Bactériologie
FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Ségolène Minster Article issu de la conférence « Description de deux cas cliniques de mammites contagieuses : les leçons à tirer » présentée par Olivier Salat, vétérinaire praticien à St Flour (Cantal) le 16 mai 2024, aux Journées nationales des groupements techniques vétérinaires (JNGTV), à Tours.
Aujourd’hui, les éleveurs ont généralement une bonne maîtrise des cellules de lait de tank et le vétérinaire est surtout contacté pour des mammites cliniques. Les mammites subcliniques demeurent cependant un problème dans certains élevages. L’élévation des concentrations cellulaires somatiques du lait de tank (CCS) demeure le déclencheur principal des audits en qualité du lait (menace d’arrêt de collecte, pertes financières conséquentes en raison du moins bon prix du lait).
Détermination du modèle épidémiologique
Le diagnostic du modèle épidémiologique permet de choisir les principales mesures à mettre en œuvre pour stopper une dégradation de situation. En ce qui concerne la sélection des animaux à prélever, il convient tout d'abord de regarder les résultats des dernières CCS individuelles (feuilles de suivi de cellules ou à la demande s'il n’y a pas de contrôle individuel régulier en place). Sont présélectionnées les vaches présentant des CCS supérieur ou égal à 200 000 cellules/ml soit sur au moins 2 CCS sur les trois derniers résultats mensuels ; soit sur un seul CCS en l’absence de relevés mensuels. Toutes les vaches sont prélevées si leur nombre est inférieur ou égal à 12. Si elles sont plus nombreuses, la sélection porte sur celles pouvant faire l’objet d’un traitement en lactation : il convient d’écarter celles en fin de lactation, celles orientées vers la réforme, et surtout celles présentant des lésions notamment du sphincter et pour lesquelles il serait impossible de réaliser un prélèvement aseptique.
Démarche classiquement adoptée
Les animaux à prélever sont identifiés au cours de la traite. Un California Mastitis Test (CMT) est réalisé systématiquement sur ces animaux. Ce test se lit de manière binaire (lait liquide : négatif, lait avec modification de consistance : positif). Sur les quartiers positifs au CMT, un prélèvement aseptique est réalisé, sans mélanger plus de deux quartiers. Les facteurs de risque observés liés à la traite (hygiène et technique de traite) sont enregistrés de manière concomitante, ainsi que les principaux facteurs liés au logement et à la conduite d’élevage.
Analyse de la situation
La situation est analysée à partir des résultats bactériologiques. Il est conseillé de réaliser un antibiogramme avec la méthode des disques lors d’isolements répétés du même germe. Cela nécessite de choisir des disques pour lesquels existe une variabilité de sensibilité, et on obtient ainsi l’antibiotypie des souches isolées. Cela permet de préciser le modèle épidémiologique (contagieux, environnemental, mixte) et de le mettre en perspective avec les principaux facteurs de risques impliqués dans ce modèle.
Un cas d’audit cellulaire
Ce cas illustre comment préciser la dynamique d’infection dans un élevage. Un élevage de 80 vaches laitières montbéliardes présente des difficultés de maîtrise des CCT depuis la mise à l’herbe ; celles-ci ont dépassé 300 000 cellules depuis plusieurs mois. Il y a peu de mammites cliniques (< 10 %). La stabulation est libre à logettes. La traite est effectuée par l’arrière (2 x 8) avec des trayeurs Duovac dont l’aspiration est variable au cours de la traite, et sans ordre des animaux. La préparation est réalisée avec des lavettes collectives (eau + savon), les vaches sont préparées en série, sans extraction et observation des premiers jets. Le temps de branchement varie de 30 à 135 secondes, à partir du début de la préparation. En fin de traite est apposé un produit de post-trempage à base d’acide lactique à propriétés désinfectante et cosmétique. 85 % des vaches présentent des trayons en bon état (score = 1 selon Hillerton et al.), 15 % une anomalie légère (score = 2). La moitié des mamelles sont sales. Les vaches et les membres sont également plutôt sales. Pour les 11 vaches présentant des CMT positifs, une analyse bactériologique à la clinique selon la méthode « Patho 12 » est réalisée. 7 vaches présentent des souches de Streptococcus uberis (SU), et 4 du Staphylococcus aureus (SA). La majorité des vaches a plusieurs quartiers atteints, 3 avec différentes souches bactériennes. Des antibiogrammes ont été réalisés pour les souches de SA ; les profils obtenus sont identiques. Des dendrogrammes réalisés par MALDI-TOF suggèrent une situation monoclonale. Le dendrogramme réalisé avec les souches de SU Streptococcus uberis montre que 4 souches isolées sont homologues et présentent les caractéristiques de souches contagieuses (Esener et Bradley). Certaines vaches sont porteuses de souches différentes. Ce cas montre un modèle contagieux, avec la circulation d’au moins deux souches contagieuses appartement à deux espèces différentes, ainsi que d’autres souches de SU d’origine environnementale. Le tarissement de toutes les vaches possible est prescrit, et un traitement à base de pénéthamate est prescrit aux vaches en lactation (matin et soir, 3 à 5 jours – hors AMM).
Les leçons à tirer
Au vu des facteurs de risques identifiés, les mesures préventives suivantes sont conseillées : la préparation individualisée des trayons (lavette individuelle, essuyage papier), la désinfection systématique des griffes après la traite de chaque vache avec un produit adapté (type Perfo Grif) et le post-trempage avec un désinfectant plus performant (iode ou acide chloreux). À plus long terme, l’hygiène des animaux, et en particulier des mamelles, pourrait être améliorée, par la tonte ou l’épilation des mamelles ainsi que la tonte régulière des queues. La matière organique résiduelle est en effet une source potentielle de SU. Dans le cas cité, l’examen des CCT et de l’évolution des infections permet de suspecter le modèle épidémiologique.
Au contraire dans les situations qui se dégradent rapidement, on dispose de peu de données épidémiologiques et les examens bactériologiques réalisés sur les vaches (10 à 15) sont très informatifs. La maîtrise des méthodes « Patho 12 » et « des disques » (dite de Kirby-Bauer) constituent un atout dans cette démarche. Les trois pathogènes majeurs isolés lors de mammites sont SA, et les streptocoques, uberis et dysgalactiae (ce dernier a une fréquence moindre), tous trois Gram positif. SA, bien qu’emblématique des modèles contagieux, est parfois retrouvé dans des élevages sur des cas isolés. Par ailleurs, des CCS basses ont parfois été rapportées avec cette bactérie. Concernant les infections par SU, bien que considéré comme un germe d’origine environnementale, un modèle oligoclonal est parfois rencontré en élevages, avec certaines souches pouvant être contagieuses 1. Selon une étude de 20042, dans la moitié des cas de vaches infectées sur plusieurs quartiers, elles le sont par des souches différentes. Lors de modèles contagieux, la caractéristique de la souche prime sur l’abondance des facteurs de risque. La détection précoce des souches bactériennes permet la mise en place de mesures adaptées draconiennes, qui limitent l’impact économique des mammites.