La gestion du stress thermique chez le porc - La Semaine Vétérinaire n° 2040 du 28/06/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2040 du 28/06/2024

Changement climatique

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Anthony Goncalves

Le cochon est un mammifère qui supporte difficilement les températures élevées. En bâtiment, la ventilation ne suffit pas toujours à maintenir une température soutenable. De plus, l’animal y est privé de certains comportements de régulation thermique. Or, avec le changement climatique, les épisodes de forte chaleur devraient être plus fréquents. La prévention du stress thermique apparaît donc comme un nouvel enjeu sanitaire à maîtriser.

La balance homéo-thermique

Le porc est un animal homéotherme. Il jongle donc constamment entre production de chaleur et pertes thermiques pour rester à des températures confortables. Cette température de confort va diminuer durant sa croissance.

La balance thermique entre production et pertes est permise par les différents modes de transfert thermique : convection (mouvement d’air), conduction (contact), radiations (ondes électromagnétiques) et évaporation. Lorsque la température extérieure est comprise dans la zone de confort du porc, il mobilisera très peu d’énergie pour thermoréguler sa température interne.

Les stades physiologiques les plus à risque concernent les porcs en fin d’engraissement et les truies en fin de gestation/lactation. Des périodes où ils ont besoin d’une température plus basse pour se sentir bien.

Les stratégies physiologiques

Le porc possède peu de glandes sudoripares : il sue peu ce qui limite les pertes thermiques par évaporation cutanée. En cas de chaleur, il va alors chercher à se refroidir avant tout par des changements de comportement. Il diminue sa température par évaporation par une hausse de la fréquence respiratoire (halète) ou en se roulant dans la boue en plein air. Il va fuir les sources de chaleur en cherchant l’ombre pour limiter les radiations solaires et s’éloigner de ses congénères. Il va maximiser les courants d’air ou sa surface de contact avec des surfaces plus froides. Il va aussi diminuer sa production de chaleur en baissant sa consommation alimentaire et son activité. On peut observer un gradient de comportement (voir figure).

Les effets sur la santé

Lorsque la température critique est dépassée (25 °C pour les charcutiers), l’animal va respirer plus vite, augmenter sa consommation d’eau, baisser son activité et sa consommation d’aliment. Si la chaleur continue à augmenter, l’animal halète de plus en plus fort. La hausse de la température rectale du porc augmentera et il restera en décubitus latéral. Un stress thermique prolongé pourra être létal.

Pour les truies en mise bas et en lactation, les répercussions du stress thermique vont s'ajouter à leur état, qui les fragilise déjà. La truie va diminuer la quantité d’aliment ingéré, ce qui peut lui faire perdre en état corporel, baisser en production laitière voire se tarir. Des avortements ou une hausse des mort-nés peuvent aussi être observés.

Toutes ces modifications servent d’indicateurs du stress thermique. Le halètement et la hausse de la température rectale sont ceux d’une température trop élevée. Quand on les observe, le stress thermique peut se transformer en choc thermique. Le cerveau dysfonctionne, la respiration devient chaotique et l’animal peut tomber dans l’inconscience.

Contrôler l’humidité en renouvelant l’air

La prévention du stress thermique repose sur un travail pour rééquilibrer la balance thermique. La stratégie consiste à jouer sur l’évaporation, la convection, la conduction, les radiations et la production de chaleur des animaux.

L’humidité de la salle a une répercussion directe sur la température ressentie par l’animal. Une hausse de l’humidité va diminuer la température critique haute. Mais, l’air étant déjà humide, l’évaporation en sera plus limitée voire inexistante. Par temps chaud orageux ou humide, les possibilités de régulation basée sur l’évaporation seront inefficaces. Les porcs auront alors beaucoup plus de difficultés à réguler leur température.

La première chose est de s’assurer du bon renouvellement de l’air pour faire sortir l’humidité des salles : ouvrir les trappes des entrées d’air et les guillotines des ventilateurs. Un air plus sec optimisera les échanges d’eau par respiration et évaporation.

