Syndicats
ANALYSE GENERALE
Auteur(s) : Par Tanit Halfon
Les salariés vétérinaires ont des devoirs… et des droits. Lesquels sont en partie négociés lors des négociations collectives au sein de commissions nationales paritaires. Comme se déroulent-elles ? Qu’est-il est défendu et négocié ? On fait le point.
En matière de droit du travail, il y a la loi… et le cadre d’application sur le terrain. Ce dernier est discuté au sein de commissions nationales paritaires regroupant les différentes organisations syndicales (OS) représentatives d’une profession. Pour la branche professionnelle vétérinaire, il y a d’un côté les représentants des employeurs : le Syndicat National des Vétérinaires d'Exercice Libéral (SNVEL) est le seul syndicat représentatif des employeurs de la branche vétérinaire. En face, cinq organisations syndicales représentent les salariés des entreprises vétérinaires, avec chacune sa part de représentativité : la Confédération française démocratique du travail (CFDT – 21,43 %), l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA – 21,14 %), la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC – 19,90 %), la Confédération générale du travail (CGT – 19,71 %), et la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO – 17,81 %).
Jean-Matthieu Ricard est vétérinaire praticien salarié, et représentant pour le CFE-CGC depuis près de vingt ans explique : « Je représente tous les salariés adhérents de la CFE-CGC de notre branche professionnelle, qui regroupe tous les établissements de soins vétérinaires relevant de notre convention collective. Les salariés qui n'ont adhéré à aucun syndicat sont représentés par l'ensemble des OS représentatives de salariés de la branche. Le SNVEL négocie et signe les accords au nom de ses adhérents, et finalement au nom de tous les autres employeurs non syndiqués, dès lors que l'accord a été étendu par le ministère du Travail. L'extension entraîne l'application de l'accord à tout le monde, les signataires comme les non signataires, aux employeurs syndiqués et leurs salariés, comme aux employeurs non syndiqués et leurs salariés. »
Deux commissions et des discussions
Les représentants des syndicats siègent dans deux commissions : la Commission partiaire permanente de négociation et d’interprétation (CPPNI), et la Commission paritaire nationale de l’emploi et la formation professionnelle (CPNEFP). « La CPPNI discute de tout ce qui relève du droit social qu’elle souhaite adapter à notre branche. Elle se réunit quasiment tous les mois, voire deux fois par mois depuis plusieurs années. La CPNEFP dépend de la CPPNI, et s’occupe plus spécifiquement des sujets en lien avec l’emploi, la formation professionnelle et son financement. Cette commission se réunit moins souvent », détaille Jean-Matthieu Ricard. Au sein des commissions, « nous travaillons sur tout type de sujets relatif à la convention collective du personnel salarié vétérinaire et non vétérinaire : astreintes, primes, ancienneté, négociation annuelle de la valeur du point conventionnel, etc., explique Jérôme Frasson, vétérinaire représentant syndical pour le SNVEL. Suite à appel d’offres, nous faisons des recommandations sur les mutuelles santé et la prévoyance, et nous suivons 2 fois par an l’évolution des 2 régimes. »
Aujourd’hui, le dialogue est devenu beaucoup plus technique, indique-t-il, juristes à l’appui… Ce qui n’empêche pas de devoir faire des clarifications. Jean-Matthieu Ricard détaille : « La rédaction de nos textes se veut claire, mais elle peut prêter à interprétation malgré nous. Lorsque deux lectures divergentes sont source de litige, la CPPNI peut être sollicitée pour trancher la question ; son interprétation est alors publiée sous forme d'avenant qui précise le texte initial à la lumière du cas particulier soumis à cette interprétation. »
Les OS peuvent aussi mettre des sujets sur la table. « Toute organisation syndicale siégeant à la commission soumet à l'ordre du jour toute question qu'elle souhaite voir abordée et discutée. Dans l'histoire de la CPPNI, aucun de ses membres n'a jamais refusé d'aborder un sujet en particulier, explique Jean-Matthieu Ricard. Les discussions peuvent aboutir à l'absence d'un accord ou de consensus, auquel cas la question n'est pas tranchée, et se retrouve régulièrement à l'ordre du jour ».
Vers une fusion des conventions collectives
Actuellement, un des gros axes du travail est la fusion des conventions collectives des salariés vétérinaires et non vétérinaires, une demande de l’administration. « Nous avons terminé la fusion des prévoyances, nous continuons à avancer sur le reste », détaille Jérôme Frasson. Cette fusion a été un succès selon Jean-Matthieu Ricard : « Elle a été associée à une amélioration des garanties pour les non-vétérinaires comme la création d’un capital décès qui n’existait avant que pour les vétérinaires ; la création d’une indemnité complémentaire lors du congé maternité ; ou l’amélioration du taux d’indemnisation pendant la période du régime de prévoyance (82 % contre 80 % auparavant) . De plus, pour tout le monde, l'optimisation de la ventilation de la cotisation prévoyance permet d’atteindre désormais une indemnité de 100 % du salaire net avec une couverture à 82 % du brut ». Pour lui, on peut aussi se féliciter de la hausse du point chaque année : « Contrairement à beaucoup d'autres branches, la nôtre voit le salaire minimum conventionnel augmenter tous les ans, ce qui illustre la volonté commune des organisations syndicales de maintenir un climat de dialogue sain et constructif ». « Il y a des revendications sur lesquelles on n’aboutit pas, nuance Jérôme Frasson. Par exemple, nous souhaiterions trouver un accord sur la modulation du temps partiel des auxiliaires spécialisés vétérinaires. Nous n’avons toujours pas trouvé de compromis sur ce point ».
