Diagnostic de la dysplasie du coude - La Semaine Vétérinaire n° 2046 du 06/09/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2046 du 06/09/2024

Orthopédie

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Gwenaël Outters

Conférencier

Pierre Guillaumot (L 02), DESV en chirurgie des animaux de compagnie, diplômé de l'European College of Veterinary Surgeons, praticien à la clinique Olliolis, à Ollioules (Var)

Article rédigé d’après la conférence « Consensus sur le diagnostic de la dysplasie du coude : lier la clinique et l’imagerie », présentée au congrès de l'Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac), en décembre 2023, à Lille.

Quatre lésions sont rencontrées dans la dysplasie du coude (DC) : l’incongruence articulaire (IA), la non-union du processus anconé (NUPA), l’ostéochondrite disséquante (OCD) du condyle huméral médial et la fragmentation du processus coronoïde médial (FPCM, ou Medial Compartiment Disease ou Coronoid Disease pour les Anglo-Saxons). Les spécificités anatomiques du coude et sa grande congruence articulaire rendent difficile le diagnostic de dysplasie du coude.

Description des lésions

L’IA correspond à un mauvais alignement des surfaces articulaires au niveau du coude : ce défaut d’alignement peut être lié à un défaut de conformation de l’incisure ulnaire (trop étroite) ou à un défaut de correspondance entre la longueur du radius et la longueur de l’ulna : il s’ensuit un défaut de coaptation. Cette incongruence peut parfois être temporaire ou dynamique.

La NUPA résulte du défaut de fusion, au-delà de l’âge de 20 semaines, entre le processus anconé (PA) et le reste de l’olécrane : un noyau d’ossification secondaire fusionne normalement entre le PA et l’olécrane.

L’OCD du condyle huméral médial est liée à un défaut de vascularisation de l’épiphyse de l’humérus qui induit un défaut d’ossification endochondrale, une nécrose focale de l’os sous-chondral, et enfin le soulèvement d’un un volet cartilagineux. Ceci entraîne des conflits mécaniques et une inflammation importante par exposition de l’os sous-chondral.

La FPCM est un continuum de lésions : fragments détachés de l’extrémité du processus coronoïde médial (PCM), parfois fissure avec un fragment en place ou encore la présence de fissurations de l’os sous-chondral au niveau du PCM, qui se caractérise par un défaut de consistance du cartilage sous-jacent (chondromalacie). En face de l’extrémité du PCM, la région du condyle huméral médial, va présenter, de par les frottements, des lésions dites en miroir.

Épidémiologie

Les chiens de grandes races sont davantage touchés. Des spécificités raciales vont guider la recherche des lésions : plutôt une FPCM chez le rottweiler, une IA et/ou une FPCM chez le bouvier bernois, une FPCM et/ou une OCD chez les retrievers et une NUPA ou une FPCM chez le berger allemand.

Clinique

Même si le début des symptômes est précoce, entre 6 et 12 mois, des expressions tardives existent. La boiterie peut être assez discrète, plutôt présente à froid lors du relevé de l’animal, ou après un effort intense. L’animal est examiné au pas puis au trot pour détecter plus facilement les anomalies de la démarche. Le port du membre est parfois altéré au repos, avec un membre en rotation externe, position antalgique qui décharge le compartiment interne du coude. Le coude peut être ankylosé chez l’animal plus âgé, avec des craquements à la mobilisation. La douleur peut être mise en évidence en hyperflexion mais surtout en hyperextension (tension sur la capsule articulaire). Enfin, une bonne partie de ces chiens présente une synovite, parfois visible par une distension de la capsule, qui se palpe plus facilement de part et d’autre de la partie dorsale de l’olécrane sur les récessus articulaires.

Le test de Campbell consiste à identifier une douleur en mettant en tension le ligament collatéral médial pour effectuer une pression sur le PCM : le coude et le poignet sont positionnés chacun à angle droit et une rotation externe du poignet est appliquée.

La DC ne présente pas de signes pathognomoniques, elle est parfois silencieuse en phase précoce et peut se manifester tardivement chez l’adulte. L’imagerie est indispensable au diagnostic.

Radiographie

La première incidence est une vue de face, cranio-caudale, animal en décubitus ventral, membre étendu. Lors de FPCM, de petits remaniements peuvent être visualisés dans la projection du PCM. La superposition du PCM et de l’olécrane empêche toutefois un examen exhaustif du processus. Une vue en légère rotation interne de 25° apporte une meilleure évaluation du PCM.

La seconde incidence est une vue medio-latérale, de profil, animal en décubitus latéral, coude en semi-flexion. La région du PCM peut être examinée mais elle se superpose avec la tête radiale. En revanche, des modifications de densité osseuse peuvent être visibles : une sclérose de l’incisure ulnaire est fréquemment le reflet d’une FPCM. L’IA peut également être recherchée sur cette incidence : le centre des condyles huméraux doit parfaitement se superposer avec le centre du cercle joignant la surface articulaire de la tête radiale avec l’incisure.

