Cancérologie
ANALYSE CANINE
Auteur(s) : Par Anne-Claire Gagnon
Ce dispositif permet le traitement des cancers grâce à différentes techniques, dont la radiothérapie avec modulation d’intensité et la radiothérapie stéréotaxique, et ce de façon sécure et avec des protocoles de courte durée.
Le nouvel équipement de radiothérapie de la clinique vétérinaire Oncovet (Villeneuve-D’Ascq, Nord), un accélérateur linéaire (ou linac pour LINear ACcelerator), en fonction depuis août 2023, permet de soigner plus rapidement et en toute sécurité les animaux souffrant d’un cancer, grâce notamment à ses capacités de traitement de radiothérapie stéréotaxique (SRT). Oncovet est la seule structure en France et la seconde en Europe à offrir ce type de traitement. Notre confrère Jérôme Benoit (L 05), codirecteur de la structure et spécialiste européen de radio-oncologie (European Specialist in Veterinary Diagnostic Imaging and Radiation Oncology), nous a fait visiter les installations.
Une précision quasi chirurgicale
« L’accélérateur linéaire est ce que l’on appelle aussi un accélérateur de particules, qui n’est autre qu’un "gros" générateur de rayons X. Ils sont ici cent fois plus énergétiques qu’avec un appareil de radiologie diagnostique, délivrés avec un débit de dose important et dirigés avec une précision millimétrique vers les tissus cibles. L’accélérateur est équipé de systèmes d’imagerie (scanner cone beam) qui permettent un repositionnement extrêmement précis du patient à chaque séance », explique notre confrère. Sa précision est telle que l’on peut dans certains cas parler véritablement de radiochirurgie (Stereotactic RadioSurgery SRS), notamment quand une seule séance suffit. Les doses administrées à la lésion sont alors très fortes (100 % de la prescription aux marges pour 130-150 % de la dose au coteau de la tumeur) avec des gradients importants (moins de 50 % de la dose à 3-5 mm de la lésion cible). Dans certaines indications particulières pour lesquelles la radiothérapie stéréotaxique (SRT, voir entretien) peut s’appliquer (lésion macroscopique bien délimitée), il y aura en moyenne trois séances sur trois jours consécutifs, là où douze à vingt séances étaient préalablement nécessaires, avec les équipements plus traditionnels, aujourd’hui abandonnés par Oncovet.
La SRT, et autres traitements à haute conformation de dose (radiothérapie à intensité modulée ou IMRT pour Intensity-Modulated Radiation Therapy, dont la radiothérapie volumétrique modulée ou VMAT pour Volumetric Modulated Arc Therapy) appliqués en seulement quelques séances (hypofractionnement accéléré) n’ont pas vocation à remplacer la radiothérapie conventionnelle, mais s’applique parfaitement dans quelques indications et permettent une simplification logistique majeure pour les propriétaires du fait de la réduction de la période de traitement.
Une prise en charge thérapeutique plus courte
Des parents d’animaux viennent de toute la France mais aussi de pays voisins, grâce à un réseau de vétérinaires référents, parfois assez éloignés, comme l’Espagne et le Portugal, avec leur chien ou leur chat, passer jusqu’à quatre semaines, dans une location à Lille le temps que leur animal soit traité, le plus souvent en ambulatoire. Le traitement lui-même impose une anesthésie générale très courte et le patient repart en marchant après une visite d’une heure par séance. Lorsqu’un traitement par stéréotaxie est réalisé, la durée du protocole se limite à une seule semaine.
Au quotidien, Jérôme Benoit est assisté d’une deuxième spécialiste, Federica Conti (Bari 15), et de deux auxiliaires entièrement dédiés à cette activité. La préparation d’un protocole de radiothérapie se fait le plus souvent lors d’une visite préalable, qui consiste en la réalisation d’un scanner de simulation (nécessaire à l’étude dosimétrique)* et d’outils d’aide au positionnement, propre à chaque patient, qui permettent ensuite d’assurer un positionnement à l’identique, d’une séance à l’autre.
Chaque séance nécessite une anesthésie courte avec un positionnement des patients selon des repérages anatomiques précis. Le linac est lui-même équipé d’un scanner embarqué qui participe au positionnement de précision millimétrique des patients. Dans le cas d’indications particulièrement radiosensibles, il arrive parfois de devoir refaire une dosimétrie en cours de traitement afin d’adapter le plan aux nouveaux volumes (radiothérapie adaptative). Il est à noter qu’un tiers des patients de radiothérapie sont des chats, les deux autres tiers se répartissant entre chiens et quelques nouveaux animaux de compagnie.
