La campagne en France, vue par trois candidats vétérinaires - La Semaine Vétérinaire n° 2040 du 28/06/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2040 du 28/06/2024

Élections européennes 2024

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : PAR CHANTAL BÉRAUD

Inscrits sur de « petites » listes aux Européennes, ces trois vétérinaires de formation expliquent les raisons de leur engagement, ce qu’ils craignent mais aussi attendent de l’avenir de notre démocratie pour les humains, les animaux… et la planète qu'ils partagent. Rencontres.

Alain Grépinet (A 70) est le premier de nos trois vétérinaires engagés dans les élections européennes à prendre la parole. Fondateur de l’Association Française des Vétérinaires Experts (AFVE), conseiller municipal de Juvignac, près de Montpellier, jusqu’en 2020, ex-inspecteur d’abattoir, ex-inspecteur des douanes ... La liste est trop longue à énumérer pour ce travailleur acharné, auteur de divers ouvrages dont l'essai Regard sur la condition animale (paru aux éditions Maïa en 2023). « Un chapitre de ce livre concerne l’écologie, commente l'auteur. C’est après l’avoir lu que des membres d’Écologie Au Centre* sont venus me demander d’être le dernier candidat de leur liste ! J’aurais refusé toute demande venant de partis extrêmes car, depuis ma jeunesse, je suis un centriste notoire. J’ai accepté car je suis convaincu que l’écologie est un problème de société et d’humanité. Et puis, c’est notre avenir… Il faut absolument parvenir à développer le vivre ensemble entre l’homme, l’animal et l’environnement. Ce respect de la vie, sous toutes ses formes, déjà si magnifiquement décrit par le grand Albert Schweitzer, reste cependant encore à écrire en politique. »

Mais une démocratie malade ...

Malgré son optimisme naturel, Alain Grépinet pense que « la Terre va mal et que l’on risque une révolution de rue si la démocratie ne combat pas efficacement certaines de ses actuelles maladies ». Quelles sont-elles ? « Notre pays est trop profondément inégalitaire. Et seul le travail sauvera notre jeunesse : aujourd’hui, on vit trop exclusivement pour ses vacances ! En tant que praticien rural en Haute-Savoie, je travaillais entre 15 et 18 heures par jour ». Il déplore aussi le développement d’ego démesurés, notamment en politique. « Par exemple, observe-t-il, les représentants des petites listes aux Européennes auraient dû se réunir autour d’une table pour s’unir, afin d’atteindre ensemble plus de 10 %. Autrement, on va droit au fond du puits. »

Un retour des politiques aux champs ?

Alain Grépinet a aussi une idée originale pour « faire sortir de leur confort et privilèges » les hauts politiques : « Ils devraient avoir l’obligation de vivre une semaine par an à la campagne ! ». Au final, est-il déçu de ne pas être élu ? « Non, car je suis contre le fait de solliciter un mandat après 70 ans. Au pouvoir, les jeunes. Les plus âgés devraient simplement les conseiller bénévolement. Mais soyez sûr que si j’avais encore vingt ans de moins, je me serais présenté – pour gagner évidemment – et je serais allé pousser ma gueulante jusqu’à l’Assemblée nationale ! ».

Questions à Jean-Marc Fortané (T 85)

« Je trouve que la France est bien malade ! »

Verdict sans appel pour cet ex-praticien, gérant d’une pépinière d’entreprises à Châteaurenard, près d'Avignon, et tête de liste de Pour une autre Europe**.

Avec aucun élu européen obtenu par les « petites » listes, êtes-vous déçu ?