Une vigilance sur le bon fonctionnement des systèmes de ventilation est alors importante pour éviter les étouffements d’animaux, grâce aux gestes suivants :

– Vérifier et étalonner les sondes de température.

– Inspecter et nettoyer les entrées d’air, les combles et les ventilateurs.

– Vérifier le système d’alarme de coupure de courant et les systèmes d’ouverture d’urgence des portes et/ou fenêtres.

Baisser la température ressentie, favoriser l’ombre

Le passage de l’air (convection) sur la peau des cochons peut aussi permettre de diminuer la température ressentie. Des systèmes appelés cooling refroidissent l’air entrant dans le bâtiment en le faisant passer dans un filet d’eau. Ce qui s'avère efficace sans trop augmenter l’humidité. Par temps sec, il est possible d'arroser les toitures, refroidissant ainsi l’air dans les combles par évaporation avant d’entrer dans les salles. Arroser les couloirs de circulation et ceux des salles réduira de la même manière la température ambiante. On peut aussi arroser directement les animaux pour imiter le comportement des bains en plein air. Le caillebotis sera rafraîchi et l’évaporation de l’eau sur les animaux sera un plus.

Les jours de forte chaleur, il faut limiter l’impact du soleil sur les salles. Obstruer les entrées de lumière comme les fenêtres par des plaques (réfléchissantes ou blanches de préférence) empêchera la salle de se réchauffer par radiation. Les porcs sous les fenêtres seront moins soumis au soleil direct. La toiture et la couleur du bâtiment ont aussi leur importance. Une couleur noire ou sombre absorbera la lumière et la chaleur pouvant chauffer les combles et les salles. L’isolement du bâtiment présente également un intérêt non négligeable.

Limiter le nombre d'animaux et les sources de stress

La densité des cases est un point important. En limitant le nombre d'animaux, on limite les contacts entre. S’il fait froid, les porcs vont s’entasser. À l’inverse, quand il fait chaud, ils vont éviter de rester collés. Ils ont alors besoin de place pour ça. De plus, ils vont d’eux-mêmes rester couchés et maximiser la surface de contact avec le sol, les parois et les murs (conduction). Moins de cochons couchés dans une case, c’est aussi moins de fentes de caillebotis recouvertes et donc un meilleur déplacement d’air entre la salle et la fosse (soit une meilleure convection de l’air sur les animaux).

Il faut également limiter le plus possible toute source d’excitations et de stress. Les interventions, vaccinations et traitements sont à faire le matin ou à reporter à des heures plus fraîches. Le tri des charcutiers, la mise à quai et les départs à l’abattoir le soir, de nuit ou le matin sont aussi à privilégier.

Repas de nuit et eau à volonté

Pour compenser les pertes hydriques, les porcs vont avoir besoin d’eau. Un accès à de l’eau à volonté est important et rendu obligatoire par la réglementation (arrêté du 16 janvier 2003). Un apport supplémentaire d’eau à l’auge est également possible soit en programmant un apport par la soupière soit en remplissant manuellement les auges. Une purge régulière des circuits d’eau rafraîchira l’eau dans le circuit. Il fait chaud donc l’eau dans les tuyaux chauffe.

Un repas est une source d’excitation et l’énergie mise dans la digestion entraîne ensuite une production de chaleur. Quand il fait trop chaud, il est vivement conseillé de réduire la quantité d’aliment distribuée durant les heures chaudes. Si possible, faire des repas de nuit et supprimer les repas de l’après-midi au profit d’apport d’eau. Le taux de dilution de la soupe peut être augmenté.

  • Source principale : Dossier « Heat stress on farm », EU Animal Welfare Reference Centres-Pigs https://urls.fr/QMwxhw
  • Autres sources :
  • – Bracke et al., 2020 Review of climate control and space allowance during transport of pigs https://urls.fr/4bXbNG
  • – Sterrenburg et Van Ouwerkerk, 1990, Model to determine the thermal comfort zone in pigs – BEZOVA https://lc.cx/gryAJZ