À la pointe de la technologie
Si le cœur du service de radiothérapie est l’appareil lui-même, la partie essentielle est celle des calculs d’impact (étude dosimétrique) où des logiciels dédiés s’appuyant sur des algorithmes complexes et de l’intelligence artificielle viennent aider le spécialiste à préparer les plans de traitement. Ce travail préparatoire est particulièrement important en radiothérapie à haute conformation de dose avec modulation d’intensité (IMRT ou VMAT et SRT). Une fois le plan préparé, un travail de contrôle qualité des plans – essentiel pour la validation des plans par des mesures physiques – sera réalisé.
Jérôme Benoit (L 05), spécialiste européen de radio-oncologie (European Specialist in Veterinary Diagnostic Imaging and Radiation Oncology), et président de la Société européenne d’oncologie vétérinaire (ESVONC)*
« Cette haute conformation de dose a un meilleur effet antitumoral tout en réduisant les effets secondaires »
D’où viennent vos clients ?
Nos cas viennent de toute la France et de nombreux pays voisins. Il s’agit en radio-oncologie beaucoup de cas en 2e ou 3e niveau de référés, qui ont déjà un diagnostic et un bilan d’extension permissif pour ce type de traitement. Nous voyons également un nombre important de cas (autour de 20 %) qui arrivent à Oncovet sans être référés, pour un second avis. Dans tous les cas, nos clients, loin de se résigner face à la maladie, font preuve d'une grande motivation pour s’organiser autour du traitement de leur animal.
Comment cibler au plus juste sans effet secondaire ?
Les tumeurs nasales en général sont des affections que l’on traite mieux aujourd’hui grâce à notre nouvel équipement. L’effet dit de « modulation » des faisceaux, via un jeu complexe et dynamique des lames du collimateur, permet de réduire la dose aux organes sensibles à proximité (ici la peau et la palais) sans détériorer la dose au volume tumoral cible. Cette haute conformation de dose permet ainsi d’optimiser la prescription, pour un meilleur effet antitumoral, tout en réduisant les effets secondaires.
Faut-il réaliser un scanner avant de vous référer un animal ?
Référer un animal en radiothérapie implique une évaluation oncologique standard avec un diagnostic de la lésion à traiter par cytologie ou histopathologie et un bilan d’extension. Le scanner est devenu une modalité très répandue et parfaitement adaptée à nos cas d’oncologie. Pour les cas où le bilan serait incomplet au moment de la consultation de référé, nous avons la possibilité de compléter le bilan lors de cette visite.
Il faut faire la différence entre le scanner diagnostique, qui appartient au bilan d’extension d’une maladie tumorale, et le scanner dosimétrique, qui est une procédure propre à la planification de la radiothérapie. Dans le cas où un patient arrive avec un bilan complet par scanner, il nous faudra tout de même réaliser un nouveau scanner dont les images seront utilisées pour la préparation de la radiothérapie. Ce scanner de « simulation » doit être réalisé dans les jours qui précèdent la radiothérapie, et dans la position précise du traitement. Cette procédure technique a un coût qui est intégré dans le traitement de radiothérapie.
Quel est le coût pour le propriétaire ?
La radiothérapie est une modalité onéreuse du fait des coûts importants des équipements et du bâtiment, des contraintes réglementaires, de la nécessité d’une anesthésie générale à chaque séance et de la qualification des personnels impliqués (auxiliaires, manipulateurs radio, vétérinaires spécialistes). Au cas par cas, les coûts en radiothérapie varient en fonction de plusieurs critères : la complexité du traitement et de sa planification, et le nombre de séances. La fourchette de prix se situe entre 1 000 et 6 000 €. À Oncovet, nous offrons la possibilité de mensualiser les versements.
Je précise que la première contrainte pour les propriétaires qui viennent en radiothérapie n’est pas financière mais le plus souvent logistique. Même si une hospitalisation est possible, la majorité va s’arranger pour rester avec leur animal pendant la période de traitement. Il est important pour les vétérinaires traitants de ne pas sous-estimer la capacité de nombreux propriétaires à financer un traitement et s’organiser logistiquement pour le traitement de leur animal.
Les avantages de la radiothérapie stéréotaxique
La radiothérapie stéréotaxique est la technique d’irradiation qui pousse l’accélérateur au maximum de ses capacités de conformation de dose. « L’objectif dosimétrique est de délivrer des doses ablatives de rayonnement avec 100-150 % de la dose prescrite au sein du volume tumoral, et moins de 50 % de dose résiduelle à seulement 3-5 mm à l’extérieur de la cible, le tout en seulement 1 à 5 séances sur une seule semaine. Cette approche est très adaptée pour les lésions macroscopiques de petits volumes et bien délimitées comme les tumeurs cérébrales, les tumeurs nasales et certaines tumeurs osseuses (ostéosarcomes). Les protocoles courts sont particulièrement avantageux pour une clientèle éloignée. Pour l’animal, cela implique moins d’anesthésies générales. Les interventions se font souvent en ambulatoire. Les propriétaires louent alors une chambre pour une semaine et viennent chaque jour », détaille Jérôme Benoît.