Jurisprudence
ENTREPRISE
Auteur(s) : Par Holly Jessopp
Une décision récente de la Cour d’appel de Rennes du 22 décembre 20231 donne l’occasion de revenir sur cette obligation d’information et de conseil du vétérinaire dans le cadre de la réalisation de la visite vétérinaire de transaction sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil. Décryptage.
Dans cette affaire, le vétérinaire chargé de la visite vétérinaire de transaction pour un acheteur avait transmis un compte rendu manuscrit indiquant sommairement « aucun trouble locomoteur observé. Souffle cardiaque présent au repos et à l’effort », sur la base duquel l’acheteur avait décidé de faire l’acquisition du cheval.
Un mois plus tard, un autre vétérinaire constate une boiterie du postérieur droit du cheval « qui ressemble à une élongation musculaire du dessus du genou ». Par la suite, le cheval a été présenté au Cirale, qui a émis un pronostic réservé du fait du risque d’évolution du souffle au cœur sur le moyen/long terme.
L’acheteur a pris la décision d’engager la responsabilité contractuelle du vétérinaire sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil, au motif que l’absence de proposition d’examens complémentaires constituait un défaut de son obligation d’information et de conseil.
Cette décision est intéressante à plusieurs titres, permettant d’analyser le caractère suspensif de la visite vétérinaire de transaction d’une part, et l’obligation du vétérinaire de proposer la réalisation d’examens complémentaires dans le cadre de son obligation contractuelle d’information et de conseil, d’autre part.
La place et rôle de la visite
En pratique, les parties se mettent souvent d’accord sur le prix et le cheval à l’oral ou par des échanges de message, entraînant, en théorie, la formation du contrat de vente au sens des articles 1582 et suivants du Code civil. Puis, dans un second temps, l’acheteur réalise une visite vétérinaire de transaction à l’issue de laquelle il retrouve, de manière informelle, une modalité de sortie de la vente dont la qualification juridique n’est pas aisée.
Le déroulement de cette affaire est un peu différent puisque le contrat de vente est écrit et signé préalablement à la visite vétérinaire de transaction. En outre, il prévoit que la vente « est définitive à la date de signature du contrat ».
Cependant, le contrat indiquait également que « les parties reconnaissent que l’acheteur peut librement renoncer à l’achat à la lecture des conclusions de la visite », en contradiction avec la notion de vente définitive à la signature du contrat.
En conséquence, la cour d’appel de Rennes a jugé que la concrétisation définitive de la vente était subordonnée aux conclusions du vétérinaire réalisant la visite d’achat ; dans la mesure où l’acheteur pouvait renoncer « à la lecture des conclusions de la visite »2.
Derrière cette discussion juridique sur la date de formation du contrat de vente se cache l’enjeu du préjudice subi par l’acheteur, à savoir la perte de chance de ne pas conclure le contrat de vente. Aussi, si la vente est définitive avant la réalisation de la visite vétérinaire de transaction alors cette visite ne joue qu’un rôle limité dans la décision de l’acheteur, réduisant à néant l’existence du préjudice perte de chance. Toutefois, la soumission d’une vente à la réalisation d’une visite vétérinaire de transaction satisfaisante place le vétérinaire au cœur de la transaction, lui attribuant un rôle de décisionnaire dans la transaction.
Une obligation étendue
Le vétérinaire est tenu, sur le fondement de l'article 1231-1 du Code civil, d'une obligation contractuelle d'information et de conseil à l'égard de son client afin de lui permettre de prendre sa décision, en toute connaissance de cause, sous réserve des commentaires sous le paragraphe 1.
Ainsi, le vétérinaire est débiteur d’une obligation de moyens3 et non de résultat. Autrement dit, il doit prouver avoir tout mis en œuvre pour détecter les éventuelles pathologies ou anomalies qui pourraient affecter l'usage prévu de l'animal, tandis que ses clients devront établir une faute de sa part s’ils souhaitent engager sa responsabilité.
Selon la jurisprudence, cette obligation d’information et de conseil implique que le vétérinaire doit informer clairement et exhaustivement son client sur l'état de santé du cheval, les risques éventuels et les mesures à prendre. Cette information doit être loyale, claire et appropriée pour permettre à l'acheteur de prendre une décision éclairée quant à l'acquisition du cheval.
La limite de cette obligation d’information et de conseil reste cependant un sujet à discussion, notamment en ce qui concerne la proposition, voire la recommandation au client de faire des examens complémentaires.
Dans ce cas, la cour d’appel de Rennes a considéré1 que le vétérinaire aurait dû d’une part établir un compte rendu plus exhaustif comprenant une évaluation du niveau de risques et du pronostic pour l'usage escompté plutôt que de décrire simplement ses observations, et d’autre part qu’il aurait dû indiquer aux clients que la réalisation d’examens complémentaires était conseillée en raison des pathologies détectées sur le cheval postérieurement à l’achat.
La mission du vétérinaire n’est pas précisée dans cette décision, laquelle se limite à indiquer que l’acheteur avait demandé la réalisation « d’une visite d’achat clinique ». Il n’est pas précisé si le vétérinaire avait connaissance du contrat de vente, notamment de l’usage prévu pour le cheval (dressage niveau amateur 1).
La jurisprudence adopte une position sévère à l’égard du vétérinaire et son obligation de proposer des examens complémentaires. Ainsi, il ne suffit pas de proposer la réalisation d’examens complémentaires, il faut également insister sur leur nécessité. La cour d’appel de Douai4, a retenu la responsabilité contractuelle du vétérinaire pour défaut d'information alors même que celui-ci avait effectivement proposé des examens complémentaires, non réalisés par la cliente, mais il n'avait pas suffisamment insisté sur leur nécessité.
En guise de conclusion, cette affaire rappelle également l’importance de la preuve et du travail du vétérinaire expert amiable. Ainsi, le vétérinaire défaillant aurait effectivement évoqué à l’oral l’importance de réaliser des examens complémentaires mais ne l’avait pas consigné dans le rapport de visite, lequel était très succinct.
Le rôle décisionnaire du vétérinaire
La responsabilité du vétérinaire et la mise en œuvre de l’obligation contractuelle d’information dans le cadre de ces visites de transaction reste malgré tout complexe. Il est ainsi demandé aux vétérinaires de jouer un rôle de décisionnaire et cela alors même qu’ils ne disposent pas nécessairement de toutes les informations relatives à la transaction, notamment le contrat de vente et les échanges entre les parties. Il revient donc au vétérinaire de demander ces informations, de préciser par écrit le contrat dans lequel il intervient et la mission qui lui est donnée par le client. Le compte rendu de la visite vétérinaire de transaction doit être pédagogue et inclure une proposition en matière d’examens complémentaires ainsi que les risques associés si le client acheteur décidait de ne pas les réaliser.