Interview
ANALYSE MIXTE
Auteur(s) : Propos recueillis par Sarah André
Consultante et formatrice en bien-être animal et agroécologie, Caroline Oulhen (N 11) nous raconte son parcours et ses réflexions l'ayant menée jusqu'à la création de sa propre entreprise d’accompagnement de la transition agricole.
Vous avez pratiqué en rurale puis travaillé en tant que vétérinaire conseil durant quelques années avant de monter Atout Élevage*, votre entreprise de conseil en élevage et formation des professionnels de l’agriculture. Comment en êtes-vous arrivée là ?
Je suis fille d’un éleveur de bovins laitiers et d’une infirmière, très tôt la santé animale a été une évidence pour moi. Je me suis aussi vue très tôt comme mon propre chef. La clinique dans laquelle j’ai eu mon tout premier poste proposait du conseil en élevage. Très vite, des éleveurs m’ont choisie pour que je fasse des audits, et j’ai adoré ça ! Il ne s’agit pas d’une démarche « d’urgence », j’ai beaucoup aimé cette partie « enquête » et sa dimension humaine pour aller progressivement vers la solution. J’ai ensuite travaillé dans une autre clinique mais qui ne proposait pas d’audits. Je me suis sentie un peu frustrée car j’aime le soin mais aussi beaucoup la prévention. J’ai ensuite travaillé en conseil d’élevage où j’ai fait beaucoup de formations. Par la suite, j’ai décidé d’aller encore plus loin donc je me suis lancée en tant qu’indépendante pour prendre en compte d’autres aspects comme la relation humain-animal ou encore l’agroécologie.
Vous dites que soigner les animaux ne vous a plus suffi, que vous manquait-il dans votre pratique rurale ?
J’ai constaté que j’allais plusieurs fois dans les mêmes élevages pour soigner les mêmes problèmes. Les possibilités thérapeutiques étant financièrement limitées, j’ai trouvé que c’était assez routinier malgré la diversité des situations. Il fallait faire quelque chose pour le bien-être animal comme pour les éleveurs. Je voulais aller encore plus loin pour comprendre quels étaient leurs problèmes et les résoudre.
En quoi consistent les services proposés par votre entreprise et à qui s’adressent-ils ?
Je propose trois types de services qui s’adressent à plusieurs cibles. Tout d’abord, de l’accompagnement individuel pour les éleveurs. L’objectif est de trouver l’origine de leurs problèmes ou bien des axes d’amélioration. Cela peut se matérialiser par des prestations courtes sur une demi-journée ou de manière plus récurrente pour arriver au résultat. Suite à une discussion avec un confrère, je songe à proposer ce service aux vétérinaires. Ensuite, je propose un service plus axé sur les aspects scientifiques aux organismes para-agricoles (entreprises de fabrication et commercialisation de minéraux, associations travaillant sur le bien-être animal, etc.) pour faire des recherches bibliographiques, de la conception d’outils de communication, de la réflexion de projets… J’agis vraiment comme un « œil extérieur » à ces organismes pour les accompagner sur leurs projets. Je fais également de la vulgarisation sous forme de formations collectives destinées aux éleveurs, aux techniciens, aux technico-commerciaux mais aussi aux vétérinaires. Elles peuvent se faire en présentiel et en distanciel.
Sur votre site, on peut lire « Nourrir les Hommes aujourd’hui… et demain ». Pourquoi avoir choisi ce slogan ?
Ce n’est pas juste un slogan choisi pour mon entreprise, c’est ce qui m’anime profondément ! La nourriture, c’est très important. J’aime cuisiner et j’aime beaucoup l’aspect production qui m’a toujours accompagnée et qui crée un sentiment de liberté. En plus, c’est un réel enjeu d’aujourd’hui et de demain avec ses différents challenges. La production me tient vraiment à cœur. En accompagnant dans la production, l’impact est plus grand qu’en ayant ma propre ferme.
Qu'appréciez-vous le plus dans votre activité ?
Partager à la fois les connaissances et l’expérience. Quand je fais des formations, j’apprends tous les jours. Je ne fais pas que former des personnes, on partage nos expériences et c’est très enrichissant.
Vous avez été formée à la méthode « Signes de Vaches » (CowSignals ND). En quoi est-elle utile dans votre entreprise ?
Il s’agit d’une méthode d’évaluation et de proposition de recommandations autour du bien-être animal en prenant en compte les attentes et les contraintes des personnes qui y travaillent. Cette méthode est intéressante sur le plan technique car elle dispose de solides références à l’international, et sur le plan pédagogique puisqu’elle donne des outils pour tisser un lien de confiance avec son interlocuteur.
Ayant grandi dans un élevage de bovins laitiers, vous avez toujours été au contact d’éleveurs, constatez-vous une évolution dans leur besoin de se former ?
Je constate plutôt une évolution dans leurs attentes, qui sont différentes de leurs besoins. Les éleveurs attendent des nouveautés dans les formations mais ils sont aussi intéressés pour revenir sur les fondamentaux, notamment sur les aspects techniques au quotidien (la santé des veaux est, par exemple, un sujet que je propose régulièrement). Ce sont surtout des thématiques pour lesquelles les éleveurs appellent moins le vétérinaire.
Pour quelles missions êtes-vous la plus sollicitée ?
C’est très fluctuant. Je me suis lancée à mon compte depuis un an et demi et je dirais qu’en 2023 la prévention santé a été plus importante. Pour cette année, j’interviens le plus souvent en bien-être animal et dans la relation humain-animal.
Quel est le retour sur investissement attendu pour les personnes que vous avez formées ?
Tout dépend du sujet. Par exemple, j’ai récemment formé des inséminateurs et les retours ont été immédiats, dans la semaine suivant la formation, où ils ont appris des techniques simples qu’ils ont pu mettre en pratique. Tout de suite, ils ont ressenti plus de sécurité aussi bien pour eux que pour les vaches, mais aussi une valorisation du bien-être animal. Un autre aspect est le gain de temps. Je peux citer une éleveuse qui est passée de 2 heures à 30 minutes pour déplacer ses génisses en mettant en place des techniques simples. Enfin, j’attends un bénéfice sur le plus long terme, notamment vis-à-vis de l’environnement et de la biodiversité. Mais comme cet aspect ne dépend pas que d’un seul facteur, cela prendra plus de temps avant de pouvoir l'observer.
Quels sont vos futurs objectifs pour Atout Élevage ?
J’aimerais continuer sur ma lancée le plus sereinement possible et toucher un maximum de monde, plus particulièrement au sein de ma région, même s’il m’arrive de me déplacer dans toute la France et en Belgique. Je souhaite aussi développer mon offre sur comment concilier bien-être animal et bien-être au travail, des sujets qui me sont chers.