PARIS 2024 JEUX PARALYMPIQUES
ANALYSE GENERALE
Auteur(s) : PAR CHANTAL BÉRAUD
Le triple médaillé d’or aux Jeux paralympiques de Pékin (2008), Rio (2016) et Tokyo (2020) va de nouveau tenter de décrocher la victoire, cet été, à Paris. Un champion au moral d'acier qui assure que sa formation de vétérinaire lui permet encore d'améliorer la pratique de son sport au plus haut niveau. Découverte d’une personnalité hors norme.
En cette fin mai 2024, Stéphane Houdet est déjà « à la course » ! Il fait en effet partie en juin des commentateurs de matchs de tennis de Roland-Garros, à la demande de France Télévisions. Et il s’entraîne naturellement aussi pour sa participation de tennis fauteuil pour les Jeux paralympiques, qui auront lieu du 30 août au 7 septembre prochains (toujours sur la terre battue à Roland-Garros). Sans oublier qu’il est aussi un papa qui, avec sa seconde épouse, élève deux jeunes enfants (de 17 mois et de 2 mois), après avoir eu deux paires de jumeaux en 1998 et en 2002 ! Comment fait-il pour vivre ainsi toujours à cent à l’heure avec une jambe en moins ? « C’est toute une organisation, répond-il. Je suis heureusement aujourd’hui en couple avec une cheffe d’entreprise, qui est la reine de l’adaptation. » Lui aussi n’est pas mal dans ce genre, puisque c’est son propre corps (et son équipement sportif) qu’il cherche à améliorer en permanence : « Après mon accident de moto, en 1996, je suis resté huit ans à traîner une jambe raide, dont il fallait bien que je m’accommode. Mon plus beau cadeau de Noël est arrivé le 28 décembre 2004. Date à laquelle mon chirurgien a bien voulu m’amputer pour tenter une prothèse. Depuis, grâce à elle, c’est cent fois mieux. Il n’y a pas photo : ma vie quotidienne est bien plus facile aujourd’hui, même s’il m’a fallu une rééducation pour apprendre à marcher avec. »
Maître de son destin
Et Stéphane Houdet de poursuivre le récit d’une vie incroyable, remplie d’épreuves, qu’il a su la plupart du temps transformer en un chemin de vie ascendant, pour lui-même mais aussi pour les autres. « J’ai commencé le tennis à 8 ans, sur mes deux jambes. Mon enfance a été très heureuse, avec des parents qui étaient de grands sportifs. Mais comme ma mère était professeur, il fallait que mes résultats scolaires suivent. » Se rêvant vétérinaire, le voici donc sortant de l’école de Nantes, en 1995. « Je voulais alors explorer l’exercice en rurale. Ma thèse avait pour sujet les aplombs des bovins. Et puis, j’ai eu mon accident… J’ai alors changé pour une étude des implantations des cliniques vétérinaires en canine. » Pourquoi ? « Après l’accident, je me suis dit que j’aurais plus de mal à être embauché et qu’il serait moins compliqué de m’installer en tant que libéral. J’ai donc décidé de créer ma propre structure en Isère en canine, où j’ai exercé jusqu’en 2004 ».
Un nouveau départ
Son accident ne l’a jamais non plus empêché de faire du sport. « J’ai commencé le handisport par du golf, informe-t-il. Au bout de cinq ans, j’étais d’ailleurs en tête du classement européen. Puis j’ai découvert l’existence du tennis fauteuil (grâce à Johan Cruyff), et j’ai décidé d’opter pour cette discipline car (contrairement au handi-golf), elle n’était pas réservée qu’à des amateurs. J’ai alors raccroché mon stéthoscope, en me disant que je le reprendrais si j’échouais dans cette autre voie ».
