Quand suspecter un syndrome HS-HA chez le chiot ? - La Semaine Vétérinaire n° 2048 du 20/09/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2048 du 20/09/2024

Comportement

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Mylène Panizo

Conférencière

Muriel Marion (L 90), titulaire du diplôme inter-écoles de médecine comportementale, vice-présidente de l’association Zoopsy.

Article rédigé d’après la conférence : « Turbulent ou syndrome HSHA ? », présentée au congrès de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac), le 30 novembre 2023, à Lille.

Le syndrome hypersensibilité-hyperactivité (HS-HA) résulte d’un excès des processus physiologiques d’activation (action, réponse à l’environnement), et/ou d’un défaut des processus d’inhibition (modérer puis arrêter l’action en cours). Il induit des altérations des séquences comportementales du chien, qui ont de nombreuses conséquences sur la qualité de vie de l’animal et de son propriétaire. Chez le chiot, naturellement enclin à être agité, il peut s’avérer difficile de reconnaître un état pathologique, aussi bien pour le propriétaire que pour le vétérinaire généraliste.

Quels comportements ?

Le tableau clinique d’un chiot atteint d’un syndrome HS-HA peut être varié. On observe principalement un animal en mouvement permanent (comportement hypermoteur), qui explore de façon désordonnée son environnement et souvent en hauteur (grimpe sur les meubles). Une usure importante des griffes peut être constatée. Un chien atteint a tendance à établir des contacts brutaux avec ses congénères et avec les humains, ainsi qu’à effectuer de nombreuses prises en bouche. Les propriétaires ont souvent des traces de griffures ou de morsures sur les bras ou les jambes.

Un défaut d’inhibition à la morsure chez un chiot de plus de deux mois doit alerter le praticien (à différencier des mordillements, l’inhibition à la morsure est le fait de pouvoir s’arrêter lorsque cela est demandé). Un chiot atteint d’un syndrome HS-HA a beaucoup de difficultés à s’arrêter spontanément une fois qu’il a commencé une action, même si les stimulations initiales ont cessé. Il a du mal à focaliser son attention, il peut détruire, faire du bruit en permanence, chasser les ombres, et même dormir debout. Pour les propriétaires, leur chien fait beaucoup de bêtises et n’est jamais fatigué, même en augmentant l’activité.

Le syndrome HS-HA entraîne une souffrance de l’animal, des difficultés voire des retards d’apprentissage (notamment concernant la propreté), ainsi que des mises en danger (ingestion de corps étrangers, risque d’accidents de la route, agressivité, etc.).

Quelle démarche diagnostique ?

En consultation, il faut tout d’abord écouter le propriétaire et lui faire décrire une journée type. Il est également important de prendre en considération le contexte d’acquisition de l’animal (chiot pris rapidement après un deuil d’un précédent animal, adoption en refuge, etc.).

La première étape est de s’assurer que les conditions de vie de l’animal sont conformes à ses besoins (temps minimal d’activité et de sortie notamment).

Lors de la consultation, il convient d’observer attentivement le comportement du chiot se déplaçant librement, et lors de l’examen clinique, le tester en le stimulant. Il est important de vérifier l’inhibition à la morsure. Il peut s’avérer difficile de distinguer un comportement normal d’un comportement pathologique chez un chiot. Il n’existe pas de norme définie en médecine du comportement, cela reste subjectif. Néanmoins, la présence d’un des trois critères suivants doit alerter le praticien : le comportement indésirable entraîne une souffrance, n’est pas réversible et/ou l’animal ne peut pas s’adapter.

Aucune grille psychométrique ne permet d’établir un diagnostic de certitude d’un syndrome HS-HA à l’heure actuelle, mais certaines peuvent aider à le suspecter.

La grille issue des travaux de Vas et de Lit, traduite par Marlois1, évalue l’attention et l’activité des chiens. Elle permet de discriminer les chiens HS-HA des chiens sains. Cette grille est cependant imparfaite car elle est subjective (remplie par le propriétaire) et incomplète (elle ne prend pas en compte le contrôle de la morsure et la régulation du sommeil et de la satiété).

La grille 4A réalisée par Claude Béata (disponible gratuitement sur le site de l’association Zoopsy2) permet d’analyser le comportement individuel d’un chien selon vingt items organisés en quatre axes (attachement, autocontrôle, anxiété et agressivité). La partie sur les autocontrôles peut aider à suspecter un syndrome HS-HA. Le ressenti des propriétaires varie énormément. Certains seront très tolérants à l’égard de leur animal, d’autres très exigeants. La suspicion et le diagnostic d’un syndrome HS-HA doivent se baser uniquement sur l’analyse des séquences comportementales précises du chien et non pas sur le ressenti du propriétaire. Un comportement peut être indésirable mais non pathologique. Il faudra alors modifier le comportement, sans traiter l’animal.

Attention, même si le propriétaire tolère bien des comportements anormaux de son animal, il est important de lui expliquer qu’il faudra le traiter car il s’agit d’une maladie. Il est toujours plus difficile de faire accepter l’idée d’une maladie mentale que celle d’une pathologie physique. Pourtant, le dérèglement comportemental des émotions et des apprentissages sont des dysfonctionnements organiques. Il faut donc être prudent dans l’annonce, mais en général les propriétaires sont la plupart du temps soulagés.

Ne surtout pas attendre

Il est primordial de suspecter précocement un syndrome HS-HA. En effet, les symptômes d’un chiot atteint ne vont pas s’atténuer avec le temps, la relation avec les propriétaires se détériorera au fur et à mesure, et des comorbidités peuvent s’installer (présence de corps étrangers, plaies, etc.). Le temps perdu est une réelle perte de chance pour l’animal. Plus le temps passe, plus les propriétaires sont découragés, à bout de patience et enclins à punir leur chien. Ceux mal informés peuvent interpréter rapidement l’incapacité du chiot à arrêter un comportement pour de la provocation ou pour de la désobéissance. Il s’ensuit un climat anxiogène dans le foyer et un risque important de maltraitance (punitions, phobies post-traumatiques par exemple lors de mise en place de colliers étrangleurs ou électriques, abandon, désociabilisation intraspécifique). Un cercle vicieux dramatique pour l’animal peut rapidement s’installer : le chien peut devenir agressif en réponse aux punitions ou aux contraintes, entraînant davantage de réponses négatives de la part des propriétaires.

Le rôle du praticien généraliste est de distinguer un comportement normal d’un comportement pathologique, ou, a minima, de se poser la question. En cas de doute, il vaut mieux toujours référer rapidement à un confrère spécialiste en comportement plutôt qu’à un éducateur, ce qui induirait une perte de temps.

Le traitement associe une thérapie comportementale et médicale. Le pronostic du syndrome HS-HA est amélioré lors de prise en charge précoce, idéalement avant la puberté.

  • 1. Assessment of a canine Hypersensitivity-Hyperactivity syndrome rating scale. N. Marlois, D. Groux, C. Mege, and al. Dog behavior, 2022 - dogbehavior.it