Reproduction
FORMATION CANINE
Auteur(s) : Mylène Panizo Conférencier Eliot Gougeon (N 17), résident de l’European College of Veterinary Surgeons (ECVS) au Centre Hospitalier Vétérinaire Frégis (Gentilly, Val-de-Marne). Article rédigé d’après la webconférence « Stérilisation de la chienne : pourquoi, quand, comment ? », organisée par le CHV Frégis, en partenariat avec les laboratoires Hill’s et Zoetis, le 24 mai 2024.
En France, environ 40 % des chiennes sont stérilisées, avec une tendance à la hausse ces dernières années. La stérilisation est source de nombreuses interrogations et d’appréhensions de la part des propriétaires, qui craignent d’éventuelles complications chirurgicales et des effets néfastes à long terme. Le vétérinaire se doit de maîtriser parfaitement le sujet, que ce soit en consultation, en chirurgie et lors du suivi postopératoire. Retour sur les dernières données et les recommandations en la matière.
Intérêts et conséquences
Effets sur le cycle sexuel La stérilisation réduit drastiquement les taux d’hormones sexuelles, ce qui a des répercussions multiples sur la santé de la chienne. Le principal effet est la suppression de la fertilité, qui reste le motif principal des propriétaires. La stérilisation permet également de supprimer les signes de chaleurs et les risques de lactation de pseudogestation.
Effet sur le métabolisme Les œstrogènes ont un effet satiétogène tandis que la progestérone a un effet métabolisant. La stérilisation augmente donc la sensation de faim tout en diminuant les besoins énergétiques de l’animal, ce qui favorise la prise de poids.
Effet sur la continence urinaire La stérilisation augmente le risque d’incontinence urinaire car le sphincter vésical est dépendant des hormones sexuelles. 3 à 5 % des femelles stérilisées présentent une incontinence urinaire. La stérilisation très précoce (avant 3-6 mois) semble être un facteur de risque. Jusqu’à 15 % de celles de grande taille et des races à risque (setter irlandais, berger des Shetland, doberman, etc.) peuvent être affectées.
Effets sur les infections De façon générale, la stérilisation réduit le risque d’un grand nombre d’infections parasitaires, bactériennes et virales chez la chienne1. Un des intérêts majeurs démontré est la suppression du risque de pyomètre. 20 % des femelles entières sont atteintes d’un pyomètre avant l’âge de 10 ans (avec une mortalité de 3 %) 2. Cette prévalence peut être encore plus élevée chez certaines races (colley, rottweiler et cavalier king Charles). Après la stérilisation, le risque de développer un pyomètre est nul (en excluant les apports exogènes ou liés à des tumeurs sécrétantes).
Effets sur les tumeurs La stérilisation semble diminuer le risque de tumeurs mammaires, et ce d’autant plus qu’elle est réalisée tôt3. 13 % des chiennes entières sont atteintes d’un carcinome mammaire avant l’âge de 10 ans4. En revanche, la stérilisation augmente le risque de certains cancers1 – principalement les ostéosarcomes et les carcinomes urothéliaux – notamment chez le golden retriever (hémangiosarcomes et lymphomes chez cette race).
Effets sur les affections ostéo-articulaires La stérilisation en augmente le risque chez les chiennes de plus de 20 kg. Les mécanismes suspectés pourraient être des difformités angulaires liées à un retard de la fermeture des plaques de croissance et le surpoids causé par la stérilisation. Les chiennes stérilisées de grande taille présentent par exemple deux fois plus de risques d’être atteintes d’une rupture du ligament croisé crânial par rapport aux femelles entières de grand gabarit.
Bénéfice global : effet sur l’espérance de vie L’ensemble des répercussions évoquées rendent l’évaluation de l’intérêt global de la stérilisation difficile. Un facteur clé à considérer est l’espérance de vie : une étude1 a démontré que la stérilisation augmente de 26 % l’espérance de vie chez les chiennes, indépendamment de leur niveau de médicalisation. Les causes ne sont pas entièrement connues mais les hormones sexuelles auraient un effet sur la survie cellulaire. De plus, la diminution des traumatismes, des morsures et des maladies citées précédemment ont potentiellement un effet indirect.
Même si un suivi rapproché des affections citées ci-dessus est primordial, la stérilisation des chiennes reste recommandée actuellement.
À quel âge ?
Les recommandations varient en fonction de la race (35 races étudiées dans la publication de référence5) ou du gabarit pour les races non répertoriées dans l’étude et pour les chiennes croisées6.