Compte tenu de l’accès hyper-minimaliste des « petites » listes aux médias télévisés – par exemple, le clip vidéo de ma liste « Pour une autre Europe », de 90 secondes, a été diffusé seulement six fois – je ne suis pas déçu ! On nous sert toujours les mêmes « têtes », avec des batailles de « coqs » dont ne ressort pas vraiment d’idées constructives pragmatiques… Je milite pour qu’on accorde a minima aux « petites » listes 20 minutes d’exposition télévisuelle sur les médias publics. Cette décision incombe à nos élus puisqu’ils peuvent faire des lois pour faire vivre notre démocratie et proposer aux près de 50 % d’abstentionnistes une réelle offre politique alternative.

Quelle autre mesure pour plus de démocratie ?

Que chaque bureau de vote mette en libre disposition dans un isoloir une imprimante où l’électeur pourra directement imprimer le bulletin de son choix (ce qui évitera aussi un énorme gaspillage de papier).

Quel bilan tirez-vous de ces élections ?

En posant des hypothèses et un diagnostic à partir de l’observation des symptômes, je trouve que la France est bien malade ! Avec trop d’abstention et trop de votes pour des gens qui proposent des catalogues de mesures sans en expliquer ni le financement ni comment les mettre en place !

Participerez-vous aux prochaines législatives ?

Non, faute de temps pour trouver des équipes de trois personnes pour chacune des 577 circonscriptions à couvrir. Toutefois, je regrette que beaucoup de gens « capitulent » en n’allant plus voter. Certains me disent qu’ils attendent que le système s’effondre totalement pour se réengager ensuite. Pourtant, nous disposons déjà d’outils pour soigner notre société. Auteur de trois ouvrages, je vais en écrire un quatrième…

** 0,01 % des suffrages exprimés, le 9 juin 2024.

Questions à Christophe Blanckaert (L 91)

« Le socle animaliste est en légère progression »

Ce praticien canin à Boulogne-sur-Mer, qui s’est présenté sur la liste du Parti animaliste, regrette qu'il n'y ait ni d'eurodéputé « animaliste » en France, ni candidat aux prochaines législatives ; et préfère se concentrer sur les municipales.

L’ambition de la tête de liste, Hélène Thouy (avocate) était de franchir la barre des 5 %… Est-ce décevant de ne pas y être arrivé ?

Malheureusement, il n’y aura effectivement pas encore d’eurodéputé « animaliste » en France, où il faut obtenir au moins 5 % des suffrages exprimés (contre 2 % dans d’autres pays européens). Mais près d’un demi-million de Français (2 % des suffrages exprimés) ont tout de même voté pour nous ! Le « socle » animaliste est en légère progression, puisque le parti a engrangé cinq mille voix en plus par rapport à 2019. Et deux « animalistes » siégeront au Parlement (Pays Bas et Allemagne).

Pourquoi pas de Parti animaliste aux futures législatives ?

Nous avons été surpris par l’annonce présidentielle de la dissolution de l’Assemblée nationale ! La brutalité de cette annonce ne nous permet pas de nous engager dans un tel scrutin dans des conditions matériellement tenables. Nous avons engagé de l’argent dans les élections européennes et préférons conserver de quoi financer l’emploi des quelques salariés du parti. Nous lançons d’ailleurs un appel aux dons aux citoyens. Notre objectif est de bien nous préparer pour les prochaines élections municipales, où nous entendons proposer des projets ambitieux en faveur des animaux.

La cause animale peut-elle être une victime collatérale d’une union politique ?

Nous avons justement déjà un cas local en question sur Boulogne-sur-Mer… Un collectif (avec notamment des écologistes et des forces de gauche) s’y est en effet monté pour dire non à un projet de création d’une pisciculture intensive de saumon. Mais ce projet émane de la Communauté d’agglomération, donc de forces socialistes locales. Comment un Nouveau Front populaire va-t-il pouvoir résoudre ce genre de question ? Le Parti animaliste, lui, placera toujours l’intérêt des animaux avant tout.

  • * La liste Écologie au Centre, avec pour tête de liste Jean-Marc Governatori, a remporté 1,28 % des suffrages exprimés, le 9 juin 2024.