Maladies nosocomiales
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Amandine Violé
Sous-estimées, les infections nosocomiales en milieu vétérinaire ont toutefois de graves conséquences tant sur le plan sanitaire qu’économique. État de lieux et recommandations pour les limiter.
La prévention médicale, association loi 1901, œuvre pour la prévention des risques médicaux et paramédicaux en médecine humaine. La formation continue des différents acteurs du milieu s’inscrit dans ses engagements. Dans l’idée d’une santé One Health, celle-ci organise également des actions croisées avec le milieu vétérinaire, eu égard à certaines problématiques communes. Celle de la maîtrise du risque infectieux en hospitalisation en est une. Marie-Christine Moll, docteure et gestionnaire de risques pour l’association, Michel Baussier (A 75), ancien président du conseil de l’Ordre des vétérinaires et Cyrill Poncet (T 98), chirurgien diplômé de l'European College of Veterinary Surgeons au CHV Frégis (Gentilly, Val-de-Marne), se sont réunis en visioconférence pour échanger sur ce sujet, le 12 juin dernier.
Une nette augmentation des cas en milieu hospitalier
En médecine humaine, la dernière enquête nationale de prévalence (ENP1), coordonnée en 2022 par Santé publique France, rapporte qu’un patient sur dix-huit présente au moins une infection nosocomiale, à l’origine d’un décès sur cinq mille. Principalement manuportées, ces infections concernent dans 70 % des cas les systèmes urinaire et pulmonaire, et les sites opératoires. Quatre germes prédominent : Escherichia coli, Staphylococcus aureus, Enterococcus faecalis, Pseudomonas aeruginosa.
Les données épidémiologiques soulignent par ailleurs une nette augmentation (7,5 %) de la prévalence des patients ayant reçu une antibiothérapie entre 2017 et 20222. Une donnée d’importance dans la mesure où trois quarts des décès secondaires aux infections nosocomiales sont attribués à une résistance aux antibiotiques, source d’impasses thérapeutiques.
Peu de données existent en médecine vétérinaire bien que ce risque soit tout aussi réel, au vu de conditions hospitalières similaires. Sous-estimées, les infections nosocomiales ont toutefois de graves conséquences tant sur le plan sanitaire qu’économique. En 2010, une étude révèle que 17,3 % des praticiens réunis au congrès de l’American Congress of Veterinary Surgeon, étaient positifs à des souches de Staphylococcus aureus résistants à la méticilline (SARM), l’une des bactéries les plus fréquemment incriminée lors d’infection nosocomiale3. Bien qu’isolée, cette étude suggère que nous sommes, en tant que professionnels de santé, des sources potentielles de contamination pour nos patients.
Hygiène et usage raisonné des antibiotiques
Quel que soit leur mode de transmission, leur émergence est favorisée par le statut de l’animal (âge, pathologies intercurrentes, traitements), l'environnement (structures à forte densité d’animaux et de personnel, procédures d’hygiène) et la nature des actes réalisés. Les infections du tractus urinaire, du site d’insertion du cathéter et des sites opératoires sont les plus fréquemment décrites.
La lutte repose sur une approche globale, incluant deux volets d’importance : l’application de mesures d’hygiène strictes ainsi que le respect de bonnes pratiques concernant l’usage des antibiotiques.
Les solutions hydroalcooliques, plus faciles à utiliser que des savons désinfectants, sont recommandées pour le lavage régulier des mains. Le port d’une tenue vestimentaire adaptée permet de limiter l’introduction de germes environnementaux. Le respect de la marche en avant et la mise en place de procédures de nettoyage des surfaces et des équipements sont à systématiser au sein de chaque établissement vétérinaire. L’occurrence de cas avérés doit par ailleurs motiver de plus amples investigations épidémiologiques.
Dans la mesure du possible, Cyrill Poncet souligne l’importance de changer tous les trois jours au miminum le cathéter des animaux hospitalisés, après tonte et asepsie de la zone. Avant tout acte à caractère invasif, une asepsie de niveau chirurgical est requise. Son efficacité est conditionnée par le temps de contact des produits antiseptiques avec le site d’intérêt (2 min pour la chlorhexidine, 3 min pour la povidone iodée) ainsi que le nombre de savonnages antiseptiques « du propre vers le sale » réalisés.
Cyrill Poncet a par ailleurs insisté sur le caractère indispensable d’un usage raisonné et ciblé des antibiotiques dans ce contexte. Quelques recommandations prévalent comme les suivantes.
– La mise en place d’une sonde urinaire à demeure ne justifie pas l’initiation d’une antibiothérapie.
– Au bloc opératoire, l’antibioprophylaxie doit être envisagée pour toute chirurgie de durée supérieure à 90 mim, selon son niveau de contamination, l’état de santé de l’animal et en cas d'utilisation d’implants chirurgicaux. Elle repose alors sur l’administration, 30 min avant l’incision, d’un antibiotique large spectre de catégorie 1 (céfalexine ou amoxicilline-acide clavulanique), à répéter toutes les 90 min. En l’absence d’infection, les antibiotiques doivent être arrêtés à l’issue de l’acte.
Des risques vétérinaires spécifiques
D’autres risques, spécifiques au domaine vétérinaire, ont également été évoqués. Les premiers sont d’ordre physique (morsure, griffure), majorés par le changement comportemental observé chez certains patients hospitalisés. L’application de procédures internes – vérification des issues d’entrée et de sortie, mise en place de moyens de contention efficaces, adaptation des conditions d’hospitalisation, etc., – contribue à les limiter.
Les seconds, d'ordre social, résultent des litiges entre vétérinaire et propriétaire, susceptibles d’émerger dans ce contexte. Pour y faire face, Michel Baussier rappelle que la transparence et la communication sont capitales. L’avènement de la culture du consentement éclairé a d’ailleurs permis une nette diminution des contestations répertoriées par l’Ordre. Beaucoup d’entre elles se rapportaient notamment à la continuité des soins en dehors de la phase d’hospitalisation. Michel Baussier rappelle à ce titre l’importance des procédures suivantes.
– Spécifier systématiquement au propriétaire les conditions générales de fonctionnement de l’établissement concerné, notamment en cas de discontinuité des soins en week-end ou en nuit.
– Éviter d’hospitaliser en sur-capacité par rapport aux possibilités de la structure et aux effectifs du personnel soignant.
– Développer des modules de formation axés sur le relationnel et la communication client.