Thérapeutique
PHARMACIE
Auteur(s) : Par Sarah André Conférencière Anne Roussel (N 08), spécialiste en dermatologie vétérinaire à la clinique vétérinaire Nissa Vet (Nice). Article rédigé d’après une webconférence intitulée « L'antibiothérapie en dermatologie et ses alternatives » et présentée le 25 juin 20241.
Dans le cadre du nouveau plan EcoA.ntibio, comment les praticiens peuvent-ils réduire l'exposition des chiens et des chats
aux antibiotiques en cas d'atteintes dermatologiques?
L’antibiorésistance est une problématique à l’échelle mondiale : « On pense d’ailleurs qu'en 2050 l’antibiorésistance pourrait être responsable de plus de dix millions de décès », a indiqué Anne Roussel (données de l’Organisation mondiale de la santé). C’est dans ce contexte que les plans EcoAntibio 1 (2011-2017) et EcoAntibio 2 (2017-2021) ont été mis en place. Ces derniers ont permis, en moyenne, une réduction de l’exposition des animaux aux antibiotiques de l’ordre de 52 %. Néanmoins, chez les chiens et les chats, malgré une première diminution dès 2011, une remontée de l’usage d’antibiotiques chez ces espèces est à noter, notamment vis-à-vis de l’usage d’amoxicilline, en association ou non avec l’acide clavulanique.
Ainsi, la médecine canine compte comme objectif au sein du nouveau plan EcoAntibio 3 (2023-2028) une réduction de l’exposition des chiens et des chats aux antibiotiques de 15 %. Le bon usage d’antibiotiques en médecine canine et féline doit ainsi s’appuyer sur les recommandations2. Qu’en est-il de leur usage en dermatologie ? « Pour la peau, on va s’intéresser à la profondeur de l’infection », a déclaré Anne Roussel. Il convient dès lors de distinguer infections bactériennes de surface (intertrigo, dermatite pyotraumatique, Bacterial Overgrowth [BOG], etc.), superficielles où le follicule pileux est atteint (folliculite bactérienne, impétigo, etc.), et profondes, où le follicule pileux est détruit en association à une forte inflammation (furonculose, acné, etc.).
Antibiotiques : quand les utiliser ?
Tout d’abord, pour les infections bactériennes de surface, Anne Roussel a rappelé l’importance de la tonte dans le choix thérapeutique : « Si vous tondez et que vous observez qu’il n’y a pas de petites papules satellites autour de la lésion de hot spot, il n’y a pas nécessité de mettre d’antibiotiques. » Le choix d’utiliser un antibiotique ou non dépend de la profondeur et de l’étendue des lésions dermatologiques. Par exemple, pour des lésions de type intertrigo, l’usage de topiques antiseptiques en première intention est recommandé, voire de topiques antibiotiques à base d’acide fusidique ; le traitement de choix reste la plastie chirurgicale. En revanche, pour les BOG, une antibiothérapie systémique s’impose en cas de lésions étendues.
De même, en cas de folliculite bactérienne, le choix dépend de l’étendue des lésions. Lorsque ces dernières sont localisées, l’usage d’un antiseptique topique (à base de chlorexidine) s’impose dans un premier temps, voire en association avec un topique antibiotique (à base d’acide fusidique). Néanmoins, si les lésions sont étendues, le topique doit être associé à une antibiothérapie systémique pour un traitement d’au moins trois semaines. Ainsi, l’examen cytologique est primordial en cas d’infection pour assurer un suivi optimal des lésions.
La durée du traitement antibiotique est également un élément clef sur lequel doit se pencher le praticien, comme l’a rappelé Anne Roussel, et dépend de la lésion dermatologique. De fait, pour un traitement antibiotique en dermatologie, ses recommandations sont d’une durée de trois semaines au minimum pour une infection bactérienne de surface ; trois à quatre semaines (et une semaine après la guérison clinique) pour des lésions superficielles ; et au moins quatre semaines (et deux à trois semaines après la guérison clinique) pour les infections dermatologiques profondes. Un suivi clinique et cytologique s’avère, là aussi, indispensable.
