Bonnes pratiques d’usage des autovaccins chez les porcs d’élevage - La Semaine Vétérinaire n° 2048 du 20/09/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2048 du 20/09/2024

Prévention

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : MORGANE REMOND

Les autovaccins à usage vétérinaire sont définis par le Code de la santé publique (CSP), article L-5141-2, point 3 – art R5141-141 comme « tout médicament vétérinaire immunologique fabriqué en vue de provoquer une immunité active à partir d'organismes pathogènes provenant d'un animal ou d'animaux d'un même élevage, inactivés et utilisés pour le traitement de cet animal ou des animaux de cet élevage ». À ce titre, il s’agit d’une méthode préventive sur mesure pour un élevage : le but est de passer d’une gestion thérapeutique en cours au sein d’un élevage touché (notamment via des antibiotiques), à la prévention d’apparition de nouveaux cas au sein de ce même élevage. À ce jour, en France, les autovaccins sont limités aux agents bactériens.

Respecter le cadre de prescription

La prescription d’un autovaccin se fait dans le cadre de la cascade définie par l’article L5143-4 du CSP et est considérée comme une préparation magistrale. La prescription peut être faite uniquement en cas d’indisponibilité de :

1) « Un médicament vétérinaire autorisé pour des animaux d'une autre espèce dans la même indication ou pour des animaux de la même espèce dans une indication thérapeutique différente. »

2) « Un médicament vétérinaire autorisé destiné à une autre espèce pour une autre indication thérapeutique. »

Et

3) « Un médicament autorisé pour l'usage humain. »

En pratique, un autovaccin sera donc utilisé dans les cas suivants :

– Maladies émergentes nécessitant une solution vaccinale rapide.

– Indication mineure / Espèce mineure sans vaccin avec Autorisation de mise sur le marché (AMM).

– Diversité ou dérive génétique (diversité des sérotypes, sérovars au sein d’une espèce bactérienne).

– Manque d’efficacité constaté d’un vaccin avec AMM.

– Rupture de stock d’un vaccin avec AMM.

Le vétérinaire prescripteur est entièrement responsable de sa prescription qui doit respecter le cadre réglementaire et être l’aboutissement d’une démarche diagnostique et thérapeutique complète. La demande de production1 se fait auprès d’un laboratoire agréé par l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) (Biovac, Filavie, Labocea Ploufragan) répondant à des bonnes pratiques de préparation des autovaccins à usage vétérinaire (arrêté du 14 novembre 2016 modifiant l’arrêté du 6 mars 2008) pour des couples bactérie/espèce animale prédéfinies et autorisés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).

Identifier les situations cliniques

En élevage porcin, les autovaccins sont majoritairement utilisés dans des situations cliniques liées à des bactéries présentant une grande diversité génétique entraînant l’absence de vaccin avec AMM ou des défauts d’efficacité du vaccin avec AMM existant (protection insuffisante pour certains sérotypes). L’émergence d’un nouvel agent pathogène bactérien ou une rupture de stock de vaccin avec AMM pourraient aussi justifier de l’utilisation d’un autovaccin.

Prendre la décision de prescrire un autovaccin permet de prévenir l’apparition de nouveaux cas et d’éviter des épisodes de mortalités, brutaux pour certaines maladies ne laissant pas le temps de traiter les animaux. Cette solution permet aussi de limiter le recours aux antibiotiques et autres traitements individuels ou de groupe.

En pratique, les autovaccins en porc vont être majoritairement utilisés pour prévenir :

- La streptococcie due à Streptococcus suis, bactérie présentant une grande diversité de sérotype du fait de la composition variable de la capsule bactérienne. Aucun vaccin avec AMM n’est disponible ce jour sur le marché français. La streptococcie est à l’origine de méningite, d’arthrites ou de mortalité subite sur les porcelets de post-sevrage (environ 5 à 10 semaines d’âge).

- La maladie de Glässer due à Glaesserella parasuis, bactérie présentant une diversité de sérovars et dont les vaccins avec AMM ne couvrent pas l’ensemble des sérovars. Cette maladie est à l’origine d’un tableau clinique similaire à la streptococcie (méningite, mortalités subites) pouvant être accompagné d’un tableau respiratoire de toux. La pleuropneumonie due à Actinobacillus pleuropneumoniae, bactérie présentant une diversité de sérovars et dont un vaccin a eu très récemment une AMM et contient les sérovars 2, 9, 11.

