Nouvelle alerte sur le Monkeypox - La Semaine Vétérinaire n° 2046 du 06/09/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2046 du 06/09/2024

Zoonose

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : Par Tanit Halfon

Mi-août dernier, l’Organisation mondiale de la santé a déclenché une urgence de santé publique de portée internationale, face à la dynamique de la maladie en Afrique. À ce stade, la situation sanitaire reste surtout préoccupante en Afrique. En Europe, la surveillance est de mise.

Le Monkeypox (Mpox) est de retour dans l’actualité médiatique de la rentrée. Le 14 août 2024, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a estimé que « la recrudescence de variole simienne (Mpox) en République démocratique du Congo (RDC) et dans un nombre croissant de pays d’Afrique constituait une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) au titre du Règlement sanitaire international (2005) ». Des raisons de s’inquiéter ? On fait le point.

Une première alerte en 2022

Ce n’est pas la première fois que l’OMS émet une alerte mondiale pour le Mpox. Cela avait été déjà le cas en juillet 2022, au moment où l’orthopoxvirus s’était propagé dans de nombreux pays hors de sa zone d’endémie*, en particulier en Europe. En avril 2023, l’OMS avait dénombré environ 87 000 cas de variole, dont une centaine de décès, dans cent dix pays. La plupart des cas concernaient des hommes ayant des rapports intimes avec d’autres hommes. Cette flambée avait été causée par le clade IIb, considéré comme le moins virulent des deux clades répertoriés (voir encadré). La fin de l’état d'urgence avait été actée en mai 2023.

Une recrudescence en RDC

La fin de la première alerte n’a pas signé la fin de la circulation du virus. Si en Europe, l’incidence s’était stabilisée à un niveau bas (par exemple, en France, 52 cas d’infections avaient été recensés en 2023, contre près de 5000 cas confirmés ou cliniquement compatibles pour l'année 2022 ; aucun décès n'a été rapporté), la dynamique est restée nettement plus marquée en Afrique. Et plus particulièrement en République démocratique du Congo (RDC). Dans ce pays, le clade I est endémique, et la maladie associée touche principalement les enfants selon l'OMS.

Depuis 2022, le nombre de cas est allé crescendo jusqu’à arriver à une situation épidémique en 2023. Pour l’année 2024, selon l'OMS, on en serait à plus de 15 000 cas cliniquement compatibles dans le pays, et plus de 500 décès, ce qui dépasse le nombre de cas enregistrés dans le pays en 2023. Au 26 mai 2024, sur les 7 851 cas confirmés de Mpox, 39 % concernaient des enfants de moins de 5 ans (3 090 enfants), dont 240 décès (soit 62 % du total des décès). Cette épidémie s’est accompagnée de l’émergence d’un nouveau variant, Ib. En parallèle, des cas liés au clade I ont commencé à être signalés dans plusieurs pays voisins.

Cette situation sanitaire, associée à un contexte local compliqué pour gérer la maladie, a conduit l’OMS à déclarer sa deuxième alerte.

Un risque faible pour l’Europe

Selon l’European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC), le risque pour la population générale est considéré comme faible, même si des cas sporadiques sont à attendre, en lien avec les voyages. Un premier cas a d'ailleurs été rapporté en Europe, en août 2024 en Suède chez une personne ayant séjourné en Afrique ; puis un autre le même mois en Thaïlande également chez un voyageur revenant du continent africain. Selon l'ECDC, en cas de contact avec des cas importés, la gravité de la maladie devrait être faible à modérée pour les personnes ayant des maladies sous-jacentes, notamment les personnes immunodéprimées.

Cette évaluation des risques ne reste valable qu’à la condition que les cas importés soient diagnostiqués rapidement et que des mesures adéquates de contrôle soient mises en œuvre. Selon Santé publique France, « les autorités sanitaires disposent, depuis l’épidémie de 2022, d’une stratégie de réponse en termes de surveillance, prévention, diagnostic rapide, prise en charge des cas et des contacts, et vaccination ». Pour rappel, le Mpox est à déclaration obligatoire.