Accords collectifs contre accords d’entreprises
Selon les deux interviewés, l’agrandissement des structures vétérinaires, et leur évolution capitalistique, n’a pas modifié le dialogue social au sein des commissions. « La seule chose qui a changé est que l’on doit s’adapter aux nouveaux métiers, avec l’arrivée de cadres non vétérinaires. Où placer les fonctions supports dans la convention collective ? », indique Jérôme Frasson. Pour Jean-Matthieu Ricard, les salariés devraient se saisir de la question du dialogue social. « Dans les structures "traditionnelles", le salarié est en contact constant avec le preneur de décision, il est dans la salle de consultation d'à côté. Les échanges sont permanents et se font face à face. Mais avec la taille grandissante des établissements et l'apparition des groupes, le preneur de décision n'est même plus dans le même bâtiment, il n'est pas plus dans le même département, et le salarié n'est plus une entité individuelle, il est noyé dans la masse. Comment peut-il s'exprimer ? Comment peut-il être écouté ou juste entendu ? » Dans ce contexte, il rappelle que « toute entreprise d'au moins onze salariés doit avoir un comité social et économique (CSE), constitué de représentants du personnel, élus par ce même personnel. Les salariés ont tout intérêt à élire des représentants syndicaux, car eux seuls peuvent être désignés "délégués syndicaux", qui sont les seuls à pouvoir négocier et signer les accords au sein de l'entreprise. Ces délégués sont la voix des salariés, leurs représentants et leurs défenseurs, notamment en veillant à ce que les accords proposés par l'employeur ne soient pas moins-disants que le minimum conventionnel. »
Ces accords d’entreprise ont été permis par la loi Travail de 2017 d’Emmanuel Macron, et peuvent primer sauf pour certains sujets. Ils doivent être envoyés à la CPPNI, pour information.
« Travailler plus pour gagner moins »
« Cela ne diminue pas notre rôle étant donné que la majorité des structures vétérinaires sont de petite taille, et peu ont le temps ou les moyens de rédiger un accord d’entreprise », souligne Jérôme Frasson. Jean-Matthieu Ricard met toutefois en garde : « Trop souvent, jusqu'à présent, les accords d'entreprise envoyés sont moins favorables aux salariés que la convention collective. Par exemple, certains accords ont intégré la modulation du temps de travail des auxiliaires à temps partiel, sans garde-fou ni contrepartie, alors qu'il s'agit d'une population faiblement rémunérée (temps partiel) et souvent en situation de précarité. D'autres ont revu à la hausse le nombre maximal de jours du forfait annuel jour, en l'augmentant à deux cent dix-huit, là encore sans aucune contrepartie. Travailler plus pour gagner moins semble être leur devise. Les salariés qui ont signé ces accords étaient-ils réellement conscients de l'importance de leur rôle et de leur responsabilité, et se sont-ils rendu compte des conséquences de leur signature ? Derrière un représentant syndical, il y a un syndicat, il y a des personnes expérimentées, il y a des spécialistes qui aident, qui éclairent et qui conseillent. »
Pour l'avenir, le travail de fusion des conventions collectives va être poursuivi, parmi d’autres thématiques sociales. Avec un souhait pour Jean-Matthieu Ricard : que les salariés s’engagent davantage dans la construction du dialogue social, à tous les niveaux.
Une élection pour les syndicats des salariés
Du 25 novembre au 9 décembre 2024, les salariés des très petites entreprises (TPE, moins de dix salariés) et des particuliers employeurs, estimés à environ cinq millions de personnes, seront appelés à voter pour l’organisation syndicale qui les représentera. Cette élection permettra aussi de déterminer la représentativité de chaque organisation syndicale. Lors de la dernière élection en 2021, le taux de participation n’avait été que de 5,44 %.
Pour consulter la liste des organisations syndicales recevables : https://urlz.fr/scXe
Pour aller plus loin : https://urlz.fr/scXm
Des actions de prévention des risques
Au-delà des négociations pour le droit social, les représentants des entreprises vétérinaires ont aussi une action sur la prévention du risque. « Les mutuelles doivent mettre à disposition 2 % des cotisations pour cela, explique Jérôme Frasson. Depuis 2019, cela nous a permis de lancer plusieurs actions. » Elles sont listées ci-dessous par Jean-Matthieu Ricard.
– La campagne contre les incivilités : « Elle a été récompensée ; le centre hospitalier universitaire vétérinaire de l'université de Montréal nous demande d'ailleurs l'autorisation de la diffuser dans leurs salles d'attente. »
– La campagne contre les risques psychosociaux* avec une série de webinaires associée.
– La ligne d'écoute psychologique avec Pros-Consulte 24 heures/24.
–La série de webinaires sur la gestion des erreurs médicales en clinique vétérinaire*.
– L'enquête Vigie Véto sur la santé au travail (résultats à venir).
Ces actions semblent essentielles, eu égard les retours de Jean-Matthieu Ricard : « Les études du professeur Truchot ; le nombre croissant d'appels reçus par l'équipe de psychologues de Pros-Consulte, la ligne d'écoute mise en place par la CPPNI ; le nombre croissant de demandes d'aide que je reçois ; le nombre exponentiel de ruptures de contrat que j'accompagne, illustrent bien la dégradation ressentie des conditions d'exercice. »
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