Chiennes de petits à moyens gabarits (< 19 kg) : la stérilisation est possible dès l’âge de 6 mois, sauf pour le shih tzu, le cocker spaniel et le berger des Shetland, pour qui la stérilisation est recommandée à partir de 23 mois (risque augmenté de développer certains cancers et une incontinence urinaire).
Chiennes de grande taille (> 20 kg) : la stérilisation est recommandée pour la plupart des races à partir de 11 mois. Les boxer, doberman et berger allemand doivent être stérilisés à partir de 23 mois (risque augmenté de développer certains cancers, des affections ostéo-articulaires et une incontinence urinaire).
Golden retriever : il n’existe pas de consensus sur l’intérêt médical de la stérilisation, même tardive. Une discussion préalable s’impose avec le propriétaire pour obtenir un consentement éclairé et planifier un suivi médical rapproché.
Il n’y a pas d’étude démontrant le bénéfice de différer la stérilisation chez les chiennes ayant une vulve encapuchonnée.
Quelles recommandations chirurgicales ?
L’option chirurgicale est à privilégier pour stériliser la plupart des chiennes (les pilules ou la pose d’un implant chez l’adulte sont déconseillées).
L’ovariectomie se réalise principalement par une laparotomie classique. Les manœuvres duodénale et colique permettent de faciliter l’extériorisation des ovaires. L’étirement, voire la section, du ligament suspenseur de l’ovaire augmente la visualisation mais également le risque de déchirures et donc d’hémorragies. Une fois les ovaires extériorisés, les clamps doivent être posés sur le ligament suspenseur de l’ovaire, en effectuant une traction délicate. Le ligament large est disséqué dans le sens des vaisseaux. Il est nécessaire de réaliser des ligatures auto-serrantes ou des doubles ligatures sur le pédicule ovarien (surtout pour les grandes chiennes). La technique de fusion tissulaire réduit la durée de la chirurgie et apporte une sécurité supplémentaire. Il est déconseillé d’effectuer des ligatures transfixantes directement sur le pédicule en raison du risque de perforation vasculaire.
La stérilisation par les flancs est plus traumatique car la dissection est réalisée dans le muscle, ce qui augmente le risque de sérome. L’utilisation d’un crochet permet un abord mini-invasif mais une attention doit être portée à toutes lésions iatrogènes possibles des organes lors de son utilisation (rate et intestins notamment).
L’ovario-hystérectomie n’apporte pas de bénéfices par rapport à l’ovariectomie pour une stérilisation de convenance. Elle est associée à davantage de complications.
L’ovariectomie sous laparoscopie se démocratise en France depuis quelques années. Au lieu d’accéder à la cavité abdominale par une incision, un, deux ou trois ports de 5-10 mm (selon la technique utilisée) sont mis en place le long de la ligne blanche afin d’y insérer une caméra et des instruments dédiés. L’hémostase du pédicule ovarien est réalisée par fusion tissulaire sous contrôle vidéoscopique. L’ovariectomie sous laparoscopie permet de diminuer la douleur postopératoire, les adhérences abdominales, les saignements et les complications liées aux incisions7. La laparoscopie nécessite néanmoins un matériel plus onéreux, des compétences spécifiques et une courbe d’apprentissage plus longue. Elle peut être réalisée sur tous les gabarits, mais son utilisation chez les chiennes miniatures (< 5 kg) est plus délicate en raison de la taille du matériel de laparoscopie disponible actuellement. Des techniques d’impression 3D se développent pour créer des ports laparoscopiques de petite taille (3 mm)8.
Quels risques de complications ?
Ces diverses complications chirurgicales peuvent survenir.
L’hémorragie de l’artère ovarienne : c'est la complication la plus redoutée par le chirurgien. Les facteurs de risques sont l’obésité, opérer pendant ou proche de l’œstrus, une incision réduite ou une traction excessive des ovaires. Tout signe d’état de choc après une stérilisation doit prioritairement orienter vers une hémorragie.
La rémanence ovarienne : l’obésité, une incision réduite, et l’ovariectomie par les flancs sont des facteurs de risques. L’ovaire droit est plus souvent concerné que le gauche car sa visualisation est plus difficile.
Des lésions urétérales et urétrales : elles peuvent survenir en cas de mauvaise visualisation des structures anatomiques, de dissection agressive, ou lors de la mise en place de ligatures trop dorsales et/ou espacées du col en cas d’ovario-hystérectomie.
- L’apparition d’un granulome ou d’un abcès (plus rare), qui est causée par l’utilisation de fils non résorbables, une faute d’asepsie ou une dissection trop agressive.