (ensuite le bec se durcit). Ce n’est généralement pas handicapant pour l’animal mais uniquement inesthétique.

Divers traitements existent pour prendre en charge les malformations congénitales. Lorsqu’elles sont détectées précocement (dans les premières semaines), un repositionnement manuel par pression douce (pendant dix minutes, trois fois par jour), ou un limage (toutes les semaines jusqu’au repositionnement) peuvent suffire, car le bec est encore souple.

Lorsque la déformation est diagnostiquée tardivement (bec solidifié), un traitement correctif doit être envisagé. Il peut s’agir d'une des mises en place suivantes.

– Prothèse : sa durée de vie est limitée car le bec pousse en continu. En cas de prognathisme mandibulaire chez un jeune oiseau, il est conseillé de mettre en place une rampe en acrylique. Il s’agit d’une prothèse placée sur la rhinothèque pour forcer l’hyperextension de l’articulation cranio-faciale. Elle est attachée à l’aide d’une broche (une scarification préalable de la couche superficielle du bec est conseillée pour une meilleure adhérence).

En cas de déviation maxillaire, une rampe est construite sur la gnathothèque du même côté que la déviation. Elle doit être assez haute pour que l’oiseau ne puisse pas ouvrir suffisamment la bouche pour faire passer son maxillaire au-dessus de la rampe.

– Broche transsinusienne avec bande de tension : en cas de déviation maxillaire, une broche intramédullaire (ou broche de Kirschner) est posée à travers l’os frontal. Une torsion à 90° de la broche du côté opposé à la direction de la déviation est effectuée. La fabrication d’un crochet permet de placer la bande de tension (bande élastique enroulée autour de la pointe du bec et de l’extrémité distale de la broche). Le côté opposé peut être laissé droit et court, ou tordu à 90°. Une procédure similaire existe également dans le cas d’un prognathisme mandibulaire.

Les propriétaires doivent être préparés psychologiquement car le montage peut être impressionnant.

Les temps de traitement varient de quelques jours à plusieurs semaines voire plusieurs mois.

Un traitement palliatif, c’est-à-dire des limages réguliers du bec, tous les trois à six mois, peut être réalisé en cas de refus des autres options.

Les traumatismes

Des plaies, une avulsion, une luxation ou une fracture peuvent être causées par la morsure d'un autre animal ou un choc (chute, transport). On estime que la repousse du bec n’aura pas lieu si plus d’un tiers du bec est touché. Une prothèse peut alors être posée.

Les maladies métaboliques

Des carences en calcium (ostéofibrose d’origine nutritionnelle) ou en vitamines (notamment en vitamine A) peuvent entraîner des malformations de la kératine ou des anomalies de la croissance du bec.

Les maladies infectieuses

La maladie du bec et des plumes est due à un circovirus et atteint les jeunes oiseaux, en particulier les gris du Gabon et les cacatoès. Ce virus se transmet par les fientes, les régurgitations et la poussière des plumes. Le temps d’incubation varie de 21 jours à plusieurs années. La maladie peut se présenter sous plusieurs formes cliniques (suraiguë, aiguë, chronique, asymptomatique). La forme chronique (forme tégumentaire) peut provoquer une hyperkératose, une élongation, une nécrose et une douleur du bec. Le diagnostic se réalise sur sang total ou sur une plume (recherche de l’ADN du virus). Il n’existe pas de traitement spécifique. La mise en place d’un traitement de soutien et une prise en charge des co-infections sont nécessaires.

D’autres virus peuvent entraîner des anomalies du bec. La polyomavirose atteint principalement les jeunes oiseaux au sevrage et provoque des anomalies des plumes et de la peau. Chez les canaris des anomalies du bec (long bec tubulaire) peuvent se développer. La poxvirose (variole aviaire) peut induire des nodules sur le bec.

Certaines infections bactériennes, fongiques et parasitaires peuvent entraîner des lésions du bec, essentiellement chez les oisillons immunodéprimés (Candida, Aspergillus, Cryptococcus, Mycobacterium, gale du bec et des pattes à Knemidokoptes pilae chez la perruche ondulée).