Bien-être animal
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Ségolène Minster Article rédigé d’après une webconférence de Raphaël Guatteo, professeur en médecine bovine et gestion de la santé bovine à Oniris, organisée par Vétoquinol, le 26 mars 2024.
Raphaël Guatteo propose un cadre d’approche de gestion de la douleur chez les animaux à l’instar de la démarche des 3R en expérimentation animale. L’approche 3S consiste à « Supprimer, Substituer, Soulager » la douleur et fournit un arbre décisionnel par rapport à sa prise en charge.
Ecornage et approche 3S
Si l’on prend l'écornage pour exemple, l'arbre décisionnel pourrait se composer comme ci-dessous.
– Supprimer les procédures non nécessaires : sélection génétique via les taureaux porteurs du gène sans corne ou laisser des bovins avec cornes.
– Substituer une méthode moins douloureuse : la cautérisation thermique avant l’âge d’un mois, avec analgésie, est la procédure la moins douloureuse, car l’ampleur des tissus inflammés est inférieure. L’usage de la pâte caustique, plus douloureux, est à déconseiller.
– Soulager la douleur non évitable : prise en charge multimodale incluant des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) précoces, une anesthésie locale et une sédation.
Un retour sur investissement ?
De façon générale, l’impact économique d’une maladie se décompose en un tiers de coûts et deux tiers de pertes (baisse de productivité, réforme, reproduction, etc.). La mise en place d’un traitement analgésique augmente certes légèrement les coûts mais réduit fortement les pertes et donc permet au final un bénéfice. Plusieurs exemples ont été donnés.
Dans le cas de mammites, les AINS favorisent le rétablissement de la barrière épithéliale mammaire et améliorent plusieurs signes cliniques (fièvre, appétit, décubitus, production laitière). Selon plusieurs études, ils sont aussi associés à des bénéfices pour la production : meilleur succès à la première insémination artificielle, plus de vaches pleines à 120 jours de lactation (MacDougall et al., 2016), risque réduit de réforme, meilleurs résultats de comptages cellulaires (McDougall et al., 2009) et ce pour des mammites de grade 1 ou 2. Une étude récente rapporte un bénéfice net de 42 € par an par cas de mammites cliniques lors de l’utilisation d’AINS en plus des traitements de mammites classiques. (Van Soest et al, 2018).
Dans le cas de lésions des onglons, les AINS limitent l’inflammation du pododerme, composante toujours présente lors de boiteries. Une étude anglaise sur des vaches avec des lésions de la corne des onglons (maladie de la ligne blanche, ulcère de la sole) a comparé le succès de diverses procédures (parage, parage + talonnette, parage + AINS, parage + talonnette + AINS) en fonction d’un traitement AINS précoce, dès détection de la boiterie, ou tardif. Lorsque le traitement AINS était tardif, les chances de succès des différentes procédures plafonnaient à 16 %. Au contraire, l’administration précoce d’AINS augmentait les chances de réussite des traitements, jusqu’à 85 % pour le traitement le plus complet parage, talonnette et AINS.
Une étude canadienne a été menée chez 56 veaux souffrant de diarrhée néonatale. Ils ont reçu du méloxicam (0,5 mg/kg) ou un placebo en plus du traitement classique de diarrhée. Dans le groupe méloxicam, le gain moyen quotidien a été constamment meilleur dans les 6 semaines suivant la diarrhée ; la première prise de nourriture solide a eu lieu plus tôt (12 jours contre 17 pour le groupe placebo) et le sevrage a eu lieu plus précocement (4-6 jours plus tôt).
Enfin, une étude menée par l’équipe du Dr Guatteo a analysé l’effet sur le veau d’un traitement AINS administré à la vache lors d'une césarienne. L’hypothèse était qu’une vache traitée avant césarienne accepterait mieux la tétée du veau, permettant ainsi une meilleure prise du colostrum. Il n’y a pas eu de différence de délai de prise du colostrum entre les groupes AINS et placebo et la qualité des colostrums était similaire, mais un meilleur transfert d’immunité passive a été constaté dans le sang des veaux issus des mères ayant reçu un AINS. Leur teneur sérique en immunoglobulines G était supérieure à celui du groupe placebo. L’étude confirme l’importance de la prise précoce de colostrum et le bénéfice d’une analgésie de la mère.
Les AINS sont un traitement de choix dans les maladies à composante inflammatoire. Ils limitent la dégradation des performances, améliorent le bien-être de l’animal et peuvent être administrés en première ligne par les éleveurs. Ceux-ci, comme les vétérinaires, gagneraient à améliorer leurs connaissances sur la douleur et les bonnes pratiques, en accord avec l’approche 3S.