Pour le choix de la molécule, il est nécessaire de se baser sur les recommandations de l’Agence européenne des médicaments (European Medicines Agency, EMA) de 20193. Enfin, Anne Roussel tient à porter l’attention des praticiens sur leurs recherches bibliographiques puisque, par exemple, les recommandations américaines sont différentes des recommandations européennes en matière d’antibiotiques.
Quelles options ?
En dermatologie, les antiseptiques peuvent être utilisés seuls ou en association avec des antibiotiques. « Les antiseptiques ont une très bonne efficacité, parfois même comparable à celle des antibiotiques », a indiqué Anne Roussel. Plusieurs études ont été réalisées sur le sujet pour évaluer l’efficacité de divers antiseptiques sur différentes bactéries. Toutefois, la mise en place de bonnes pratiques semble de mise pour éviter l’émergence de résistances, des lignes directrices sont actuellement en place en médecine humaine.
D’autres solutions s'offrent également au praticien, comme l’utilisation d’ions argent qui perméabilisent les membranes bactériennes et induisent la production de dérivés réactifs de l’oxygène. Le miel représente aussi une alternative dans la mesure où il contient une enzyme productrice de peroxyde d’hydrogène. Plusieurs études ont traité de l’usage de miel dans les otites externes chez le chien. Le miel de Manuka ressort notamment ; son composé actif, le méthylglyoxal, est quantifié d’un miel de Manuka à un autre. Par ailleurs, Anne Roussel a également cité les huiles essentielles : « il y a pas mal d’études qui ont été faites – sur les huiles essentielles de Manuka notamment – avec une excellente activité », précise-t-elle. L’ototoxicité in vivo n’est néanmoins pas encore connue. D’autres huiles essentielles peuvent être citées, comme le tea tree (arbre à thé) et la cannelle, des études sont disponibles sur le sujet.
Enfin, Anne Roussel a également déclaré que « certains produits vétérinaires contiennent des peptides antimicrobiens, ils peuvent être relativement intéressants pour le traitement des infections. » D’autres solutions ont également été citées comme l’utilisation de peroxyde de benzoyle, la phagothérapie ou encore la biomodulation par fluorescence (BMF).
La biomodulation par fluorescence (BMF) : une alternative aux résultats prometteurs
La BMF est une des alternatives aux antibiotiques dont l’usage est possible en dermatologie, comme l’a indiqué Anne Roussel. La fluorescence est ainsi utilisée pour générer de la biomodulation au moyen de longueurs d’onde. « Les photons bleus vont venir interagir avec des chromophores spécifiques exogènes qui vont être déposés à la surface de la peau de l’animal sous forme de gel. Par un mécanisme physique assez bien connu, le phénomène de Stockes, les chromophores vont venir absorber la lumière bleue et émettre à nouveau de la lumière polychromatique fluorescente », a indiqué Océane Richard (Vetoquinol). Les différentes longueurs d’onde permettent d’atteindre diverses profondeurs de la peau afin d’interagir avec les chromophores des mitochondries dans le but d’accélérer la régénération cutanée. Ce mécanisme est utilisable en cas de pyodermite superficielle, pyodermite profonde, plaies, abcès, fistules périanales ou encore brûlures. La durée des soins locaux est également réduite.
À ce propos, une nouvelle publication1 a démontré que le système de biomodulation par fluorescence PHOVIA® (Vetoquinol) améliore la régénération cutanée des plaies après mastectomie chez les chiennes. Pour limiter le risque d’infections postopératoires suite à une telle chirurgie, les avantages de cette technique ont été démontrés2 : moins de risques d’infections, une meilleure régénération cutanée ainsi que moins de soins à domicile à réaliser par les propriétaires. Des études de scores cliniques reconnues ont testé plusieurs paramètres pour comparer les plaies de mastectomies chez des chiennes comme l’apposition des bords de la plaie, l’irrégularité du contour de la peau, la séparation des bords de la plaie et la distorsion de la cicatrice (voir photo). Pour chaque chienne, la moitié de la plaie a été traitée avec le système PHOVIA®, et l’autre moitié a fait office de témoin. Quant au risque d’infections, des cultures bactériennes ont été réalisées suite à un écouvillonnage des plaies. Aucune croissance bactérienne n’a été retrouvée sur les parties de plaies prises en charge par BMF, alors que des résultats de cultures positives ont été mis en avant au niveau de certaines parties de plaies sans BMF.