Jurisprudence
ENTREPRISE
Auteur(s) : Par Céline Peccavy
Un litige suite à la vente de chatons tente de mettre en jeu la voie des vices cachés. Sans succès. Décryptage.
Les faits
Le 27 octobre 2022, Mme A fait l’acquisition auprès de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (Eurl) Élevage de trois chatons persans : T1, T2 et T3. Les trois chatons ont été examinés par le Dr vétérinaire V le jour même et rien de particulier n’est signalé. Pourtant, deux jours plus tard seulement, les trois chatons vont être testés positifs à une infection oculaire d'origine virale, à savoir l'herpès virus. Le chaton T1 va même présenter un ulcère perforant nécessitant une énucléation de l'œil droit.
La voie judiciaire
Par acte de commissaire de justice en date du 24 août 2023 (désormais, on ne dit plus huissier de justice mais commissaire de justice), Mme A fait assigner l'Eurl Élevage devant le tribunal judiciaire de Châteauroux aux fins de voir cette dernière condamnée.
Les demandes en chiffres
Mme A sollicite la condamnation de l'Eurl Élevage à lui payer 3 902 € au titre du remboursement du prix d’acquisition des trois chatons et des frais vétérinaires. Mme A sollicite également la condamnation de l'Eurl Élevage à lui payer 3 000 € à titre de dommages et intérêts. Le tout, précisons-le, en n’entendant pas restituer les chatons à l’éleveur.
Les demandes en droit
L’achat des chatons par Mme A datant de 2023, la garantie de conformité était ici à l’évidence impossible. Mme A et son conseil ont donc fait le choix de la garantie des vices cachés du Code civil, article 1641 et suivants. Mme A argumente ainsi : un vétérinaire a certifié que les chatons étaient déjà atteints lors de la vente. Pour Mme A, nous sommes donc en présence de vices cachés avec en fond l’établissement de faux certificats de bonne santé délivrés par complaisance par le vétérinaire de la venderesse. On notera ici pourtant que Mme A n’est pas allée au bout de son raisonnement dans la mesure où elle a mis dans la procédure seulement l’éleveur et n’a donc pas poursuivi son vétérinaire. Pour Mme A, il ne fait aucun doute que l'Eurl Élevage avait connaissance de l'infection avant la vente. Elle appuie donc particulièrement ses demandes sur l’article 1645 du Code civil qui dispose que « si le vendeur connaissait les vices de chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur ».
En défense
Il est opposé à Mme A le fait que les affections n’étant pas des vices rédhibitoires, elles ne peuvent donner lieu à garantie et qu’en tout état de cause rien ne prouve que les chatons étaient atteints au jour de la vente. Reconventionnellement, l'Eurl Élevage sollicite la condamnation de Mme A à des dommages et intérêts car elle juge que son action abusive porte atteinte à son image.
Décision rendue
Le tribunal, comme il se doit, va en premier se pencher sur la recevabilité de l’action de Mme A. Peut-elle prétendre à la garantie des vices cachés ? La position est tranchée : c’est non. Non car Mme A « expose que les trois chats sont atteints d'une infection oculaire, à savoir un herpès virus. Cette affection ne fait pas partie de celles listées à l'article R213-2 du code rural et de la pêche maritime, qui seules ouvrent droit à l'action fondée sur les articles 1641 et suivants du Code civil en matière de vente d'animaux domestiques. En outre, la convention de vente ne prévoit aucune convention contraire à l'application des articles L213-l et suivants du code rural et de la pêche maritime. Dès lors, et en l'absence de fondement subsidiaire à ses demandes, Mme A « ne pourra qu'être déboutée de l'ensemble de celles-ci. ». La porte étant fermée, inutile pour le juge de se pencher sur l’existence ou non des affections au jour de la vente. Mme A n’a droit à rien. Seules consolations la concernant : pas de condamnation pour procédure abusive ni au titre des frais d’avocat adverses.
En conclusion
Des vices cachés qui ne passent pas ici mais une décision qu’il faut se garder de généraliser car l'avenir pourrait nous amener quelques rebondissements.