STÉPHANE HOUDET : UN CHAMPION HORS NORME

Stéphane Houdet est un joueur professionnel français de tennis en fauteuil roulant, mais il est également vétérinaire, sorti de l’École nationale vétérinaire de Nantes (Oniris) en 1995.

D'abord, le handigolf

Le 9 août 1996, à Mondsee, près de Salzbourg, en Autriche, un accident de moto le prive de l'usage de son genou gauche. Il s'accommode dans un premier temps de son genou raide et se met au golf. Il devient rapidement numéro 1 français puis européen de handigolf entre 2001 à 2006. En décembre 2004, après huit ans de souffrances quotidiennes, il choisit de se faire amputer de la jambe gauche, après avoir vu le golfeur Matthew Smith jouer en short avec une prothèse. « Un des plus beaux jours de ma vie », dira-t-il plus tard…

L'appel du tennis fauteuil

Le tennis fauteuil, c’est avant tout une rencontre : celle de Johan Cruyff, footballeur hollandais de légende. Un jour de compétition de golf, Johan Cruyff, invité spécial pour l’occasion, lui propose de travailler avec sa fondation (qui soutient les programmes de sport pour les enfants handicapés) pour créer le circuit mondial Handigolf. Il lui recommande alors de s'inspirer du tennis fauteuil, un sport qui lui semble être le plus abouti en termes d’organisation, en lien avec ses premières amours quand, plus jeune, Stéphane Houdet écumait les courts. C’est pour lui une découverte et, peu après, il se met à fond au tennis fauteuil, passant même à la compétition. S'ensuit une magnifique carrière puisqu'il devient joueur professionnel en 2008.

Un palmarès 5 étoiles

Il a notamment été champion paralympique en double aux Jeux paralympiques d'été de 2008 à Pékin, 2016 à Rio et 2020 à Tokyo, ainsi que médaillé d'argent en simple en 2012 à Londres. Sacré champion du monde en 2012 et vainqueur de vingt-quatre tournois du Grand Chelem, il a remporté Roland-Garros en simple en 2012 et 2013, et l'US Open en 2013 et 2017. en 2020, il est désigné, en compagnie de la judokate Sandrine Martinet, porte-drapeau de l'équipe de France paralympique pour les Jeux de Tokyo. Le 15 juillet dernier, il portera également la flamme olympique à l’Institut national du sport, de l'expertise et de la performance, à Paris, entouré d’immenses champions, tous porte-drapeaux comme lui : Christine Caron, Marie-José Perec, Jean-François Lamour, Tony Estanguet, David Douillet, Michaël Jérémiasz, Laura Flessel et bien d’autres. Pour ce grand jour, il est entouré d’une équipe de vétérinaires dont il est toujours resté proche. Cette année, à Paris, il arrive en quart de finale en simple et en demi-finale en double : son partenaire Frédéric Cattanéo et lui finissent en quatrième place des Jeux paralympiques en tennis fauteuil en double.

Sa rencontre avec Yannick Noah

« Je suis allé chercher celui qui était susceptible de changer l’humanité », dit Stéphane à propos de Yannick Noah. En effet, pour lui, le sujet de l’inclusion c’est de pouvoir jouer tous ensemble, valides et non valides. Il déclare facilement « dans mon sport, si tu as envie de jouer, tu prends un fauteuil »… Yannick lui a donné un chemin pour construire un nouveau style, aller de l’avant. Stéphane avait déjà envisagé sa présence pour les Jeux de Tokyo 2020 mais Yannick n’était alors pas disponible. De nombreux points communs unissent ces deux-là : sport, musique, compétition, famille et surtout une réelle envie de lutter contre l’exclusion. « Vous ne pouvez pas imaginer ce qu’il nous apporte », raconte Stéphane en parlant du nouveau capitaine de l’équipe de France de tennis fauteuil. C’est un guide hypersérieux, très différent de l’image qu’il donne à ses fans, et qui n’a pas de temps à perdre. »

Un technicien à la pointe

Aujourd’hui, Stéphane est l’un des meilleurs joueurs du monde dans sa catégorie et celui qui a inventé une nouvelle façon de jouer « à genoux ». Cela lui confère une plus grande allonge et une propulsion puissante, en autorisant plus de rotation entre le haut et le bas du corps. En effet, quand il a commencé le tennis fauteuil, il ne comprenait pas comment faisaient les joueurs dans un fauteuil en étant à 90 degrés. Il a réuni un collège de compétences et collaboré avec des chercheurs pour trouver une solution mieux adaptée. Il travaille désormais à l'élaboration du fauteuil de tennis le plus léger du monde ainsi qu'avec différents acteurs sur l’utilisation du carbone dont le spécialiste français du monde du cycle Corima et une équipe de génies italiens très au point sur les fauteuils de tennis, le Lab 3.11. Il travaille aussi avec Elanova Fondation (anciennement Fondation du caoutchouc) sur les boyaux, les pneus, les visseries, les roulements, les mains courantes, et compare son fauteuil à une Formule 1 ! « C’est ma formation vétérinaire qui me permet de valoriser cette approche », dit-il.

Le goût des autres

Quand il parle de lui, Stéphane ne se considère pas comme une personne en situation de handicap. Il se dit amputé fémoral. Le matin, il met sa prothèse et se sent adapté. Avec des problématiques particulières, évidemment : il marche différemment, mais sa prothèse l’aide à se sortir d’une situation difficile. Le sport a été un vecteur de communication, un moyen de garder du lien avec la société tout comme avec son premier métier, vétérinaire, auquel il reste très attaché.

Il a d’ailleurs désormais un nouveau combat inspiré de son expérience personnelle. En plus d’avoir été sauvé en Autriche par le 18, les pompiers, l’hélicoptère de la Croix-Rouge, son métier de vétérinaire rural dans le Charolais lui a permis d'assister à bien des situations dramatiques en urgence. Il a donc décidé de s’engager auprès de la société Émergence, pour un numéro d’urgence, le 3115, qui permet aux propriétaires d’animaux (lorsqu’ils ne peuvent joindre leur vétérinaire traitant) d’être mis en relation avec un praticien régulateur. Ce dernier décidera alors si l’animal doit être pris en charge immédiatement ou s’il peut attendre l’ouverture de sa structure habituelle, le lendemain. Un service équivalent du Samu, pour les animaux. « Car tout se joue dans la seconde, dit Stéphane. Comme pour les infarctus. »

• Lire aussi l'interview de Stéphane Houdet dans La Semaine Vétérinaire n° 2047, 6 septembre 2024.