Un enjeu vaccinal pour l’Afrique

Dans ce contexte, un des principaux enjeux est de pouvoir vacciner en Afrique. Pour ce faire, l’OMS a activé un protocole d’autorisation d’utilisation d’urgence de deux vaccins contre le Mpox, et débloqué un premier fonds de 1,45 million de dollars. L'Organisation a aussi lancé un plan stratégique mondial de préparation et d'intervention pour mettre fin aux flambées de transmission interhumaine de la variole par des efforts coordonnés aux niveaux mondial, régional et national. Le coût global est estimé à 135 millions de dollars.

Plusieurs pays ont annoncé faire des dons de vaccins, dont la France avec un don de cent mille vaccins. Du côté de l’Europe, la Commission européenne va fournir 175 420 doses de vaccin MVA-BN®, et coordonner un autre don de 40 000 doses du laboratoire Bavarian Nordic. Les vaccins seront distribués par le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique). Ce dernier a indiqué que des millions de doses de vaccins pourraient être nécessaires. Une subvention de 3,5 millions d’euros est aussi prévue par la commission pour l’accès au diagnostic et séquençage.

La vaccination préventive possible en France

En France, une vaccination préventive est proposée depuis la flambée de 2022 d’une part en post-exposition ; d’autre part pour les groupes les plus exposés au virus soit les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes et ayant des partenaires multiples, les personnes trans ayant des partenaires multiples, les travailleurs et travailleuses du sexe, les professionnels exerçant dans les lieux de consommation sexuelle, et les femmes partenaires occasionnelles ou partageant le même lieu de vie que des personnes à très haut risque d'exposition. La vaccination contre le Mpox est proposée dans plus de deux cent lieux ; ils sont listés sur le site https://www.monkeypox-info-service.fr/.

Une actualisation de cette stratégie vaccinale est attendue par la Haute autorité de santé, mais a priori, les vaccins disponibles devraient protéger contre le nouveau clade. Selon le ministère de la Santé, notre stock de vaccins antivarioliques de 3e génération est « en nombre suffisant pour faire face à une épidémie qui se développerait sur le territoire ».

Une transmission interhumaine par contact physique étroit

Le Mpox est caractérisé par deux clades* : le clade I avec les sous-clades Ia et Ib qui circulent dans le bassin du Congo en Afrique centrale, et le clade II avec aussi deux sous-clades IIa et IIb qui concernent l’Afrique de l’Ouest. Selon des études menées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans les années 1980, le taux de mortalité du clade I serait d’environ 10 %, avec une majorité de décès chez des enfants. Pour le clade Ia, les données disponibles 2024 montrent un taux de létalité de 3,6 %. On ne connaît pas encore les différences avec le clade Ib. En Europe, selon les données de l'European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC), les cas signalés jusqu’à ce jour (environ 18 000), tous liés au clade II, ont été en grande majorité bénins. Dix décès ont toutefois été signalés (létalité 0,1 %), tout comme des hospitalisations (7 % des cas confirmés)

Des questions sur la transmission

Dans les deux cas, la transmission interhumaine se fait par contact physique étroit, y compris par contact sexuel. Selon l’OMS, « l’épidémie provoquée par le clade Ib en République du Congo touche principalement les adultes et se propage rapidement, en grande partie (mais pas exclusivement) du fait de la transmission par contact sexuel, qui est particulièrement importante dans les réseaux liés au commerce du sexe et parmi les travailleurs et travailleuses du sexe. » Mais selon l’ECDC, à ce stade, « il existe encore des incertitudes importantes sur les principales voies de transmission, la transmissibilité, la gravité et l’histoire naturelle de la maladie », tout comme sur les différences entre les sous-clades circulants du clade I.

* La dénomination des clades a changé en 2022.

Sources : OMS, Santé publique France, ministère de la santé

  • Autres sources : OMS, European Centre for Disease Prevention and Control, Commission européenne, Santé publique France, ministère de la Santé.