- La pleuropneumonie est une atteinte respiratoire qui entraîne de la toux et des mortalités pouvant être brutales, surtout en engraissement.

D’autres agents pathogènes peuvent faire l’objet de prescription d’autovaccins comme Trueperella pyogenes, Enterococcus hirae, Staphylococcus hyicus, Escherichia coli… tant que leur présence est justifiée par les éléments présentés précédemment.

Cibler les animaux à prélever

La première étape de production d’un autovaccin est la sélection des souches qui y seront incorporées. Le « Guide de bonnes pratiques de la prescription des autovaccins à usage vétérinaire » de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV)2 présente les règles à respecter pour le vétérinaire prescripteur.

Tout commence par la sélection des individus à prélever en élevage. Ils doivent être (1) représentatifs de la clinique observée, (2) dans des stades pas trop avancés de la maladie et (3) n’ayant pas reçu de traitements antibiotiques au préalable. Pour s’assurer du choix du bon agent pathogène, il est conseillé de prélever deux à trois individus présentant des signes cliniques caractéristiques, de deux à trois bandes différentes.

Une fois les animaux sacrifiés, les prélèvements sont à réaliser au niveau des organes cibles de la maladie. Par exemple, face à une suspicion de streptococcie à Streptococcus suis, les organes du système sanguin - rate, rein, foie, cœur (en lien avec le risque de septicémie) – ou de la fibrine, sont à prélever. Ils seront complétés par des prélèvements ciblés selon le tableau clinique : système nerveux central en cas de méningite ; contenu articulaire en cas d’arthrite. Face à une suspicion de pleuropneumonie causée par Actinobacillus pleuropneumoniae, les prélèvements viseront les poumons.

Il est important de réaliser son prélèvement avec le plus d’asepsie possible afin de limiter les contaminations. En cas de prélèvement sur un animal mort en élevage, s’assurer que la mort soit récente (< 12 heures) et que l’animal n’ait pas été traité avec des antibiotiques.

Une fois la bactérie isolée à partir des organes cibles, et qu’elle est en cohérence avec le tableau clinique, le vétérinaire peut demander la production d’autovaccin. Chaque laboratoire possède ses processus de production en fonction des souches. Il faut compter en moyenne six semaines pour la production d’un lot d’autovaccin pour un élevage.

Définir le protocole vaccinal

Une des responsabilités du vétérinaire est la recommandation du protocole vaccinal. En effet, selon l’âge auquel les animaux sont malades ainsi que la maladie à prévenir, la vaccination peut se faire sur les truies avec ensuite un passage d’immunité aux porcelets via la consommation de colostrum, sur les porcelets uniquement ou sur truie et porcelets (voir tableau).

Comme les vaccins, les autovaccins sont répétés sur toutes les bandes pour les truies ou tous les lots pour les porcelets. Pour le suivi d’un autovaccin, il est important d’avoir une veille terrain sur les cas cliniques et sur les potentielles évolutions des agents pathogènes afin de mettre à jour les souches le composant si besoin.

En cas de stabilisation sanitaire, au vu du coût et du temps de la vaccination, certains éleveurs peuvent envisager d’arrêter l’autovaccin. Garder en tête que tout d'abord la vaccination n’éradique pas l’agent pathogène et que la situation pourrait à nouveau se dégrader et qu'ensuite si des cas cliniques réapparaissent, il faudra compter le délai de production de l’autovaccin et de prise vaccinale. C’est une balance bénéfice/risque à prendre à compte.

En cas d’échec, remettre en question les souches présentes dans l’autovaccin par rapport à ce qui est identifié en bactériologie mais aussi la qualité vaccinale, la qualité de la prise colostrale et la présence de facteurs de risque de déclenchement de la maladie. Il est aussi important de prendre le temps d’en discuter avec le laboratoire producteur de l’autovaccin.

  • 2. https://www.sngtv.org/ rubrique Médicaments : Vaccins, autovaccins (vétérinaires inscrits à l’Ordre)
  • 3. Autres sources : bit.ly/3XnEiJ0