Maladie vectorielle
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Tanit Halfon
Une étude a révélé 17 % de séropositivité pour Leishmania infantum, chez des chats domestiques vivant sur le pourtour méditerranéen, dont la France. Les chats de refuge ou vivant en liberté, et infectés par le virus de l’immunodéficience féline s’avèrent les plus à risque.
La leishmaniose féline est présente dans le pourtour méditerranéen, a rappelé une récente étude1 multicentrique publiée dans la revue Parasites&Vectors. Et pas qu’un peu. Comme l’expliquent les auteurs, il s’agit de la première enquête épidémiologique à grande échelle à avoir été menée en employant les mêmes procédures et protocoles de diagnostic. Six pays du pourtour méditerranéen ont été concernés, pour un total de 2067 chats, à savoir l’Espagne (631 chats), Israël (313), l’Italie (300), la Grèce (297), le Portugal (295), et la France (231). Tous les chats de l’étude, avaient d’une part accès à l’extérieur, d’autre part n’avaient pas été traités par antiparasitaires ou répulsifs dans les 6 mois précédents. En France, les prélèvements ont été réalisés uniquement dans le sud de la France (pourtour méditerranéen et frontière franco-espagnole). A la clé, donc, des données affinées sur la séroprévalence, mais aussi sur les facteurs de risque et la clinique, utiles aux praticiens exerçant dans ces territoires. Premier élément intéressant : la séroprévalence2 qui s’est révélée assez élevée, y compris pour la France. Ainsi, sur les 2067 chats prélevés de 2019 à 2022, 17,3% (358) étaient séropositifs pour Leishmania infantum. Avec pour trio de tête le Portugal (24,7 %), la Grèce (23,2 %) et Israël (16,6 %). Suivaient l’Espagne (15 %), la France (13,3% = 31/231) et l’Italie (12,6 %).
Une maladie « polysymptomatique »
Ces résultats appuient le fait que « L. infantum circule au sein des populations félines domestiques du bassin méditerranéen, où la leishmaniose canine est endémique », soulignent les auteurs de l’étude. Cette séroprévalence est moitié moins que ce qu’on trouve généralement pour le chien dans les études ciblant les mêmes régions (par exemple France jusqu’à 29,6 %). Cette positivité est plus marquée au niveau des côtes, en lien potentiellement avec des conditions climatiques humides pouvant favoriser la prolifération des vecteurs3. Le risque d’infection par L. infantum était significativement associé au pays d’origine du chat. Ainsi, ceux vivant en Grèce étaient plus à risque que ceux de France, d’Italie et d’Espagne. De même, les chats du Portugal sont apparus plus à risque que ceux de France, d’Espagne, d’Italie.
Deuxième grand point d’intérêt : la clinique. 26,6 % des chats séropositifs4 présentaient au moins un signe clinique, avec les formes systémiques qui étaient les plus courantes. La séropositivité était significativement associée à une perte de poids, une lymphadénomégalie, gingivostomatite, et ulcères buccaux. Côté biologie, a été mis en évidence une association significative avec la leucocytose, la thrombocytose, une baisse de l’albumine, une hausse des globulines totales et des protéines et un rapport A/G diminué. À noter aussi une positivité à la PCR (pour Polymerase Chain Reaction - sur sang total) chez 15 animaux séropositifs. Cette étude n’a pas mis en avant la présence de lésions dermatologiques, qui sont décrites dans les publications, comme un motif posible de consultation5. Pour les auteurs, cela signe le fait que la leishmaniose féline doit être considérée comme une maladie « polysymptomatique ». Tous ces signes doivent toutefois être interprétés avec prudence, avertissent les auteurs, du fait de la présence potentielle de maladies concomitantes et/ou co-infections dans la population féline.
Quels chats à risque ?
Troisième point intéressant : l’étude a confirmé une association entre l’infection et les conditions de logement, ainsi que le statut sanitaire. Ainsi, les chats vivant en refuge ou en liberté étaient plus à risque que les chats de propriétaires, pouvant refléter une exposition plus forte aux vecteurs, mais aussi un moins bon état général de santé favorisant l’infection. Ce constat appuie bien l’intérêt des mesures préventives à base de répulsifs pour limiter le risque de piqûres du phlébotome, pendant la saison de transmission. De même, l’infection par le virus de l’immunodéficience féline (FIV) est apparue comme un facteur de risque. Pour les auteurs, tous ces résultats montrent bien que les vétérinaires devraient inclure la leishmaniose féline dans leur diagnostic différentiel face à un chat présentant les signes cliniques et anomalies biologiques rapportées, en zone d’endémie ou en retour de zone d’endémie. Tout en gardant en tête que les animaux vivant en refuge ou en liberté, et infectés par le virus de l’immunodéficience féline, sont les plus à risque.
Pas de tests de dépistage standardisé
Comme le rappelle l'étude, il n’existe pas aujourd'hui de tests de dépistage standardisés pour la leishmaniose féline. Il est recommandé d’utiliser l’IFAT (Indirect Immuno-Fluorescent Antibody Test) dans l’objectif d’évaluer l’exposition d’un animal, même s’il est cliniquement sains. Le test ELISA (Enzyme-Linked Immunosorbent Assay) est à envisager pour les chats avec des signes cliniques évocateurs de la maladie.