Les avancées du plan contre le frelon asiatique - La Semaine Vétérinaire n° 2049 du 27/09/2024
La Semaine Vétérinaire n° 2049 du 27/09/2024

Apiculture

ANALYSE MIXTE

Auteur(s) : Par Tanit Halfon

Lancé en 2022, le plan national de lutte commence à s’installer dans le paysage apicole. S’il peut permettre de baisser la pression de prédation sur les ruches, il n’arrête pas le développement du frelon à pattes jaunes sur le territoire national.

Où en est-on de la mise en œuvre du plan national de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes, ou Vespa velutina nigrithorax, qui avait été lancé1 en 2022 par la filière apicole ? À l’époque, au-delà des aspects techniques du piégeage et de la destruction des nids, il était déjà question de faire connaître le plan, et de structurer des réseaux de référents en local. Étienne Calais (L 73), vétérinaire animateur du plan, et référent au groupe technique « projet PSIC2 frelon » explique : « Nous avons mis à jour le planen 2024, afin d’intégrer au comité de pilotage national la FREDON France, qui nous accompagnait déjà au niveau départemental. » Au niveau départemental comme local, « les réseaux de référents se mettent en place. Certains sont plus avancés que d’autres. » Cette avancée s’est toutefois heurtée à « certains syndicats apicoles qui ont pu avoir du mal à reconnaître le plan de lutte », note Étienne Calais.

Aujourd’hui, les retours du terrain dans les zones qui appliquent le plan sont globalement positifs. « On peut observer une baisse des captures des espèces non cibles avec les pièges préconisés. D’autres retours montrent qu’il y a moins de nids à détruire par rapport aux années précédentes. » Mais il est encore bien trop tôt pour juger de l’efficacité globale du dispositif.

Piéger au printemps

En pratique, l’objectif principal reste toujours de réduire la pression de prédation en limitant le plus possible l’implantation de nids aux alentours. Mais avec la mise à jour du plan lutte « les actions sont désormais bien ciblées selon les niveaux d’infestation des régions ». Ainsi, le piégeage de printemps des reines fondatrices3 est uniquement recommandé dans les zones présentant une densité élevée de frelons (moyenne à forte). Cette densité est évaluée par rapport aux remontées des apiculteurs en termes de pertes des colonies, mais aussi à la pression de prédation observée pendant l’été. Un niveau faible de pression correspond à un frelon asiatique devant chaque ruche, le niveau moyen à un à trois frelons, et le niveau fort à plus de trois frelons. Le piégeage doit toujours être fait pendant deux mois au maximum à partir de début février et jusqu’à fin mai, et pendant au moins mois quatre ans de suite (durée de l’étude de l’Institut technique et scientifique de l'abeille et de la pollinisation [Istap] sur le sujet4). « L’objectif du piégeage de printemps est de réduire de 50 % le nombre de nids en cours d’année », précise Étienne Calais.

Protéger individuellement les ruches

Dans les zones peu infestées, il est recommandé de ne cibler que les ruchers où a été observée de la prédation, ou alors la présence de nid, avec un piège dans le rucher et un piège près des fleurs attractives. Pour les zones à forte pression, quatre à dix pièges par commune sont préconisés, à placer près des fleurs attractives proches des ruchers et des nids. Trois types de pièges sont référencés : le piège japonais, le piège coréen à ailes, et le piège nasse à grilles Néoppi jaunes.

Le niveau de destruction des nids est aussi adapté à la densité de frelons : « Dans les zones peu touchées, la recherche et destruction des nids est à renforcer. Dans celles plus fortement infestées, on doit privilégier la destruction des nids près des ruchers, tout comme les nids bas et dangereux pour le public », explique Étienne Calais. Malgré tout, le vétérinaire est très clair : « Quoi qu’on fasse, le frelon se développera toujours, tout comme son aire de répartition, donc un travail est aussi à faire sur l’adaptation des ruchers. » Dans cette optique, le plan met davantage l’accent sur les dispositifs de protection des ruches, telles que les harpes, muselières, etc. voire piégeage de l’automne sur les ruches ayant une forte pression de prédation. L’objectif est de réduire le stress des abeilles, afin d’avoir une colonie forte qui puisse passer l'hiver. Une transhumance est recommandée en cas de très forte prédation.

Si cet ajustement de la stratégie de lutte mobilise désormais un grand nombre de parties prenantes, sur le terrain, il reste encore des personnes à convaincre localement. « C’est un travail de tous les jours, rendu difficile par la multiplicité des structures apicoles », précise Étienne Calais.

Une responsabilité de filière

Aujourd’hui, les réglementations européenne ou nationale n’obligent pas l’État à mettre en place un plan de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes. Il n’est pas catégorisé dans le règlement européen1 de gestion des maladies animales de 2021, dit loi santé animale (LSA)… sachant qu’auparavant, de 2012 à 2022, il était considéré au niveau national comme un danger sanitaire de catégorie 2 impliquant que la lutte était de la responsabilité de la filière. Toutefois, en pratique, aucune stratégie collective n’avait émergé, avec des initiatives indépendantes et variables suivant les zones du territoire. Le plan national lancé en 2022 est donc la toute première stratégie collective nationale de lutte contre le frelon. Dans ce nouveau cadre, « un groupe de travail FREDON France et GDS2 France travaille à l’élaboration d’un programme sanitaire d’intérêt collectif (PSIC) pour ce plan de lutte contre le frelon à pattes jaunes », explique Étienne Calais. Le PSIC permet de bien formaliser des mesures de lutte et de mutualiser les coûts. Sur demande, il peut être reconnu par l’autorité administrative, ce qui présente l’avantage d’en imposer les mesures à tous les détenteurs présents dans la zone géographique d’application du programme. Une autre voie de reconnaissance permet de pouvoir avoir accès au Fond national agricole de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE).

Vers une loi ?

À ce stade, « des financements régionaux existent dans le cadre des fonds verts. Certains départements financent totalement ou en partie les destructions de nids, ainsi que certaines collectivités locales. La mise en place du piégeage de printemps se fait de plus en plus avec les associations d’apiculteurs et certaines collectivités locales qui financent des pièges les plus sélectifs possible », souligne Étienne Calais.

Ceci dit, le frelon est inscrit depuis plusieurs années dans la liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union européenne (règlement 2016/1141), retranscrit au niveau national dans la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité3. Dans ce cadre, il est indiqué que le préfet de département a la possibilité de prendre des mesures de lutte en local. Selon la loi, il « peut procéder ou faire procéder (…) à la capture, au prélèvement, à la garde ou à la destruction de spécimens », via un arrêté. Il s’agit, par exemple, d’ordonner la destruction de nids situés dans des propriétés privées. Dans ce cadre, le financement n’est toutefois pas pris en charge par l’État, du fait du large envahissement du frelon sur le territoire.

Récemment, avant la dissolution de l’Assemblée, le Sénat avait adopté une proposition de loi4 visant à endiguer la prolifération du frelon, qui visait notamment à définir les rôles de chacun, et les modalités de financement.

1. https://frelonasiatique.mnhn.fr/lutte/

2. GDS : groupement de défense sanitaire.

3. https://urlz.fr/sgby

4. https://urlz.fr/sg8I

  • 2. PSIC : programme sanitaire d'intérêt collectif.
  • 4. Une étude de l’Itsap a montré que la présence de pièges au printemps est associée à une réduction du nombre de nids dans le temps, à la condition qu’il soit maintenu dans le temps, et qu'un nombre suffisant de pièges soient installés (https://urlz.fr/sg9c).