Un fauteuil sur mesure
Que ce soit en tant que vétérinaire ou dans le sport, Stéphane Houdet assure utiliser la même méthode pour réussir. « Dans une école vétérinaire, on apprend à apprendre, commente-t-il. Comme je devais jouer assis, j’ai développé un fauteuil roulant sur mesure tout en carbone. J’ai donc d’abord fait un état des lieux de mes envies, formulé mon besoin de pouvoir reprendre le geste d’un joueur debout. Puis j’en ai parlé autour de moi à des chercheurs et nous avons trouvé une solution. C’est comme cela que j’ai eu le premier prototype pour les Jeux paralympiques de Rio en 2016. Depuis, nous continuons toujours à l’améliorer puisque nous sommes en train de travailler sur le fauteuil le plus léger du monde. »
L'esprit scientifique
Sa grande force d’innovation tient en sa capacité de partager un langage commun avec les chercheurs. « Je suis capable de m’exprimer dans leur langue. Et eux me répondent souvent par des chiffres. De plus, j’ai une aptitude d’écoute scientifique. Car en sport, il y a du ressenti, quand on nous demande par exemple si la balle est allée plus rapidement ou pas. Or, régulièrement, on constate des différences entre ce ressenti et les mesures scientifiques réalisées. Mesures auxquelles j’accepte d’adhérer et donc de me changer. ». Ceci afin de mettre toutes les chances de son côté, pour, dit-il, de retrouver son côté d’enfant joueur : « Un enfant intérieur qui ne se contente pas de participer mais qui veut toujours gagner. »
Adepte du « Tous ensemble »
Grâce à cet état d’esprit, Stéphane Houdet se sent toujours entraîné dans « une dynamique de vie » et il soutient que les accidents sont des « catalyseurs de personnalité », dont on se sort plus ou moins bien selon son caractère. Pour lui, son handicap rime non pas avec « révolution » mais avec « évolution », allant jusqu’à penser que ce sont parfois les autres qui, par leurs projections mentales, ont plus de mal que lui à accepter sa différence. Mais il reconnaît aussi sa chance : le sport étant l’un des meilleurs facteurs de communication pour entamer un vrai dialogue entre tous. « On commence par pouvoir jouer ensemble… et ensuite pourquoi pas aussi se mettre à travailler et à vivre ensemble ? » épilogue-t-il tout haut.
Un numéro d’urgences vétérinaires sur son maillot
Une chose est sûre : Stéphane Houdet a déjà réussi plusieurs vies dans une vie ! Car, en plus d'être conseiller sport handicap auprès du Centre national des sports de la Défense, il anime aussi des conférences en ressources humaines en entreprise1 : « Par exemple, j’ai déjà été chargé par des vétérinaires d’animer un thème sur la dynamique du changement. » Et il vient aussi d’ouvrir Handilab, soit « quinze mille mètres carrés entièrement dédiés aux innovations au service du handicap et de la perte d’autonomie », afin notamment que les handicapés deviennent des acteurs du monde économique. Enfin, il n’oublie pas non plus sa profession puisqu’il a accepté de porter sur son maillot le numéro 3115 d’urgences vétérinaires de la société Émergence, qui l’accompagne et le soutient. Et de conclure : « J’ai été sauvé par le 15 et le 18. Si l’on peut faire la même chose pour sauver les animaux, je trouve que c’est un projet important à mener. »
Yannick Noah, l’entraîneur à l’écoute
Yannick Noah a accepté d’entraîner l’équipe de tennis en fauteuil roulant pour Paris 2024. Une expérience magique pour Stéphane Houdet : « D’abord, il sait ce qu’est la discrimination. Il l’a vécue et il comprend qu’il existe des différences dans ce monde. Avec nous, il découvre le tennis fauteuil : comme c’est un grand pédagogue, il s’y est très vite adapté. L’équipe a passé un séjour en Turquie avec lui , c’était magique. J’apprécie aussi beaucoup sa méthode d’approche globale : il dit notamment qu’il a besoin de connaître notre quotidien et nos entourages pour pouvoir nous aider dans le sport. Grâce à lui, l’équipe bénéficie aussi je pense d’une audience médiatique plus grande. Cette expérience est fabuleuse, c’est fou ce que j’apprends encore aujourd’hui ».