Chez le très jeune, une zone de croissance sur les condyles huméraux se superpose avec le PA et peut faire penser à tort à une NUPA. Souvent il est difficile sur la vue de profil en extension de déterminer la localisation humérale ou ulnaire d’une zone de radiotransparence car le PA vient se placer dans le récessus supra-trochléaire. Une vue de profil en hyperflexion permet de détacher le PA. Cette vue permet d’examiner son bord dorsal et la présence de signes d’arthrose précoce. Le défaut d’évaluation du PCM sur la vue de profil peut être contourné par l’utilisation de vues particulières médio-distale latéro-proximale, avec coussin1.

Dépistage officiel

Le dépistage radiologique consiste à identifier la présence d’une DC chez des individus non symptomatiques, dans le but de sélection génétique, sans avoir pour objectif particulier d’envisager des possibilités thérapeutiques ultérieures. Le protocole est standardisé : vue de profil en hyperflexion, vue de profil classique et vue de face en rotation interne. La lecture de ces incidences détermine une note qui permet de dire si le coude est dysplasique et de grader cette dysplasie.

Limites de la radiographie

Les études montrent que la sensibilité de la radiographie dans la détection des lésions du PCM varie de 10 à 62 %. Dans une étude sur 236 chiens présentant une lésion du PCM confirmée à l’arthroscopie, la radiographie était normale dans près de 25 % des cas2.

Pour l’évaluation de l’IA, les cas discrets sont bien souvent non diagnostiqués à la radiographie. : une étude menée avec 4 radiologues diplômés a montré 20 % d’erreur diagnostique3. Dans cette étude, un décalage de 1,5 à 4 mm, selon les radiologues, était nécessaire pour permettre de diagnostiquer l’incongruence à la radiographie. De plus, la radiographie est très affectée par les mouvements de pronation et de supination.

Scanner

Le scanner est aujourd’hui l’examen de choix et le plus fréquemment mis en œuvre dans le diagnostic et le bilan lésionnel de la DC : il désuperpose les structures et permet d’identifier les défauts de densité du PCM, ses lésions fines, ainsi que les remaniements entre le PA et le reste de l’olécrane. Il permet en outre de guider les choix opératoires : la sévérité des remaniements entre le PA et l’olécrane va influencer le choix de réaliser un vissage du fragment non-uni.

La NUPA se diagnostique en général aisément à la radiographie. Elle peut toutefois s’accompagner d’une FPCM (comme chez le berger allemand dont 16 % des animaux présentent une concomitance des 2 lésions) : le scanner permet de réaliser un bilan lésionnel complet et de réaliser une prise en charge exhaustive des lésions en présence.

Arthroscopie

L’arthroscopie présente un intérêt majeur dans le traitement des lésions de la DC. Elle en permet parfois aussi le diagnostic dans le cas de chiens dont les lésions sont minimales, peu ou pas visibles au scanner : fissures du PCM, modification de la consistance du cartilage, signe de fissuration de l’os sous-chondral. Le caractère dynamique de l’examen permet de tester le degré de mobilité d’un PA non-uni. L’arthroscopie est l’examen le plus performant pour détecter l’IA, en s’aidant d’un palpeur pour objectiver la sévérité du défaut d’alignement entre la tête radiale et l’incisure ulnaire. La modification de position du coude (pronation-supination) offre la possibilité d’un examen dynamique.

En conclusion, la radiographie peut garder sa place dans le diagnostic de la DC, mais essentiellement comme examen de dépistage et présente une faible sensibilité dont il faut savoir tenir compte. Le scanner est nécessaire au diagnostic dans bien des cas et est indispensable pour la réalisation d’un bilan lésionnel complet. Enfin, de rares cas présentent des images scanner normales dans un contexte clinique évocateur et peuvent nécessiter une arthroscopie à visée diagnostique.

  • 1. Haudiquet P., Marcellin-Little D., Stebbins M. : Use of the distomedial-proximolateral oblique radiographic view of the elbow joint for examination of the medial coronoid process in dogs. Am J Vet Res. 2002 Jul;63(7):1000-5. https://urlz.fr/rUS5 
  • 2. FITZPATRICK, N., SMITH, T. J., EVANS, R. B. &  YEADON, R. (2009) Radiographic and arthroscopic findings in the elbow joints of 263 dogs with medial coronoid disease. Vet Surg 38, 213-223 https://urlz.fr/rUS8
  • 3. MASON (D.R.) et al(2002) Sensitivity of Radiographic Evaluation of Radio-Ulnar Incongruencee in the Dog In Vitro, Vet. Surg. 31 : 125-132 https://urlz.fr/rUSf